Plan de la fiche sur
Melancholia de Victor Hugo :
Introduction
Victor Hugo a été le chef de file du romantisme
au 19ème siècle. Il a composé une œuvre gigantesque qui
témoigne de nombreux engagements personnels. Poète militant, il
s’est préoccupé tout au long de sa vie du sort des misérables
et a lutté contre toute forme d’injustice sociale.
En 1856, Victor Hugo publie
Melancholia, poème en
alexandrins, extrait
de
Les Contemplations. Dans ce poème, Hugo évoque le travail dur et pénible des enfants.
Nous étudierons dans un premier temps l’exploitation des enfants
de l’usine. Ensuite nous verrons en quoi ce poème fait part de
sentiments, d’idées de justice et de liberté. Enfin nous
démontrerons que le poème Melancholia est avant tout un instrument de dénonciation.
Victor Hugo
Texte du poème Melancholia
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Lu par Marie-Geneviève Séré - source : litteratureaudio.com
Melancholia (extrait)
Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ?
Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules ;
Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison le même mouvement.
Accroupis sous les dents d'une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre,
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
Ils travaillent. Tout est d'airain, tout est de fer.
Jamais on ne s'arrête et jamais on ne joue.
Aussi quelle pâleur ! la cendre est sur leur joue.
Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las.
Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas !
Ils semblent dire à Dieu : « Petits comme nous sommes,
Notre père, voyez ce que nous font les hommes ! »
O servitude infâme imposée à l'enfant !
Rachitisme ! travail dont le souffle étouffant
Défait ce qu'a fait Dieu ; qui tue, œuvre insensée,
La beauté sur les fronts, dans les cœurs la pensée,
Et qui ferait - c'est là son fruit le plus certain ! -
D'Apollon un bossu, de Voltaire un crétin !
Travail mauvais qui prend l'âge tendre en sa serre,
Qui produit la richesse en créant la misère,
Qui se sert d'un enfant ainsi que d'un outil !
Progrès dont on demande : « Où va-t-il ? que veut-il ? »
Qui brise la jeunesse en fleur ! qui donne, en somme,
Une âme à la machine et la retire à l'homme !
Que ce travail, haï des mères, soit maudit !
Maudit comme le vice où l'on s'abâtardit,
Maudit comme l'opprobre et comme le blasphème !
O Dieu ! qu'il soit maudit au nom du travail même,
Au nom du vrai travail, sain, fécond, généreux,
Qui fait le peuple libre et qui rend l'homme heureux !
Victor Hugo, Les Contemplations, Livre III
Commentaire du poème
Dès le premier vers du poème, Hugo emploie une modalité interrogative.
Il souhaite interpeller le lecteur grâce au
registre pathétique
du poème. Il met en opposition sous la forme d’une
antithèse « tous » et
« pas un seul ». En fait tous ces enfants devraient rire.
Il suscite l’intérêt du lecteur. Victor Hugo décrit avec réalisme
l’état physique des enfants. Il insiste sur leur mauvaise santé « que
la fièvre maigrit ; quelle pâleur ! », leur fatigue « bien
las ; rachitisme ! ».
Au vers 2 et 3, Hugo utilise une
anaphore de « ces » qui est un déterminant
démonstratif afin de montrer concrètement le problème. L’auteur
interroge puis répond, ce qui fait de ce poème un véritable
texte argumentatif.
Il souhaite aussi attirer l’attention du lecteur sur le fait
que les enfants sont constamment dominés ; il emploie à plusieurs reprises l’adverbe « sous » : « sous
des meules », « sous les dents ». Il met en
parallélisme
le vers 4 et le vers 7, ce qui donne un effet d’emprisonnement des enfants.
Les enfants sont de véritables outils à production, ils sont employés
par des adultes pour le profit « travailler quinze heures sous les
meules [...] de l’aube au soir ». Les enfants sont donc des machines « qui
produit la richesse en créant la misère ». Leurs conditions
de travail sont totalement « infâmes ». Pour Victor Hugo,
le monde de l’usine est comparable à l’enfer, il emploie à différents
moments des
métaphores pour insister sur la
personnification des machines.
Sous les dents d’une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l’ombre
Dans ce passage, il y a trois
allitérations [m], [r] et [ch],
le [r] étant la consonne de la menace.
Hugo cherche à reproduire le mouvement de la machine qui mâche.
Cette figure de style donne donc une atmosphère lugubre grâce aux
rimes riches (ombre et sombre). Nous pouvons de même remarquer une gradation
ascendante concernant cet univers infernal « prison, bagne et enfer »,
ce qui implique très fortement le lecteur dans ce monde d’esclavage
que subissent les innocents.
En fait, le travail possède une double image
contradictoire : Hugo oppose la faiblesse des enfants (« doux êtres
pensifs », « accroupis sous les dents d’une machine
sombre », « Innocents
dans un bagne ») à la puissance des machines. Ce monde est
donc tout à fait comparable à l’enfer. Victor Hugo emploie des
modalités exclamatives, des phrases nominales qui explicitent beaucoup
sur la réalité : il emploie au vers 14 l’adverbe exclamatif « hélas » qui
relève du pathétique. Au vers 12, il emploie le mot « cendre » qui
peut avoir une double image : la première est celle du charbon exposé dans
l’usine, la deuxième celle des corps des enfants inhumés.
