Plan de la fiche sur 
le chapitre 2 de La Bête humaine de Emile Zola :
 est un roman d'
Emile Zola qui fut publié en 1890, dix-septième  volume de la série 
Les  Rougon-Macquart.
     Dans cet extrait du chapitre 2 que nous étudions, après  sa tentative de viol sur Flore, la belle-fille de sa marraine Phasie, Jacques  est pris d’une violente crise. Il sent à nouveau surgir le spectre de sa folie  meurtrière qu’il pensait un instant disparu. Abattu et terrassé par ses  pulsions indomptables, il s’enfuit en pleine nuit à travers la campagne  cherchant à vaincre ses désirs bestiaux.
Texte étudié
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Lu par René Depasse - source : litteratureaudio.com
 
     Alors, de nouveau, pendant une  demi-heure, il galopa au travers de la campagne noire, comme si la meute  déchaînée des épouvantes l'avait poursuivi de ses abois. Il monta des côtes, il  dévala dans des gorges étroites. Coup sur coup, deux ruisseaux se présentèrent  : il les franchit, se mouilla jusqu'aux hanches. Un buisson qui lui barrait la  route, l'exaspérait. Son unique pensée était d'aller tout droit, plus loin,  toujours plus loin, pour se fuir, pour fuir l'autre, la bête enragée qu'il  sentait en lui. Mais il l'emportait, elle galopait aussi fort. Depuis sept mois  qu'il croyait l'avoir chassée, il se reprenait à l'existence de tout le monde ;  et, maintenant, c'était à recommencer, il lui faudrait encore se battre, pour  qu'elle ne sautât pas sur la première femme coudoyée par hasard. Le grand  silence pourtant, la vaste solitude l'apaisaient un peu, lui faisaient rêver  une vie muette et déserte comme ce pays désolé, où il marcherait toujours, sans  jamais rencontrer une âme. Il devait tourner à son insu, car il revint, de  l'autre côté, buter contre la voie, après avoir décrit un large demi-cercle,  parmi les pentes, hérissées de broussailles, au-dessus du tunnel. Il recula,  avec l'inquiète colère de retomber sur des vivants. Puis, ayant voulu couper  derrière un monticule, il se perdit, se retrouva devant la haie du chemin de  fer, juste à la sortie du souterrain, en face du pré où il avait sangloté tout  à l'heure. Et, vaincu, il restait immobile, lorsque le tonnerre d'un train  sortant des profondeurs de la terre, léger encore, grandissant de seconde en  seconde, l'arrêta. C'était l'express du Havre, parti de Paris à six heures  trente, et qui passait là à neuf heures vingt-cinq : un train que, de deux  jours en deux jours, il conduisait.
La Bête humaine - extrait du chapitre 2 - Zola
Annonce des axes
I. Une chevauchée fantastique
II. Echapper à soi-même : le leurre de la fuite
III. Un paysage symbolique et mythique
Commentaire littéraire
I. Une chevauchée fantastique
Le récit raconte une échappée aux  allures de traque et de poursuite policière.
  Au cours d’une chasse à l’homme imaginaire, Jacques semble fuir de mystérieux  et fantomatiques poursuivants. Il paraît en proie à un véritable délire  paranoïaque qui pousse à s’enfuir "plus loin, toujours plus loin".
  Cette angoisse panique se traduit d’abord par le mouvement et le rythme  impulsés au récit ainsi que par le cadre spatio-temporel : la nuit, une  nature déserte, silencieuse (pas de bruit d’animaux, ni de feuilles froissées,  de branches cassées, ni d’aucune vie d’ailleurs, si ce n’est celui du train) et  hostile.
a) Le rythme :
La cadence  est soutenue, effrénée. Verbes de mouvement, emploi métaphorique du verbe  galoper, phrases courtes, emploi du passé simple, actions rapides et brèves.
  
b) Le mouvement :
Sans  but et erratique, incontrôlable et désordonné : "tout droit" et  "toujours plus loin" mais apparemment vers nulle part ; il  tourne en rond, se perd, s’égare, et s’avoue finalement "vaincu". Le  réseau sémantique de la chasse, de la battue, de la traque, de la poursuite. Comparaisons,  personnifications (début de l'extrait).
  
c) Le décor : une nature hostile
Temps : la nuit totale, ("campagne noire").
Espace : la rivière symbolique, les obstacles.
Déshumanisé, sans être, ni vie d’aucune sorte.
Fuite intérieure et extérieure, l’une enchâssée dans l’autre.
 
