Plan de la fiche sur 
un extrait de Le Grand Meaulnes de Alain-Fournier :
Auteur : De  son vrai nom Henri Alban Fournier né en 1886 à la Chapelle d’Anguillon et mort  en 1914 à la guerre (porté disparu le 22 septembre).
Œuvre : Le Grand Meaulnes est la seule œuvre d’Alain-Fournier.  Elle fut publiée en 1913 peu avant la première guerre mondiale, période rythmée  par le progrès technique. L'histoire de Le Grand Meaulnes  est fortement similaire à la vie d’Alain  Fournier.
Publié dans la nouvelle revue française.
Cet  extrait relate la rencontre de Meaulnes et Yvonne. Meaulnes a désobéi et a volé  la jument et la voiture de Fromentin. Son voyage jusqu’aux Sablonnières est  semé d’embûches. Il assiste à la fête du mariage de Frantz et Valentine. Il  remarque Yvonne d’abord quand elle joue du piano puis durant sa promenade et  dans le bateau.
  

Alain-Fournier - 1913
  
  
Texte étudié
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Lu par Pomme - source : litteratureaudio.com
     La vieille dame resta sur la rive, et, sans savoir comment,  Meaulnes se trouva dans le même yacht que la jeune châtelaine. Il s'accouda sur  le pont, tenant d'une main son chapeau battu par le grand vent, et il put  regarder à l'aise le jeune fille, qui s'était assise à l'abri. Elle aussi le  regardait. Elle répondait à ses compagnes, souriait, puis posait doucement ses  yeux bleus sur lui, en tenant sa lèvre un peu mordue.
     Un grand silence régnait sur les berges prochaines. Le bateau  filait avec un brui calme de machine et d'eau. On eût pu se croire au cœur de  l'été. On allait aborder, semblait-il, dans le beau jardin de quelque maison de  campagne. La jeune fille s'y promènerait sous une ombrelle blanche. Jusqu'au  soir on entendrait les tourterelles gémir... Mais soudain une rafale glacée  venait rappeler décembre aux invités de cette étrange fête.
     On aborda devant un bois de sapins. Sur le débarcadère, les  passages durent attendre un instant, serrés les uns contre les autres, qu'un  des bateliers eût ouvert le cadenas de la barrière... Avec quel émoi Meaulnes  se rappelait dans la suite cette minute où, sur le bord de l'étang, il avait eu  très près du sien le visage désormais perdu de la jeune fille ! Il avait  regardé ce profil si pur, de tous ses yeux, jusqu'à ce qu'ils fussent près de  s'emplir de larmes. Et il se rappelait avoir vu, comme un secret délicat  qu'elle lui eût confié, un peu de poudre restée sur sa joue...
     A terre, tout s'arrangea comme dans un rêve. Tandis que les  enfants couraient avec des cris de joie, que des groupes se formaient et  s'éparpillaient à travers bois, Meaulnes s'avança dans une allée, où, dix pas  devant lui, marchait la jeune fille. Il se trouva près d'elle sans avoir eu le  temps de réfléchir :
     "Vous êtes belle", dit-il simplement.
     Mais elle hâta le pas et, sans répondre, prit une allée  transversale. D'autres promeneurs couraient, jouaient à travers les avenues,  chacun errant à sa guise, conduit seulement par sa libre fantaisie. Le jeune  homme se reprocha vivement ce qu'il appelait sa balourdise, sa grossièreté, sa  sottise. Il errait au hasard, persuadé qu'il ne reverrait plus cette gracieuse  créature, lorsqu'il l'aperçut soudain venant à sa rencontre et forcée de passer  près de lui dans l'étroit sentier. Elle écartait de ses deux mains nues les  plis de son grand manteau. Elle avait des souliers noirs très découverts. Ses  chevilles étaient si fines qu'elles pliaient par instants et qu'on craignait de  les voir se briser.
     Cette fois, le jeune homme salua, en disant très bas :
     "Voulez-vous me pardonner ?
     - Je vous pardonne, dit-elle gravement. Mais il faut que je  rejoigne les enfants, puisqu'ils sont les maîtres aujourd'hui. Adieu".
     Augustin la supplia de rester un instant encore. Il lui parlait  avec gaucherie, mais d'un ton si troublé, si plein de désarroi, qu'elle marcha  plus lentement et l'écouta.
     "Je ne sais même pas qui vous êtes", dit-elle enfin.  Elle prononçait chaque mot d'un ton uniforme, en appuyant de la même façon sur  chacun, mais en disant plus doucement le dernier... Ensuite elle reprenait son  visage immobile, sa bouche un peu mordue, et ses yeux bleus regardaient  fixement au loin.
     "Je ne sais pas non plus votre nom", répondit Meaulnes.
     Ils suivaient maintenant un chemin découvert, et l'on voyait à  quelque distance les invités se presser autour d'une maison isolée dans la  pleine campagne.
     "Voici la 'maison de Frantz'", dit la jeune fille ; il  faut que je vous quitte..."
     Elle hésita, le regarda un instant en souriant et dit :
     "Mon nom ?... Je suis mademoiselle Yvonne de Galais..."
     Et elle s'échappa.
  
