Plan de la fiche sur la rencontre avec Mme de Warens -
Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau :
Introduction
Après avoir raconté son enfance dans le livre Ier de
Les Confessions,
Jean-Jacques Rousseau consacre
son second livre à la seule année 1728 pour marquer l'importance de cette période. C'est l'année de ses 16 ans, il fera des rencontres déterminantes, notamment avec une jeune femme chargée de le convertir : Mme de Warens.
Jean-Jacques Rousseau adolescent, artiste inconnu
Mme de Warens, artiste inconnu
Lecture du texte
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Lu par René Depasse - source : litteratureaudio.com
J'arrive enfin : je vois madame de Warens. Cette époque de ma vie a décidé de mon caractère ; je ne puis me résoudre à la passer légèrement. J'étais au milieu de ma seizième année. Sans être ce qu'on appelle un beau garçon, j'étais bien pris dans ma petite taille, j'avais un joli pied, une jambe fine, l'air dégagé, la physionomie animée, la bouche mignonne, les sourcils et les cheveux noirs, les yeux petits et même enfoncés, mais qui lançaient avec force le feu dont mon sang était embrasé. Malheureusement je ne savais rien de tout cela, et de ma vie il ne m'est arrivé de songer à ma figure que lorsqu'il n'était plus temps d'en tirer parti. Ainsi j'avais avec la timidité de mon âge celle d'un naturel très aimant, toujours troublé par la crainte de déplaire. D'ailleurs, quoique j'eusse l'esprit assez orné, n'ayant jamais vu le monde, je manquais totalement de manières ; et mes connaissances, loin d'y suppléer, ne servaient qu'à m'intimider davantage en me faisant sentir combien j'en manquais.
Craignant donc que mon abord ne prévînt pas en ma faveur, je pris autrement mes avantages, et je fis une belle lettre en style d'orateur, où, cousant des phrases de livres avec des locutions d'apprenti, je déployais toute mon éloquence pour capter la bienveillance de madame de Warens. J'enfermai la lettre de M. de Pontverre dans la mienne, et je partis pour cette terrible audience. Je ne trouvai point madame de Warens ; on me dit qu'elle venait de sortir pour aller à l'église. C'était le jour des Rameaux de l'année 1728. Je cours pour la suivre : je la vois, je l'atteins, je lui parle... Je dois me souvenir du lieu, je l'ai souvent depuis mouillé de mes larmes et couvert de mes baisers. Que ne puis-je entourer d'un balustre d'or cette heureuse place ! que n'y puis-je attirer les hommages de toute la terre ! Quiconque aime à honorer les monuments du salut des hommes n'en devrait approcher qu'à genoux.
C'était un passage derrière sa maison, entre un ruisseau à main droite qui la séparait du jardin et le mur de la cour à gauche, conduisant par une fausse porte à l'église des cordeliers. Prête à entrer dans cette porte, madame de Warens se retourne à ma voix. Que devins-je à cette vue ! Je m'étais figuré une vieille dévote bien rechignée ; la bonne dame de M. de Pontverre ne pouvait être autre chose à mon avis. Je vois un visage pétri de grâces, de beaux yeux bleus pleins de douceur, un teint éblouissant, le contour d'une gorge enchanteresse. Rien n'échappa au rapide coup d'oeil du jeune prosélyte ; car je devins à l'instant le sien, sûr qu'une religion prêchée par de tels missionnaires ne pouvait manquer de mener en paradis. Elle prend en souriant la lettre que je lui présente d'une main tremblante, l'ouvre, jette un coup d'œil sur celle de M. de Pontverre, revient à la mienne, qu'elle lit tout entière, et qu'elle eût relue encore si son laquais ne l'eût avertie qu'il était temps d'entrer. Eh ! mon enfant, me dit-elle d'un ton qui me fit tressaillir, vous voilà courant le pays bien jeune ; c'est dommage en vérité. Puis, sans attendre ma réponse, elle ajouta : Allez chez moi m'attendre ; dites qu'on vous donne à déjeuner ; après la messe j'irai causer avec vous.
Les Confessions - Jean-Jacques Rousseau - Rencontre avec Mme de Warens
Annonce des axes
I. Une première rencontre
1. Essentiellement par le regard
2. Un éblouissement
3. Le lieu
4. Un contexte religieux
II. Portrait du narrateur
1. Un portrait physique
2. Un portrait moral
3. Un jeune homme passionné
Commentaire littéraire
I. Une première rencontre
1. Essentiellement par le regard
"que devins-je à cette vue ?", "je vois", "rapide coup d'oeil"
Mme de Warens porte sur Jean-Jacques un regard bienveillant.
On ne connaît pas les paroles de Rousseau mais la voix de mme de Warens le "fait tressaillir".
2. Un éblouissement
Décalage entre l'imagination et la réalité.
L'éblouissement vient du physique de mme de Warens.
C'est un portrait vague et non sensuel.
Jean-Jacques est admiratif, trop ému pour faire un portrait plus précis, plus complet.
On ne connaît pas les émotions de mme de Warens: Rousseau imagine.
3. Le lieu
Un souvenir exact
Il y reviendra avec émotion => Importance de cette rencontre
Humour de Rousseau (exemple : "devrait être lieu de culte").
4. Un contexte religieux
Importance de la date (Rameaux 1728)
=> excellente disposition pour la conversion.
II. Portrait du narrateur
1. Un portrait physique
Image toujours positive
Des petits défauts, mais compensés par des qualités
Enumération de 7 éléments positifs
C'est l'adulte qui décrit l'adolescent, il fait une analyse de son physique.
2. Un portrait moral
Rousseau insiste sur sa timidité, son manque d'aisance
Il est mal à l'aise en société car il a une grande sensibilité
Lettre => besoin de séduire.
3. Un jeune homme passionné
Rousseau adulte a encore de l'émotion
C'est un jeune homme en recherche d'affection
Procédé de retardement de la description de Mme de Warens
"vois, attend, parle" -> rythme ternaire
Le temps est le présent => rencontre plus vivace
Vocabulaire de l'adoration, de la ferveur.
Conclusion
Dans cet extrait des Confessions, Rousseau signale l'importance du sentiment dans une vie. C'est ici la naissance d'une passion amoureuse. On peut voir dans cette rencontre un besoin d'amour de Jean-Jacques et une recherche de la mère.
L'auteur propose un portrait de lui plutôt positif. Il insiste sur la permanence de l'émotion et l'importance des premières années dans la vie d'un homme. Cette scène de première rencontre occupe une place importante dans sa littérature.