Nous pouvons remarquer à ce propos l’omniprésence de la religion
dans ce poème. Dans cet univers est froid et dur « tout est d’airain,
tout est de fer ». Au vers 15, Hugo fait parler les enfants alors qu’ils
n’en ont pas le droit. C’est une sorte de prosopopée (= faire
parler ou agir un mort, un animal ou une chose personnifiée). En effet
les enfants sont exploités « servitude infâme imposée à l’enfant » sans
que les adultes ne prennent conscience de leur âge, de leur mental et de
leur résistance.
Victor Hugo montre son attachement pour les enfants « doux êtres
pensifs » tout en dédaignant le monde de l’usine. L’auteur
emploie de même des adverbes de temps qui raffermissent la sombre idée
qu’est le travail « éternellement, même mouvement ; quinze heures sous des meules ». Le travail est donc dur, pénible,
répétitif et monotone.
Victor Hugo utilise des verbes forts pour exprimer son désaccord « haï des
mères ; qui tue ». Il pense aux conséquences
que peut entraîner
ce travail injuste « et qui ferait d’Apollon un bossu et de
Voltaire un crétin ! » de façon à montrer le ridicule
de l’erreur que commettent les adultes envers les enfants. Il insiste aussi sur le fait
que les jeunes travailleurs appellent à l’aide mais que tout le
monde reste passif face aux cris de détresse. Melancholia contient un
message que Victor Hugo veut faire passer : la surdité des hommes par
rapport à l’esclavage de cette époque.
Pour lui le progrès est responsable de ce massacre. Il
estime que faire travailler des enfants dans de telles conditions n’est
pas digne de progrès « le
progrès dont on demande, où va t-il ? ». « Ces
doux êtres » ne devraient pas travailler comme cela ! Ces innocents sont des êtres
jeunes et naïfs qui ne comprennent pas forcément ce qui leur arrive « ils
ne comprennent rien à leur destin, hélas » car ils
demeurent impuissants contre ceux qui les exploitent. Sans les enfants facilement
exploitables, les hommes n’auraient rien pu faire. Ce travail est usant et cela les
mènerait à la mort ou bien à un état d’épuisement
général si personne n’intervient pour éviter le
chaos « qui tue, œuvre insensée », « travail
dont le souffle étouffant », « travail mauvais
qui prend l’âge tendre en sa serre ». A ce propos, nous
pouvons affirmer qu’il s’agit d’une métaphore filée
du monstre : il emploie « serre » et l’adjectif « soufflant » qui
rappelle le mouvement de la machine. Victor Hugo insiste aussi sur le fait
que l’âme jeune, celle de la vie, est condamnée à être
utilisée comme une machine « qui donne, en somme, / Une âme à la
machine et la retire à l’homme » car la jeunesse est la
source de la vie quand les enfants s’épanouissent. Les adultes
s’enrichissent en rendant les enfants malheureux « Travail mauvais
qui prend l'âge tendre en sa serre, / Qui produit la richesse en créant
la misère ». L’auteur emploie une anaphore en « maudit » ainsi
que le terme « opprobre » (= grande honte, déshonneur).
La religion est donc présente tout au long du texte.
La poésie est donc ici un instrument de dénonciation
et donc Melancholia est avant toute chose un texte à visée argumentative.
Il dénonce l’injustice sociale de l’époque. L’auteur
est partisan d’un travail d’adultes et non d’enfants, un
travail qui donne la liberté à l’âme jeune « au
nom du travail saint, fécond et généreux qui fait le peuple
libre et rend l’homme heureux ». Victor Hugo emploie du début à la
fin des termes religieux saints.
Melancholia est donc pathétique réaliste. Ce poème écrit
avec précision la société du siècle dernier, montrant
les conditions déplorables des enfants dans le monde de l’usine.
Il insiste sur le fait que ce sont les enfants et non les adultes qui donnent la joie de vivre au monde.
Melancholia est donc un poème argumentatif qui illustre l’œuvre
de Victor Hugo, améliorer le sort des pauvres, qu’il poursuivit
dans son œuvre
Les Misérables.
Le plan pour une analyse linéaire :
I. Evocation du travail des enfants
Vers 1 au vers 11 ("Où vont tous ces enfants" à "jamais on ne joue.")
- interpellation du lecteur grâce à la forme interrogative
- jeunesse et fragilité des enfants
- durée du travail, aspect répétitif
- dureté du travail industriel
II. Dénonciation de ses conséquences
Vers 12 au vers 28 ("Aussi quelle pâleur !" à "la retire à l'homme !")
- conséquences physiques : maladie, enlaidissement
- conséquences morales : solitude, tristesse, désarroi
- conséquences intellectuelles : abrutissement, déshumanisation
- conséquences sociales : asservissement, misère
III. La sentence finale
Vers 29 à la fin ("Que ce travail" à "rend l'homme heureux !")
- appel à condamner le travail des enfants
- revendication d'un travail épanouissant (par les adultes, le peuple)