Le Grand Meaulnes

Alain-Fournier

La pantomime

De "Enfin glissa lentement..." à "...l'honneur de vous remercier !"




Plan de la fiche sur un extrait de Le Grand Meaulnes de Alain-Fournier :
Introduction
Texte étudié
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion


Introduction

Auteur : De son vrai nom Henri Alban Fournier né en 1886 à la Chapelle d’Anguillon et mort en 1914 à la guerre (porté disparu le 22 septembre).

Œuvre : Le Grand Meaulnes est la seule œuvre d’Alain-Fournier. Elle fut publiée en 1913 peu avant la première guerre mondiale, période rythmée par le progrès technique. L'histoire de Le Grand Meaulnes  est fortement similaire à la vie d’Alain Fournier.
Publié dans la nouvelle revue française.

Cet extrait est la clé de voûte de l’œuvre Le Grand Meaulnes, il se situe au centre et porte sur le spectacle du Bohémien qui en fait est Frantz, le frère d’Yvonne.

Alain-Fournier
Alain-Fournier - 1913


Texte étudié


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    Enfin glissa lentement, entre les rideaux, la face - sillonnée de rides, tout écarquillée tantôt par la gaieté tantôt par la détresse, et semée de pains à cacheter ! - d'un long pierrot en trois pièces mal articulées, recroquevillé sur son ventre comme par une colique, marchant sur la pointe des pieds comme par excès de prudence et de crainte, les mains empêtrées dans des manches trop longues qui balayaient la piste.

    Je ne saurais plus reconstituer aujourd'hui le sujet de sa pantomime. Je me rappelle seulement que dès son arrivée dans le cirque, après s'être vainement et désespérément retenu sur les pieds, il tomba. Il eut beau se relever ; c'était plus fort que lui : il tombait. Il ne cessait pas de tomber. Il s'embarrassait dans quatre chaises à la fois. Il entraînait dans sa chute une table énorme qu'on avait apportée sur la piste. Il finit par aller s'étaler par delà la barrière du cirque jusque sur les pieds des spectateurs. Deux aides, racolés dans le public à grand'peine, le tiraient par les pieds et le remettaient debout après d'inconcevables efforts. Et chaque fois qu'il tombait, il poussait un petit cri, varié chaque fois, un petit cri insupportable, où la détresse et la satisfaction se mêlaient à doses égales. Au dénouement, grimpé sur un échafaudage de chaises, il fit une chute immense et très lente, et son ululement de triomphe strident et misérable durait aussi longtemps que sa chute, accompagné par les cris d'effroi des femmes.
    Durant la seconde partie de sa pantomime, je revois, sans bien m'en rappeler la raison, "le pauvre pierrot qui tombe" sortant d'une de ses manches une petite poupée bourrée de son et mimant avec elle toute une scène tragi-comique. En fin de compte, il lui faisait sortir par la bouche tout le son qu'elle avait dans le ventre. Puis, avec de petits cris pitoyables, il la remplissait de bouillie et, au moment de la plus grande attention, tandis que tous les spectateurs, la lèvre pendante, avaient les yeux fixés sur la fille visqueuse et crevée du pauvre pierrot, il la saisit soudain par un bras et la lança à toute volée, à travers les spectateurs, sur la figure de Jasmin Delouche, dont elle ne fit que mouiller l'oreille, pour aller ensuite s'aplatir sur l'estomac de Mme Pignot, juste au-dessous du menton. La boulangère poussa un tel cri, elle se renversa si fort en arrière et toutes ses voisines l'imitèrent si bien que le banc se rompit, et la boulangère, Fernande, la triste veuve Delouche et vingt autres s'effondrèrent, les jambes en l'air, au milieu des rires, des cris et des applaudissements, tandis que le grand clown, abattu la face contre terre, se relevait pour saluer et dire :

    "Nous avons, messieurs et mesdames, l'honneur de vous remercier !".

Alain-Fournier - Le Grand Meaulnes - La pantomime




Annonce des axes

I. La pantomime a une fonction dramatique
1. Elle démasque le mystérieux bohémien
2. Transposition de la vie

II. La pantomime offre également une réflexion sur la condition humaine
1. Pierrot = reflet de la dualité de chaque être
2. Il montre la difficulté de grandir
3. Ainsi que la dimension tragique de notre condition



Commentaire littéraire

I. La pantomime a une fonction dramatique

1. Elle démasque le mystérieux bohémien

- Effet d’attente : « lentement », « entre les rideaux ».
- Evocation de la fête du domaine mystérieux = révélation future de l’identité du bohémien.

2. Transposition de la vie

- Syntaxe désarticulée de la première phrase = mal du personnage.
- Les cris (ululement) = détresse
- La poupée « visqueuse et crevée » = Valentine disparue.


II. La pantomime offre également une réflexion sur la condition humaine

1. Pierrot = reflet de la dualité de chaque être

Champs lexicaux du bonheur et malheur présent simultanément + 2 rythmes binaires (détresse et satisfaction + « tantôt par la gaieté tantôt par la détresse »).

2. Il montre la difficulté de grandir

- Les cris et l’absence de paroles.
- Pantomime = enfance = période pendant laquelle on ne parle pas.
- Poupée qui se vide de son bourrage de son (ici, le son désigne un résidu de la mouture des grains dont la poupée est remplie pour lui donner sa consistance) (son = sablier = temps qui passe = Métamorphose).
- Motif récurrent de chute (tomber est conjugué 5 fois dans l'extrait) = ne se relève pas = ne grandit pas + geste rageur vers Jasmin qui veut faire l’homme de 17 ans.

3. Ainsi que la dimension tragique de notre condition

- Emploi d’adverbe « vainement », « désespérément » = signe du tragique de la condition humaine.
- L’absence de sens de la pantomime = absence de sens de la vie, voire absurdité de la vie.
- Contagion de la chute : Frantz (bohémien) puis spectateur + cris spectateurs.





Conclusion

Cet extrait constitue une mise en abyme du roman. Passage de l’enfance à l'âge adulte. Réflexion sur la souffrance liée à la confrontation réel / irréel.

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Merci à Romain cette analyse sur un extrait de Le Grand Meaulnes de Alain-Fournier