Plan de la fiche sur
le chapitre 9 de Pierre et Jean de Maupassant :
Introduction
Guy de Maupassant a écrit 6 romans
dont
Une Vie (1883) ou encore
Bel-Ami (1889).
Pierre
et Jean (1888)
est son quatrième roman. Il comporte en guise de préface un essai intitulé
Le Roman dans
lequel l'auteur y explique qu'il prend ses distances par rapport au naturalisme
de Zola car, d'après lui, l'écrivain réaliste ne fait que présenter sa vision
personnelle du monde réel.
Pierre et Jean est composé de 9 chapitres.
Le texte présenté est extrait du dernier qui traite du départ de Pierre sur
le bateau La Lorraine. L'aspect superficiel de cette scène finale semble la
rapprocher de celle du départ mais quelques changements sont survenus.
Texte étudié
Haut comme une montagne et rapide comme un train, le navire, maintenant, passait presque à toucher la Perle. Et Mme Roland éperdue, affolée, tendit les bras vers lui, et elle vit son fils, son fils Pierre, coiffé de sa casquette galonnée, qui lui jetait à deux mains des baisers d'adieu. Mais il s'en allait, il fuyait, disparaissait, devenu déjà tout petit, effacé comme une tache imperceptible sur le gigantesque bâtiment. Elle s'efforçait de le reconnaître encore et ne le distinguait plus.
Jean lui avait pris la main.
"Tu as vu ? dit-il.
- Oui, j'ai vu. Comme il est bon !" Et on retourna vers la ville.
"Cristi ! ça va vite", déclarait Roland avec une conviction enthousiaste.
Le paquebot, en effet, diminuait de seconde en seconde comme s'il eût fondu dans l'Océan. Mme Roland tournée vers lui le regardait s'enfoncer à l'horizon vers une terre inconnue, à l'autre bout du monde. Sur ce bateau que rien ne pouvait arrêter, sur ce bateau qu'elle n'apercevrait plus tout à l'heure, était son fils, son pauvre fils.
Et il lui semblait que la moitié de son coeur s'en allait avec lui, il lui semblait aussi que sa vie était finie, il lui semblait encore qu'elle ne reverrait jamais plus son enfant.
"Pourquoi pleures-tu, demanda son mari, puisqu'il sera de retour avant un mois ?" Elle balbutia :
"Je ne sais pas. Je pleure parce que j'ai mal." Lorsqu'ils furent revenus à terre, Beausire les quitta tout de suite pour aller déjeuner chez un ami. Alors Jean partit en avant avec Mme Rosémilly, et Roland dit à sa femme :
"Il a une belle tournure, tout de même, notre Jean.
- Oui", répondit la mère.
Et comme elle avait l'âme trop troublée pour songer à ce qu'elle disait, elle ajouta :
"Je suis bien heureuse qu'il épouse Mme Rosémilly." Le bonhomme fut stupéfait :
"Ah bah ! Comment ? Il va épouser Mme Rosémilly ?
-Mais oui. Nous comptions te demander ton avis aujourd'hui même.
- Tiens ! Tiens ! Y a-t-il longtemps qu'il est question de cette affaire-là ?
- Oh ! non. Depuis quelques jours seulement. Jean voulait être sûr d'être agréé par elle avant de te consulter." Roland se frottait les mains :
"Très bien, très bien. C'est parfait. Moi je l'approuve absolument." Comme ils allaient quitter le quai et prendre le boulevard François-Ier, sa femme se retourna encore une fois pour jeter un dernier regard sur la haute mer ; mais elle ne vit plus rien qu'une petite fumée grise, si lointaine, si légère qu'elle avait l'air d'un peu de brume.
Guy de Maupassant - Pierre et Jean - Fin du roman
Annonce des axes
I. Le dénouement du point de vue de Madame Roland
1. Le désordre intérieur
2. La mort
II. M. Roland, Jean : le contraste avec Mme Roland
1. M. Roland
2. Jean
Commentaire littéraire
I. Le dénouement du point de vue de Madame Roland
1. Le désordre intérieur
- Impuissance de Mme Roland face au destin se traduit par la double comparaison
("montagne", "train") qui rend gigantesque le bateau et rapetisse Mme Roland.
- Le lexique de la disparition ("allait", "fuyait", "disparaissait") fait ressortir la dimension tragique ressentie par Mme Roland.
- Champ lexical de la souffrance.
2. La mort
- La prise de conscience du changement de la situation de famille est due
au sentiment qu'aucun espoir de retour n'est possible : "apercevait plus", "jamais
plus" ce que renforce l'impression de caractère définitif du départ : "de
seconde en seconde", "tout à l'heure".
- Mme Roland vit ce départ comme une mort : "il lui semblait que sa vie était finie" que renforce la champ lexical de naufrage (= sa vie sombre avec son fils).
- Le lien maternel plus fort : "son fils, son pauvre fils" renforce la vision
tragique de la scène. C'est dans la distance que Pierre montre son amour!
TRANSITION
Donc, c'est une scène de départ ressenti comme tragique par Mme Roland qui s'oppose
aux sentiments qu'en ont M. Roland et Jean.
II. M. Roland, Jean : le contraste avec Mme Roland
1. M. Roland
- Pas de sentimentalité : il s'émerveille pour le bateau : "Cristi ! ça va
vite" et "Pourquoi pleures-tu ?" : il ne ressent pas d'émotion quant au départ
de son fils.
- Un personnage qui n'a pas évolué : "notre Jean" : le possessif montre qu'il est le seul à n'avoir toujours pas deviné la vérité.
- "très bien, très bien" : pour lui, le dénouement est heureux. Comme au chapitre I sur la Perle, il apparaît comme un personnage niais et ridicule.
2. Jean
- Pas d'évolution : il est toujours aussi complice avec sa mère : "Tu as vu ?" "Oui, j'ai vu."
- "avec Mme Rosémilly" : il donne l'impression qu'il va reproduire la même vie que ses parents (c'est-à-dire l'adultère) avec Mme Rosémilly.
- "Jean partit en avant" : il a pris la tête de la famille. Cela rappelle l'échec de Pierre et montre le triomphe du mensonge par le refus des problèmes comme le fait Jean.
Conclusion
De cet extrait qui clôt le roman
Pierre et Jean, on peut retenir qu'il propose un dénouement à double facette : l'une tragique pour Pierre et sa mère, l'autre heureuse pour Jean et M. Roland. Malgré la volonté de Maupassant de vouloir faire croire à un retour à la normale avec notamment Mme Roland qui reprend son rôle en société et les autres personnages qui semblent heureux, on note tout de même que "fumée" et "brume" rappelle les errances de Pierre dans la brouillard, c'est-à-dire que le roman se ferme sur les souffrances de Pierre qui ont, en réalité, transformer la famille Roland.