Plan de la fiche sur
Marie, qui voudrait votre beau nom tourner de Ronsard :
Introduction
Ronsard, prince des poètes
et poètes des princes, privilégie le thème de l'amour. Il fut l'auteur de recueils très
différents adressés à de différentes femmes (Cassandre
Salviati, Hélène de Surgères, Marie...).
Dans ce sonnet "
Marie, qui voudrait votre beau nom tourner" en alexandrins à partir d'un anagramme du prénom de Marie,
le poète invite la jeune fille à l'aimer. Mais cette invitation
dépasse le cadre de l'expérience personnelle et nous révèle
tout un axe sur
la conception philosophique de l'amour caractéristique
de la pensée épicurienne de la Renaissance.
Pierre de Ronsard
Texte du poème
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Lu par René Depasse - source : litteratureaudio.com
Marie, qui voudrait votre beau nom tourner,
Il trouverait Aimer : aimez-moi donc, Marie,
Faites cela vers moi dont votre nom vous prie,
Votre amour ne se peut en meilleur lieu donner.
S'il vous plaît pour jamais un plaisir démener,
Aimez-moi, nous prendrons les plaisirs de la vie,
Pendus l'un l'autre au col, et jamais nulle envie
D'aimer en autre lieu ne nous pourra mener.
Si faut-il bien aimer au monde quelque chose :
Celui qui n'aime point, celui-là se propose
Une vie d'un Scythe, et ses jours veut passer
Sans goûter la douceur des douceurs la meilleure.
Eh, qu'est-il rien de doux sans Vénus ? Las ! à l'heure
Que je n'aimerai point puissé-je trépasser !
Ronsard - Continuation des Amours - 1555
Annonce des axes
I. Une invitation à l'amour
1. Situation d'énonciation bien définie
2. Lien étroit établit entre Marie et le poète
3. Valorisation de l'amour
II. Conception philosophique de l'amour
1. Généralisation dans les marques d'énonciation
2. Amour conçu comme une nécessité liée à la fuite du temps
3. Lyrisme personnel au service de l'idéal humain
Commentaire littéraire
I. Une invitation à l’amour
1. Situation d’énonciation bien définie
a- L'adresse initiale (prénom de Marie associé au thème du poème ->
anagramme, mis en valeur par césures)
b- Fréquence de la première
personne et adjectifs possessifs de première / seconde
personnes, impératifs supposent un récepteur (
Marie). Première
personne du pluriel qui englobe Ronsard et Marie dans une même unité ("nous prendrons les plaisirs de la vie").
Retour à la première personne du singulier à la fin du poème.
2. Lien étroit établit entre Marie et le poète
a- Alternance des 2 personnes, puis prédominance de la deuxième personne -> importance accordée à Marie.
b- "l’un l’autre" : réciprocité des sentiments souhaitée dans leur relation.
c- Le poète Ronsard prie Marie de bien vouloir l'aimer : passage de l'infinitif (vers 2) à l'impératif (vers 6) => prière insistante pour convaincre Marie d'aimer Ronsard. Empressement du désir amoureux de Ronsard souligné par césures/coupes : émoi amoureux.
d- Indicatifs futurs (avenir heureux certain dans l’esprit du poète).
Ce désir amoureux est justifié par la façondont Ronsard explique l’amour.
3. Valorisation de l’amour
a- Omniprésence du thème "votre amour", mise en relief par coupe ou enjambement. Utilisation des mots "plaisir" deux fois, "douceur" deux fois.
b- Majuscule au mot "Aimer" au vers 2 sans complément -> valeur absolue/idéal, noblesse du sentiment.
c- Sentiments caractérisés à travers tout le poème :
- amour charnel (Vénus, déesse de l'amour chez les Romains =
allégorie de l'amour au vers 13)
- douceur (
hyperbole au superlatif vers 12)
- fidélité (emploi des négations absolues vers 7-8, mise en relief de jamais, vie -> pérennité du sentiment, amour au sens large).
d-Utilisation de sonorité douces :
allitération en [m] au vers 2 et plus globalement dans toute la ptrremière strophe, en écho aux mots amour et Marie.
Allitération en [s] sensuelle dans la troisième strophe.
Expérience vécue sous un angle plus large, celui d’une réflexion généralisante.
II. Conception philosophique de l’amour
1. Généralisation dans les marques d’énonciation
a- Les indéfinis/impersonnels dans les 2 tercets (
sauf dernier vers " je").
b- Présent de vérité générale -> actualisation.
c- Structure qui révèle un changement de perspective, opposition entre 2 quatrains (poète - Marie : expérience personnelle) et 2 tercets (les hommes en général " je" -> en tant qu’homme et humaniste).
Le jeu de mot initial (anagramme) est un prétexte à une réflexion sur l’amour. Les 2 tercets justifient par des propos généraux l’invitation initiale.
2. Amour conçu comme une nécessité liée à la fuite du temps
a- Caractère nécessaire de l’amour "faut-il" vers 9. "si" : aussi / c’est pourquoi.
b- Amour / vie : lien étroit, rapport avec absence d’amour/mort "trépasser" vivre sans amour -> mort vivant.
c- Conception épicurienne "nous prendrons (
au sens de cueillir) les plaisirs" : Carpe Diem d’Horace. Épicure (plaisirs sains) opposé aux Stoïciens (détachement matériel, courage, dignité humaine).
d- L'amour est une nécessité vécue comme une condition indispensable au bonheur.
3. Lyrisme personnel au service de l’idéal humain
a- Émotion perceptible dans le dernier tercet "Las !" -> souhait final, prière de délivrance, vie vide sans amour.
b- Influence de l’Antiquité dans les références culturelles peu nombreuses, mais très expressives : Scythe, Venus (invoquée
par Lucrèce
De natura rerum poème philosophique. Nouvelle "religion" fondée sur l’amour se dessine, dont Marie = Venus).
Conclusion
Le poème de Ronsard est une des nombreuses variations que l’on peut trouver sur l’amour. Elle est savante malgré une apparence simple. Influence de l’Antiquité, le culte de Vénus vient remplacer celui de Marie. Ce qui rime avec ‘Marie’ est ‘prie’ au vers suivant, prière de l’aimer -> pléiade.