Le Mariage de Figaro

Beaumarchais

Acte IV, scène 9






Plan de la fiche sur la scène 9 de l'Acte 4 de Le Mariage de Figaro de Beaumarchais :
Introduction
Lecture de la scène 9 de l'acte 4
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion


Introduction

    Le Mariage de Figaro a été écrit par Beaumarchais (1732 - 1799). Figaro, valet du Comte, convoite Suzanne, camériste de la Comtesse et souhaite l'épousé : c'est un amour partagé. Mais, le comte a des vues sur Suzanne, et n'autorisera le mariage que si Suzanne accepte ses propositions. Après un acte 2 très mouvementé, qui rapproche Suzanne et la Comtesse et fait d'elles des instigatrices de premier plan, ces dernières commencent à mettre leur plan en application en fixant un rendez-vous au Comte, maintenant que le mariage est devenu possible.
    En effet, à l'acte 3, au cours d'un procès qui devait définitivement empêcher le mariage, un coup de théâtre fait rebondir l'action : Marceline, alliée du Comte contre Figaro est la mère de ce dernier.
    Les obstacles étant surmontés, le mariage peut avoir lieu.


Lecture de la scène 9 de l'acte 4

Acte IV – Scène 9
LE COMTE, LA COMTESSE, assis.
(L'on joue les Folies d'Espagne d'un mouvement de marche.) (Symphonie notée)


MARCHE.
LES GARDES-CHASSE, fusil sur l'épaule.
L'ALGUAZIL. LES PRUD'HOMMES. BRID'OISON.
LES PAYSANS ET PAYSANNES en habits de fête.
DEUX JEUNES FILLES, portant la toque virginale à plumes blanches.
DEUX AUTRES, le voile blanc.
DEUX AUTRES, les gants et le bouquet de côté.
ANTONIO donne la main à SUZANNE, comme étant celui qui la marie à FIGARO.
D'AUTRES JEUNES FILLES portent une autre toque, un autre voile, un autre bouquet blanc, semblables aux premiers, pour MARCELINE.
FIGARO donne la main à MARCELINE, comme celui qui doit la remettre au DOCTEUR, lequel ferme la marche, un gros bouquet au côté. Les jeunes filles, en passant devant le comte, remettent à ses valets tous les ajustements destinés à SUZANNE et à MARCELINE.
LES PAYSANS ET PAYSANNES s'étant rangés sur deux colonnes à chaque côté du salon, on danse une reprise du fandango avec des castagnettes : puis on joue la ritournelle du duo, pendant laquelle ANTONIO conduit SUZANNE au COMTE ; elle se met à genoux devant lui.
(Pendant que le COMTE lui pose la toque, le voile, et lui donne le bouquet, deux jeunes filles chantent le duo suivant :)
Jeune épouse, chantez les bienfaits et la gloire
D'un maître qui renonce aux droits qu'il eut sur vous :
Préférant au plaisir la plus noble victoire,
Il vous rend chaste et pure aux mains de votre époux.
SUZANNE est à genoux, et, pendant les derniers vers du duo, elle tire le COMTE par son manteau et lui montre le billet qu'elle tient : puis elle porte la main qu'elle a du côté des spectateurs à sa tête, où LE COMTE a l'air d'ajuster sa toque ; elle lui donne le billet.
LE COMTE le met furtivement dans son sein ; on achève de chanter le duo : la fiancée se relève, et lui fait une grande révérence.
FIGARO vient la recevoir des mains du COMTE, et se retire avec elle à l'autre côté du salon, près de MARCELINE. (On danse une autre reprise du fandango pendant ce temps.)
LE COMTE, pressé de lire ce qu'il a reçu, s'avance au bord du théâtre et tire le papier de son sein ; mais en le sortant il fait le geste d'un homme qui s'est cruellement piqué le doigt ; il le secoue, le presse, le suce, et regardant le papier cacheté d'une épingle, il dit :
LE COMTE (Pendant qu'il parle, ainsi que Figaro, l'orchestre joue pianissimo.) Diantre soit des femmes, qui fourrent des épingles partout !
Il la jette à terre, puis il lit le billet et le baise.
FIGARO, qui a tout vu, dit à sa mère et à Suzanne : C'est un billet doux, qu'une fillette aura glissé dans sa main en passant. Il était cacheté d'une épingle, qui l'a outrageusement piqué. La danse reprend : le comte qui a lu le billet le retourne ; il y voit l'invitation de renvoyer le cachet pour réponse. Il cherche à terre, et retrouve enfin l'épingle qu'il attache à sa manche.
FIGARO, à Suzanne et à Marceline. D'un objet aimé tout est cher. Le voilà qui ramasse l'épingle. Ah ! c'est une drôle de tête ! Pendant ce temps, SUZANNE a des signes d'intelligence avec la Comtesse. La danse finit ; la ritournelle du duo recommence. Figaro conduit Marceline au Comte, ainsi qu'on a conduit Suzanne ; à l'instant où le comte prend la toque, et où l'on va chanter le duo, on est interrompu par les cris suivants :
L'HUISSIER, criant à la porte. Arrêtez donc, messieurs ! vous ne pouvez entrer tous… Ici les gardes ! les gardes ! Les gardes vont vite à cette porte.
LE COMTE, se levant. Qu'est-ce qu'il y a ?
L'HUISSIER. Monseigneur, C'est monsieur BAZILE entouré d'un village entier, parce qu'il chante en marchant.
LE COMTE. Qu'il entre seul.
LA COMTESSE. Ordonnez-moi de me retirer.
LE COMTE. Je n'oublie pas votre complaisance.
LA COMTESSE. Suzanne !… Elle reviendra. (A part, à Suzanne.) Allons changer d'habits.
Elle sort avec Suzanne.
MARCELINE. Il n'arrive jamais que pour nuire.
FIGARO. Ah ! je m'en vais vous le faire déchanter.

