Plan de la fiche sur
le chapitre 1 de Pierre et Jean de Maupassant :
Introduction
Nous allons étudier un extrait de
Pierre et Jean écrit par
Guy
de Maupassant et faisant parti du courant réaliste. Cet extrait se situe
après l’annonce de l’héritage de Maréchal, un
ami de la famille, dont le bénéficiaire est Jean. Il nous laisse
entrevoir les différentes réactions des personnages après cette annonce.
Texte étudié
[...]
Pierre demanda :
"Vous le connaissiez donc beaucoup, autrefois, ce Maréchal ?" Le
père répondit :
"Parbleu, il passait toutes ses soirées à la maison ; mais
tu te rappelles bien qu'il allait te prendre au collège, les jours de
sortie, et qu'il t'y reconduisait souvent après dîner. Tiens, justement,
le matin de la naissance de Jean, c'est lui qui est allé chercher le médecin
! Il avait déjeuné chez nous quand ta mère s'est trouvée
souffrante. Nous avons compris tout de suite de quoi il s'agissait, et il est
parti en courant. Dans sa hâte il a pris mon chapeau au lieu du sien. Je
me rappelle cela parce que nous en avons beaucoup ri, plus tard. Il est même
probable qu'il s'est souvenu de ce détail au moment de mourir ; et comme
il n'avait aucun héritier il s'est dit : "Tiens, j'ai contribué à la
naissance de ce petit-là, je vais lui laisser ma fortune. "" Mme
Roland, enfoncée dans une bergère, semblait partie en ses souvenirs.
Elle murmura, comme si elle pensait tout haut :
"Ah ! c'était un brave ami, bien dévoué, bien fidèle,
un homme rare, par le temps qui court." Jean s'était levé :
"Je vais faire un bout de promenade", dit-il.
Son père s'étonna, voulut le retenir, car ils avaient à causer, à faire
des projets, à arrêter des résolutions. Mais le jeune homme
s'obstina, prétextant un rendez-vous. On aurait d'ailleurs tout le temps
de s'entendre bien avant d'être en possession de l'héritage.
Et il s'en alla, car il désirait être seul, pour réfléchir.
Pierre, à son tour, déclara qu'il sortait, et suivit son frère,
après quelques minutes.
Dès qu'il fut en tête à tête avec sa femme, le père
Roland la saisit dans ses bras, l'embrassa dix fois sur chaque joue, et, pour
répondre à un reproche qu'elle lui avait souvent adressé :
"Tu vois, ma chérie, que cela ne m'aurait servi à rien de
rester à Paris plus longtemps, de m'esquinter pour les enfants, au lieu
de venir ici refaire ma santé, puisque la fortune nous tombe du ciel." Elle était
devenue toute sérieuse :
"Elle tombe du ciel pour Jean, dit-elle, mais Pierre ?
- Pierre ! mais il est docteur, il en gagnera... de l'argent...
et puis son frère fera bien quelque chose pour lui.
- Non. Il n'accepterait pas. Et puis cet héritage est à Jean, rien
qu'à Jean. Pierre se trouve ainsi très désavantagé." Le
bonhomme semblait perplexe :
"Alors, nous lui laisserons un peu plus par testament, nous.
- Non. Ce n'est pas très juste non plus." Il s'écria :
"Ah ! bien alors, zut ! Qu'est-ce que tu veux que j'y fasse, moi ? Tu vas
toujours chercher un tas d'idées désagréables. Il faut que
tu gâtes tous mes plaisirs. Tiens, je vais me coucher.
Bonsoir. C'est égal, en voilà une veine, une rude veine !" Et
il s'en alla, enchanté, malgré tout, et sans un mot de regret pour
l'ami mort si généreusement.
Mme Roland se remit à songer devant la lampe qui charbonnait.
Guy de Maupassant - Pierre et Jean - Fin du chapitre I
Annonce des axes
I. Le registre comique
II. Le registre dramatique
Commentaire littéraire
I. Le registre comique
Les différents comportements entre Mr et Mme Roland créent un
comique de situation.
1. Leur comportement
- Mr Roland est joyeux. Il a un discours long et anecdotique : il se rappelle
les bons souvenirs qu’il a eu avec Maréchal avec joie et non
avec tristesse : « Je me rappelle cela parce que nous en avons beaucoup ri, plus tard ».
- Il s’exprime familièrement : « Parbleu » ; « ce
petit-là » ; « Tiens ». Il est donc expressif et parle
avec joie.
- Mr Roland ne contient pas son émotion : « l’embrassa dix
fois sur chaque joue ». Il est emporté par sa joie et ne se gêne
pas pour manifester son bonheur.
- Il est clairement dit qu’il n’éprouve aucun regret pour
son ami mort : « sans un mot de regrets pour l’ami mort ».
- Les points d’exclamations manifestent sa joie tandis que chez Mme Roland,
ils expriment sa tristesse.
- En effet, elle est triste. Elle pousse un soupir : « Ah »
- Elle parle de Maréchal en termes mélioratifs mais son discours
est plus flou et plus court que celui de son mari.
- Elle est songeante : « semblait parti en ses souvenirs ». Elle
a donc une émotion contenue.
2. Leurs avis diffèrent
- Mme Roland s’inquiète de l’équité entre
les deux frères alors que Mr Roland ne veut gâcher son bonheur
avec ces broutilles et propose des solutions simples : « Alors, nous
lui laisserons un peu plus par testament, nous.».
- Mr Roland paraît naïf. Il ne pense pas à ce que pourrait
engendrer cet héritage. C’est le seul personnage heureux dans
ce texte. Il ne se pose pas de question sur la motivation de l’acte de
Maréchal concernant son héritage, il émet juste une hypothèse
comme quoi ce serait parce qu’il à un peu contribué à la
naissance de Jean.
II. Le registre dramatique
- Pierre pose une question, il a besoin d’éclaircissement. Il commence alors son enquête qui va durer tout au long du roman.
- Les deux frères ont besoin d’éloignement, ils sortent presque en même temps.
- La mère est songeante, elle n’est pas heureuse, elle s’inquiète
et entrevoit une histoire de jalousie entre les deux frères.
- Toutes ces réactions laissent entrevoir un drame ou un éclatement
familial. Le nombre de personnages en est un signe : 4 au début, 2 à la fin.
Conclusion
En conclusion de cet extrait de
Pierre et Jean, on peut remarquer que les réactions au sein de la famille sont différentes. Elles créent un comique de situation basée
sur la différence entre Mme et Mr Roland et sur la naïveté de
ce dernier. Mais elles caractérisent également un registre dramatique
qui laisse entrevoir un drame familial.