Plan de la fiche sur
le chapitre 5 de Pierre et Jean de Maupassant :
Introduction
Pierre se souvient qu'à Paris, dans leur ancienne maison, il y avait un portrait de Maréchal.
Voulant pouvoir trouver quelque ressemblance avec son frère Jean, il demande à sa
mère où est ce portrait. Elle lui répond de façon évasive.
Le père se rappelle effectivement l'avoir vu. Au cours d'un repas, la famille autour de la table, Pierre redemande à sa mère. M. Roland fait une réflexion "celui que tu as regardé l'autre jour ?"
-> Pierre pense alors que sa mère lui a mentit,
elle savait où il était quand il le lui a demandé. Mme Roland est prise en flagrant délit de mensonge.
Le texte : mise en place de la jalousie et de l'obsession qui va aboutir à l'exclusion de Pierre. C'est dans ce texte que Pierre va commencer à trouver des signes, des preuves. La manière dont Pierre va fonctionner psychologiquement nous est présentée.
Le rapport mère - fils va être de plus en plus tendu, Pierre va tourmenter sa mère, elle ne va plus supporter sa présence, il se conduit comme un juge.
Texte étudié
[...]
"Voilà, dit-elle, je l'ai retrouvé presque tout de suite." Le docteur, le premier, avait tendu la main. Il reçut le portrait, et, d'un peu loin, à bout de bras, l'examina. Puis, sentant bien que sa mère le regardait, il leva lentement les yeux sur son frère, pour comparer. Il faillit dire, emporté par sa violence : "Tiens, cela ressemble à Jean." S'il n'osa pas prononcer ces redoutables paroles, il manifesta sa pensée par la façon dont il comparait la figure vivante et la figure peinte.
Elles avaient, certes, des signes communs : la même barbe et le même front, mais rien d'assez précis pour permettre de déclarer : "Voilà le père, et voilà le fils." C'était plutôt un air de famille, une parenté de physionomies qu'anime le même sang. Or, ce qui fut pour Pierre plus décisif encore que cette allure des visages, c'est que sa mère s'était levée, avait tourné le dos et feignait d'enfermer, avec trop de lenteur, le sucre et le cassis dans un placard.
Elle avait compris qu'il savait, ou du moins qu'il soupçonnait !
"Passe-moi donc ça", disait Roland.
Pierre tendit la miniature et son père attira la bougie pour bien voir ; puis il murmura d'une voix attendrie :
"Pauvre garçon ! dire qu'il était comme ça quand nous l'avons connu. Cristi ! comme ça va vite ! Il était joli homme, tout de même, à cette époque, et si plaisant de manières, n'est-ce pas, Louise ?" Comme sa femme ne répondait pas, il reprit :
"Et quel caractère égal ! Je ne lui ai jamais vu de mauvaise humeur. Voilà, c'est fini, il n'en reste plus rien... que ce qu'il a laissé à Jean. Enfin, on pourra jurer que celui-là s est montré bon ami et fidèle jusqu'au bout. Même en mourant il ne nous a pas oubliés." Jean, à son tour, tendit le bras pour prendre le portrait. Il le contempla quelques instants, puis avec regret :
"Moi, je ne le reconnais pas du tout. Je ne me le rappelle qu'avec ses cheveux blancs." Et il rendit la miniature à sa mère. Elle y jeta un regard rapide, vite détourné, qui semblait craintif ; puis de sa voix naturelle :
"Cela t'appartient maintenant, mon Jeannot, puisque tu es son héritier. Nous le porterons dans ton nouvel appartement." Et comme on entrait au salon, elle posa la miniature sur la cheminée, près de la pendule, où elle était autrefois.
[...]
Guy de Maupassant - Pierre et Jean - Fin du chapitre V
Annonce des axes
I. Le jeu des regards
II. L'affrontement mère / fils
Commentaire littéraire
I. Le jeu des regards
C'est Mme Roland qui ouvre et ferme la scène. Elle s'ouvre sur un mensonge de Mme Roland.
