Manon Lescaut

Abbé Prévost

Hésitations de des Grieux

De "Je m’assis, en rêvant " à "j’en eus de meilleures preuves dans la suite."




Plan de la fiche sur les hésitations de des Grieux - Manon Lescaut - Abbé Prévost :
Introduction
Texte étudié
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion




Introduction

Situation :
Manon et des Grieux ont été dévalisés par leurs domestiques. Lescaut propose à Manon de se faire entretenir par M. de GM, vieux voluptueux : elle quitte des Grieux et Lescaut vient proposer un marché à ce dernier : se faire passer pour le frère de Manon et bénéficier des largesses de M. de GM.
C’est une proposition malhonnête. Escroquerie manifeste : Manon joue les courtisanes et des Grieux et Lescaut profitent de la situation en étant à la fois souteneur et entremetteur.

Travail préliminaire :
Thème : Les réflexions de des Grieux face à un dilemme : accepter d’être un escroc ou perdre Manon ; une introspection.
Type de texte dominant : Argumentatif.
Registre dominant : Registre délibératif.
Construction : Mouvement de balancier => L’aspiration au bonheur // le passé // l’irréel // le présent.
On peut repérer le mouvement de balancier (récurrent dans le roman), asymétrique, interrompu brusquement par le discours direct. Il ne s’agit pas d’une pensée dialectique mais d’une déchirure intérieure, peinture d’une passion fatale.
Procédés : Interrogations, exclamations, oppositions, discours indirect libre et discours direct mêlés.

La composition :
- Les pensées.
- La décision brutale.
- Un récit avec portrait : la fonction de Lescaut => Ironie et mépris pour le personnage. (Reflet => autodérision).

La visée :
Faire partager au lecteur le déchirement de l’honnête homme entre ses aspirations au bonheur et la misérable réalité.

Problématique :
Qu’est ce que ce moment d’introspection va révéler de des Grieux ? Quel est le rôle de ce moment d’introspection dans le cours du récit ?


Texte étudié


     Je m'assis, en rêvant à cette bizarre disposition de mon sort. Je me trouvai dans un partage de sentiments, et par conséquent dans une incertitude si difficile à terminer, que je demeurai longtemps sans répondre à quantité de questions que Lescaut me faisait l'une sur l'autre. Ce fut, dans ce moment, que l'honneur et la vertu me firent sentir encore les pointes du remords, et que je jetai les yeux, en soupirant, vers Amiens, vers la maison de mon père, vers Saint-Sulpice et vers tous les lieux où j'avais vécu dans l'innocence. Par quel immense espace n'étais-je pas séparé de cet heureux état ! Je ne le voyais plus que de loin, comme une ombre qui s'attirait encore mes regrets et mes désirs, mais trop faible pour exciter mes efforts. Par quelle fatalité, disais-je, suis-je devenu si criminel ? L'amour est une passion innocente ; comment s'est-il changé, pour moi, en une source de misères et de désordres ? Qui m'empêchait de vivre tranquille et vertueux avec Manon ? Pourquoi ne l'épousais-je point, avant que d'obtenir rien de son amour ? Mon père, qui m'aimait si tendrement, n'y aurait-il pas consenti si je l'en eusse pressé avec des instances légitimes ? Ah ! mon père l'aurait chérie lui-même, comme une fille charmante, trop digne d'être la femme de son fils ; je serais heureux avec l'amour de Manon, avec l'affection de mon père, avec l'estime des honnêtes gens, avec les biens de la fortune et la tranquillité de la vertu. Revers funeste ! Quel est l'infâme personnage qu'on vient ici me proposer ? Quoi ! j'irai partager... Mais y a-t-il à balancer, si c'est Manon qui l'a réglé, et si je la perds sans cette complaisance ? Monsieur Lescaut, m'écriai-je en fermant les yeux comme pour écarter de si chagrinantes réflexions, si vous avez eu dessein de me servir, je vous rends grâces. Vous auriez pu prendre une voie plus honnête ; mais c'est une chose finie, n'est-ce pas ? Ne pensons donc plus qu'à profiter de vos soins et à remplir votre projet. Lescaut, à qui ma colère, suivie d'un fort long silence, avait causé de l'embarras, fut ravi de me voir prendre un parti tout différent de celui qu'il avait appréhendé sans doute ; il n'était rien moins que brave, et j'en eus de meilleures preuves dans la suite.

Extrait de la première partie de Manon Lescaut - L'abbé Prévost



Annonce des axes

I. Un être déchiré
1. Dans une situation d'introspection
2. Face à un dilemme
3. Et qui éprouve une vive souffrance morale

II. Un être qui s'interroge (ainsi que le lecteur) sur le cours de sa vie
1. Les raisons de se déchéance
2. La lucidité



Commentaire littéraire

I. Un être déchiré

1. Dans une situation d’introspection

Une pause dans le récit : je m’assis, en rêvant.
La réflexion retrospective : par quel immense espace + que de loin => des Grieux mesure ce qui le sépare de son passé rappelé par les lieux de son enfance.
L’omniprésence du « Je » => Une introspection cruelle, sans concession, avec jugement de ses actes : si criminel (intensif => hyperbole).

2. Face à un dilemme

L’alternative formulée seulement à la fin de la réflexion : si je la perds sans cette complaisance ?
Le registre délibératif oppose le passé et le présent
1. L’opposition des deux voies qui s’offrent à des Grieux : partage des sentiments. Des termes qui s’opposent : tranquille ; vertueux ; misères ; désordres ; passion innocente ; criminel. Les énumérations des biens => l’aspiration au bonheur.
2. L’accumulation des questions.
3. Discours direct et discours indirect libre mêlés => force de conviction par l’emploi du discours direct.

3. Et qui éprouve une vive souffrance morale

Le poids de la figure paternelle = affection et honnêteté qui soulignent la carence actuelle => des Grieux est en perte de repères.
Le champ lexical : les pointes du remords, regrets, désirs. Le passé et le présent font entrevoir le bonheur enfui et l’impossibilité d’un retour en arrière.


II. Un être qui s’interroge (ainsi que le lecteur) sur le cours de sa vie

1. Les raisons de se déchéance

Le poids du destin : champ sémantique : sort, fatalité funeste.
Les erreurs commises ont empêché une union légitime.
La force de la passion :
1. Une décision brutale sur une phrase exclamative en suspens. Partager (sous-entendu Manon) => Indignation => Sursaut : mais et question rhétorique.
2. La passion et Manon mènent le jeu : Si c’est Manon qui l’a réglé. Si = puisque = Causalité évidente.
3. Passage au discours direct et indication les yeux fermés => Image de l’aveuglement dû à la passion.

2. La lucidité

Les termes péjoratifs de l’autoportrait. Le héros dans l’abjection ; le dédoublement : Quel est l’infâme personnage qu’ont vient ici me proposer ?
L’autodérision et l’ironie finales, dans les propos courtois et à double entente.





Conclusion

    Cet extrait de Manon Lescaut est un moment d’analyse psychologique. Les caractéristiques des romans traditionnels sont présentes et permettent au lecteur de mieux cerner le personnage à travers une crise de conscience. Tragique : ici se mêlent l’éclair de lucidité et l’aveuglement de l’homme dévoré par sa passion. Vision pathétique aussi du personnage qui s’avilit et qui est conscient de cet avilissement. Attachement du lecteur car pénétrer au cœur des pensées de des Grieux plus sympathique.

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Merci à Sébastien pour cette analyse sur les hésitations de des Grieux - Manon Lescaut de l'Abbé Prévost