Beaumarchais - Le Mariage de Figaro




Annonce des axes

I. Une scène de mariage
1. La cérémonie
2. Une scène festive

II. La progression de l’action dramatique
1. La mise en place du piège à la faveur du mariage
2. Deux hommes piégés
3. Une progression visuelle



Commentaire littéraire

I. Une scène de mariage

1. La cérémonie

Cette scène donne au mariage toute la dimension d'une cérémonie.
Les ajustements sont donnés au comte car il représente l'autorité civile, judiciaire, militaire, administrative et politique. Suzanne est donc à genou devant lui et est doublement soumise devant l'autorité morale et devant son supérieur. Tous les objets sont apportés au comte et restitués à Suzanne dans un ordre précis : la toque, suivie du voile blanc (symbole de la pureté), suivi par le bouquet.
Ainsi, la cérémonie est ordonnée.

L'arrivée et l'organisation des personnages donnent, à la scène, une dimension chorégraphique : impression de se trouver face à un cortège car tout le monde avance par deux (deux jeunes filles, deux autres, Antonio donne la main à Suzanne, les paysans et les paysannes s'étant rangés sur deux colonnes). Les gardes-chasses, quant à eux, donnent un aspect solennel à la cérémonie.
Ainsi cette dimension chorégraphique ajoutée aux gestes qui sont tous détaillés suggèrent une action collective des personnages.
Enfin, remarquons que le quatrain ("Jeune épouse, chantez…") fait référence au mariage, par les termes "épouse" et "époux", et au seigneur par le terme "maître". Cela renforce la dimension de cérémonie : le maître renonce au droit du seigneur et unit les deux personnages.


2. Une scène festive

Cette scène met en place une cérémonie festive. Ainsi, les costumes des personnages indiquent cela : "les paysans et les paysannes, en habits de fête", "les gardes chasses, fusil sur l'épaule".
Beaumarchais a, également prévu l'ambiance de la cérémonie et a précisé la musique qui doit être jouée pendant cette scène : "symphonie notée" suggère que Beaumarchais a joint à sa pièce les partitions des morceaux joués. Ainsi, la musique tient une place importante dans cette scène : elle la structure. La scène commence par "un mouvement de marche" : "les folies d'Espagne". Elle se poursuit avec "du fandango et des castagnettes" : la musique renforce le cadre espagnol de la pièce ; ainsi Beaumarchais peut librement se moquer de la noblesse, en situant son action dans un autre pays.
L'action est organisée par rapport à la musique, qui, ajoutée à la cérémonie, structure la scène, donne une cohérence.
Beaumarchais donne toutes les indications nécessaires aux musiciens pour jouer. Par exemple "l'orchestre joue pianissimo" a une fonction dramatique car, en baissant le volume de la musique, les personnages sont mieux entendus.
Enfin Bazile arrive en chantant avec "un village entier " : l'impression de collectif renforce la dimension festive.
Ainsi, l'abondance de musique avec la danse et les costumes ajoutent à la légèreté et de la festivité a la scène.


II. La progression de l’action dramatique

1. La mise en place du piège à la faveur du mariage

Cette scène fait progresser l'action dramatique : Suzanne et la comtesse mettent en place leur piège pour s'assurer du mariage.
Ainsi, lorsque Suzanne ajuste sa toque, elle donne un billet au comte : cela crée un comique de situation car elle se sert de son mariage pour commettre un adultère. Le comte rentre dans le jeu de Suzanne et prend le billet "furtivement".
L’expression "a l'air d'ajuster sa toque" indique que le comte devient un comédien. Notons également un paradoxe car Suzanne donne le billet au moment où le quatrain est chanté : les paroles du chant contrastent avec l'action en cours ("chaste et pure" s'opposent au rendez-vous prévu). Ainsi, la prévision de Figaro à l'acte 1 scène 10 est appliquée dans cette scène : il souhaite flatter le comte avec ce quatrain, mais dans cette scène, le quatrain est doublé du rendez-vous.