Le portrait enfin "retrouvé" par Mme Roland passe de main en main dans un ordre non anodin (il passe de Pierre à M. Roland et de nouveau, retour à la mère) -> scène de comédie familiale.
La manière dont chacun de prend et regarde le portrait est significative de leur sentiments, de leurs relations entre eux : indirectement les relations entre le spersonnages se dessinent.
- Pierre : il se précipite, son impatience montre le désir qu'il a de trouver
une preuve. Il regarde le portrait à bout de bras comme le honte de la famille
-> attitude par rapport à sa mère comme si elle le dégoûtait, comme un objet dégoûtant.
Jeu de regards à trois (mère / Pierre / Jean).
Pierre passe du portrait à Jean en observant sous le regard de la mère,
aucune parole n'est prononcée. Pierre compare largement son frère à Maréchal.
Cependant la preuve n'est pas certaine, ce n'est pas une vraie pièce à conviction,
ce n'est pas une vraie pièce pour dire "voilà le père, et voilà le fils".
Ici pour la première fois, on voit le comportement obsessionnel de Pierre pour
trouver la faute de sa mère. Alors si la certitude n'est pas dans la comparaison
avec le portrait, elle est dans le comportement de sa mère. Pierre est de plus
en plus guidé par ses obsessions. Il cherche des indices partout, il interprète
les gestes de sa mère, tout devient significatif de sa culpabilité.
- M. Roland : il a un comportement pathétique, comique et burlesque.
Maupassant joue avec les registres.
Il tient le portrait près de lui et porte une bougie pour mieux le voir. Cela montre son propre aveuglement.
C'est lui qui fait l'éloge de Maréchal, le personnage qui l'a trompé. Forte ironie, il n'a jamais rien compris !
Il est amené à se remémorer les traits physiques et psychologiques de Maréchal "joli homme", "plaisant de manières", "caractère égal", "bon ami et fidèle" le comble de l'ironie.
- Jean : c'est lui le plus neutre. Il ne manifeste aucune émotion particulière, il ne le reconnaît pas.
- Mme Roland : elle le regarde en dernier, elle y jette
un regard rapide. Ce regard montre un certain malaise, une certaine crainte
d'être dévoilée par Pierre. Elle parle cependant d'une voie naturelle comme
pour se rattraper.
Cette scène est comme théâtrale, tous les comportements sont notés.
Au cours de cette scène, la famille Roland éclate. D'un côté un couple tendu
Pierre et sa mère, d'un autre Jean qui acquiert son indépendance et M. Roland
qui ne comprend rien et de qui on rit.
II. L'affrontement mère / fils
A travers cette scène du portrait, rien n'est verbalisé, l'affrontement est latent.
Mme Roland prend conscience que son fils la soupçonne, une crainte s'installe chez elle par rapport à Pierre.
Le début du chapitre 4 est consacré à cet affrontement, Maupassant décrit avec raffinement ces rapports.
Pierre fait des propos gênants devant sa mère. Ce sont des sous-entendus, des allusions, des accusations indirectes. C'est une attitude de harcèlement. Il emploie beaucoup de ruses indirectes. Il la fait souffrir moralement et la laisse souffrir physiquement.
Maupassant analyse ce comportement. Dès que sa mère se sent mieux, il provoque
d'une parole ses crises de nerfs. Cependant il souffre lui aussi, ce sont des
relations sadomasochistes, un comportement pervers. Peut-être Pierre aime-t-il
trop sa mère, il ne peut pas se détacher de l'image de sa mère. Il la torture
parce qu'il l'aime trop.
Il agit alors comme si c'était lui qui avait été trompé.
Conclusion
Dans cet extrait de
Pierre et Jean s'installe le vrai thème du texte : l'affrontement muet de Pierre
et de sa mère. Cette dernière découvre que son fils doute puis plus tard qu'il
sait et risque de le dévoiler pour la pire des hontes de la famille. Pierre
va torturer ainsi sa mère de sous-entendus en sous-entendus compris par elle
seule. Enfin, dans le chapitre 6, Jean arrive pour soutenir sa mère. Il va aider
sa mère à faire partir Pierre pour lui éviter ces souffrances.