II. Echapper à soi-même : le leurre de la fuite
a) Se fuir, un personnage double et  antithétique
La fuite première se redouble d’une fuite seconde signalée principalement par  le changement des temps verbaux, on est passé en effet à l’imparfait de  narration.
La dynamique de la course autorise le retour du refoulé, libère le double caché  et sauvage. Elle laisse émerger la folie. Aussi assiste-t-on à une fuite en avant  vaine : "son unique pensée était d’aller tout droit, plus loin,  toujours plus loin".
En fait, ce qu’il fuit, c’est d’abord lui-même ou plutôt la "bête enragée"  dont il se sent possédé, cette poursuite imaginaire se double d’une tentative  de se dérober à sa face maudite ; le verbe pronominal "se fuir".  Sous l’homme, la bête ; sous le moi, l’autre ; et on pourrait ajouter  sous le rut sexuel (Eros) la volupté de la mort (Thanatos).
Thème et imaginaire de l’alter ego et du combat intérieur avec ses  déchirements ; verbes de lutte : emporter, chasser, battre.
Mais également sous le présent, le passé.
b) Fuir le passé
Il s’agit d’abord de son hérédité, de ce qu’il est, mais  aussi de sa pulsion. Le mouvement de la course autorise la rétrospection  intérieure.
c) Fuir le monde
Cette fuite traduit une peur d’affronter le monde, la  réalité et la femme ("Dans sa petite chambre de la rue Cardinet [...] que  d’heures il se souvenait d’avoir passées, ces heures libres, enfermé comme un  moine au fond de sa cellule [...]", chap. II).
Stratification du personnage et du temps comme au reste de l’espace. Le paysage  qui suggère un décor hostile s’avère aussi sujet à une double inscription,  symbolique et mythique.
 
III. Un paysage symbolique et mythique
a) Un monde labyrinthique  qui figure la fêlure d’un être déchiré, entravé et obsessionnel
  Il semble que nous pénétrons avec Jacques dans un univers de profondeur, un  monde obscur et primitif exempt de toute œuvre civilisatrice. L’atmosphère y  est symboliquement sombre, la vie occulte et souterraine. Le paysage opère au  reste comme une remontée dans le temps ; Si le parcours passe par deux  rivières, emblèmes même des lieux de passage initiatique, il s’avère régressif.  Ainsi, une fois l’épreuve des ruisseaux franchie, le personnage se révèle alors  dans toute son émotivité, dans toute son animalité. Il nous découvre cet autre,  la part cachée de son moi, d’un moi originel et bestial animé par le désir et  les pulsions.
  Ne ressort-il pas de la cavalcade de Jacques, le motif de la lutte première de  l’homme par rapport à une nature inculte et farouche ?
b) Le paysage se prête à une sorte de métaphorisation du sexe féminin
Le décor qui figure l’angoisse du personnage face à son désir monstrueux et  incoercible reflète au demeurant un espace violemment érotisé, largement  assimilé au sexe féminin. Les correspondances sont du reste à peine  implicites : le tranché, le coupé, le profond  ("les gorges étroites"), "le buisson", le vertige de  l’inconnu ("il revint, de l’autre côté, [...] après avoir décrit un large  demi-cercle"), ou encore l’omniprésence de broussailles touffues. Face à  la femme, Jacques ne refuse pas le corps nu en lui-même mais la folie  irrésistible qu’il suscite. Il se sait alors entraîné vers des abîmes inconnus  où le moi semble devoir se perdre. Il s’agit donc de fuir le désir comme la  mort, comme s’il devait y perdre quelque chose de lui-même. S’il rejette la  sexualité, c’est par peur des gouffres vers lesquels elle le destine.
Conclusion
     L’angoisse devant le désir, pousse ici Jacques  Lantier à la fuite, avant de le conduire au meurtre. Si elle le mène à réagir  comme une "bête traquée", la folie meurtrière de Jacques ne relève  pas de l’instinct animal. Son besoin de tuer, en effet, ne renvoie à aucune  force infernale mais bien à lui seul, à l’homme, à son désir, à son corps, au  sexe. La chair n’a plus rien de diabolique, mais n’en est pas pour autant plus  rassurante.