L'épingle, qui a servi pour cacheter le billet, a une valeur symbolique. Elle représente, tout d'abord l'adultère et la femme car elle sert à habiller et à déshabiller, elle scelle aussi le message qui propose l'adultère. Elle a une fonction dramatique ; elle pique le comte et déclenche ainsi une réaction chez Figaro. L'épingle entraîne des gestes instinctifs, spontanés : "fait le geste d'un homme qui s'est cruellement piqué le doigt" indique que l'épingle entraîne un geste qui n'est pas contrôlé donc visible de loin, le rythme ternaire "le secoue, le presse, le suce" indique un enchaînement rapide de gestes non contrôlés et visibles.
Ainsi, l'épingle permet de rendre visuelle l'action en cours : "Il la jette à terre" suggère que le comte est furieux et qu'il pense qu'elle est inutile : le comte manque de discrétion et devient ridicule lorsqu'il cherche l'épingle. Ce jeu de scène, exprimé par les didascalies, rend le comte ridicule et crée un comique.
Enfin, la comtesse et Suzanne ont "des signes d'intelligences" et constatent, que leur plan marche. Elle profite donc, de l'arrivée de Bazile pour partir préparer la suite du plan.


2. Deux hommes piégés

L'évolution de l'action se fait au détriment des deux hommes : Figaro et le comte.

Ainsi, le comte paraît ridicule lorsqu'il se pique avec l'épingle : il fait de grands gestes visibles de tous. Cette attitude crée un comique de gestes.
Notons également un parallélisme entre le comte et la comtesse : elle a glissé le ruban dans son sein, le comte y glisse le billet. Cela suggère que le comte a un réel désir de Suzanne. Cela est également révélé par son attitude : il embrasse le billet, l'expression "pressé de lire ce qu'il a reçu" montre bien son caractère impatient, ardent, impulsif et passionné. Ainsi, l'attitude du comte, de par les gestes importants et la passion qu'il développe, est comique et permet à Figaro de réagir.
En effet, Figaro "a tout vu" sauf le passage du billet entre Suzanne et le comte. Ainsi, le comte, Suzanne, la comtesse, et le public savent ce qui se passe, seul Figaro est dupé : il y a une complicité de tous et cela crée un décalage entre les personnages.

Le comique est aussi renforcé par Figaro qui parle à Suzanne du billet (comique de situation) et qui se moque du libertinage du comte alors que lui-même est trompé : "C'est un billet doux, qu'une fillette aura glissé dans sa main en passant". Figaro comprend donc que cette épingle provient d'une femme qui a rédigé un billet d'amour. Sa clairvoyance contraste avec son ignorance du plan. Enfin, l'expression : "le voilà qui ramasse l'épingle" indique qu'il ne comprend pas l'action. Cependant, il faut qu'il voie le comte jeter et ramasser l'épingle car l'acte 4 scène 14 et l'acte 5 se basent dessus.


3. Une progression visuelle

Le visuel a un rôle important dans cette scène. Ainsi, les nombreuses didascalies qui caractérisent la scène donnent une importante dimension visuelle, et une impression d'une description d'un roman. Tout le jeu de scène est réglé et indiqué : le décor, les costumes, la musique, l'organisation des personnages...
Puis le jeu de scène se concentre sur Suzanne et le comte : les acteurs deviennent spectateurs (il y a un spectacle dans le spectacle). Dans ce nouveau spectacle, l'épingle permet de rendre visible les sentiments des personnages : le comte est furieux puis passionné.
Enfin, on remarque que, grâce à "des signes d'intelligences", la comtesse et Suzanne constatent que leur plan fonctionne, et décident donc de partir lorsque Bazile arrive, pour préparer la finition de leur plan.
Enfin, le visuel a une fonction comique : Bazile arrive avec "un village entier" et provoque un jeu de mot de Figaro ("je m'en vais le faire déchanter" est comique car Bazile est un maître à chanter).





Conclusion

    Dans cette scène 9 de l'Acte IV du mariage de Figaro, Beaumarchais dresse avec précision une scène de mariage festive.
    Mais cette scène est également l'occasion de faire progresser l'action, la comtesse et Suzanne influent sur le déroulement de la pièce et amènent un retournement de situation au détriment du comte et de Figaro.

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