        
Alain-Fournier - Le Grand Meaulnes - La rencontre avec Yvonne de Galais
Structure du texte
Du début à "restée sur sa joue…" : Passage sur le bateau,  passage rêvé
  "A terre…" à la fin : Forêt / Terre, retour au  réel, prise de conscience.
  Mouvement subjectif : réel / irréel = vie / mort
Annonce des axes
I. L’évocation classique du coup de foudre
1. Un cadre bucolique propice au coup de foudre
2. Un coup de foudre classique par les émotions et le regard
3. Un instant essentiel
II. La femme aimée, femme inaccessible
1. Sa beauté est parfaite et fragile
2. Inaccessible car entre rêve et réalité
3. Un amour tragique
Commentaire littéraire
I. L’évocation classique du coup de foudre
1. Un cadre bucolique propice au coup de foudre
- Tableau impressionniste : description par  petites touches disséminées. 
- Description romantique : « Grand vent »  -> Force des émotions ; « étroit sentier » -> Rencontre  des amants ; « Un grand  silence régnait sur les berges » -> Solennité de  l’instant ; « Chemin découvert » -> Les amants se découvrent.
2. Un coup de foudre classique par les émotions et le regard
- Regard : réciprocité de l’amour : 
chiasme (il put regarder  … Elle aussi le regardait) +  parallélisme  en début de texte (1er paragraphe). Structure (… ET … PUIS …)  Façade puis regard. Rythme binaire = double jeu personnage. Répétition verbe de  vision + adverbe. « elle posait DOUCEMENT », « regardait A  L’AISE », « Elle AUSSI le regardait », « De TOUS ses  yeux »… Ralentissement de l’instant par les adverbes. Suggère l’insistance  du regard.
- Importance des émotions : Crescendo :  « émoi », « s’emplir de larmes » « désarroi » +  rapprochement des deux êtres : « se regardèrent », « serrés »,  « très près du sien le visage désormais perdu de la fille », « Il a vu un peu de poudre resté sur sa  joue ». Evolution pronom : « Elle », « La jeune fille »,  « ils suivaient » -> fusion des êtres. 
La violence des émotions déstabilise Meaulnes : « balourdises »,  « gaucherie », « sottise ».
Ironie dramatique : le lecteur en sait plus que les personnages +  Contraste fête / Couple : Rapidité et mouvement / Lenteur et figé.
3. Un instant essentiel
- Un moment présenté comme un rendez-vous du  destin : « Il se trouva », « sans avoir eu le temps de réfléchir »,  « errait au hasard » -> pléonasme + Idée de destin.
- Moment comme  suspendu : nombreux points de suspension + « plus lentement »,  « plus doucement », « immobile », « posait doucement »  + imparfait de description. Confusion saison (Eté/hiver) + Rythme narration  contrasté => dilatation temporelle : les émotions déforment la notion  du temps. Recherche du temps perdu (idée de Proust) = Meaulnes.
  
II. La femme aimée, femme inaccessible
1. Sa beauté  est parfaite et fragile
Femme aimée = femme idéale : termes qui la  désigne : « jeune châtelaine », « jeune fille »,  « gracieuse créature » + beauté exceptionnelle : termes  laudatifs (= élogieux) + adverbe « si » : « ce profil si  pur », « cette gracieuse créature », « Ses chevilles  étaient si fines ».
2. Inaccessible car entre rêve et réalité
« Comme dans un rêve » + Récit à la troisième  personne et mise en abyme = distance réel irréel + modalisateur :  « Semblait-il » + « quelque maison de campagne » =  incertitude + conditionnel « s’y promènerait », « on entendrait »  + fuite : « s’échappa » -> disparition brutale + « il  faut que je rejoigne les enfants », « Il faut que je vous  quitte ».
3. Un amour tragique
Amour tragique car  tourterelle annonce cela en gémissant (de douleur) + la rafale glacée +  décembre = froid = mort. Récit rétrospectif = impossibilité du bonheur +  Meaulnes ne sait plus : « persuadé qu’il ne reverrait plus cette  gracieuse créature ».
Conclusion
  Passage symboliste + femme idéalisée mais amour impossible. Yvonne est mystérieuse. Cet extrait est  un passage central du Grand Meaulnes.
  Rappelle 
Roméo et Juliette de 
William Shakespeare = amour impossible et  tragique.