Plan de la fiche sur
l'incipit de Pierre et Jean de Maupassant :
Introduction
Nous sommes dans l'incipit de
Pierre et Jean, de
Guy de Maupassant.
Ce passage présente les personnages de manière originale : récit et dialogues.
Partie de pêche durant laquelle les personnages évoluent en situation.
Texte étudié
"Zut !" s'écria tout à coup le père Roland qui depuis un quart d'heure demeurait immobile, les yeux fixés sur l'eau, et soulevant par moments, d'un mouvement très léger, sa ligne descendue au fond de la mer.
Mme Roland, assoupie à l'arrière du bateau, à côté de Mme Rosémilly invitée à cette partie de pêche, se réveilla, et tournant la tête vers son mari :
"Eh bien,... eh bien,... Jérôme !" Le bonhomme, furieux, répondit :
"Ça ne mord plus du tout. Depuis midi je n'ai rien pris. On ne devrait jamais pêcher qu'entre hommes ; les femmes vous font embarquer toujours trop tard." Ses deux fils, Pierre et Jean, qui tenaient, l'un à bâbord, l'autre à tribord, chacun une ligne enroulée à l'index, se mirent à rire en même temps et Jean répondit :
"Tu n'es pas galant pour notre invitée, papa."
M. Roland fut confus et s'excusa :
"Je vous demande pardon, madame Rosémilly, je suis comme ça. J'invite les dames parce que j'aime me trouver avec elles, et puis, dès que je sens de l'eau sous moi, je ne pense plus qu'au poisson." Mme Roland s'était tout à fait réveillée et regardait d'un air attendri le large horizon de falaises et de mer. Elle murmura :
"Vous avez cependant fait une belle pêche." Mais son mari remuait la tête pour dire non, tout en jetant un coup d'oeil bienveillant sur le panier où le poisson capturé par les trois hommes palpitait vaguement encore, avec un bruit doux d'écailles gluantes et de nageoires soulevées, d'efforts impuissants et mous, et de bâillements dans l'air mortel.
Guy de Maupassant - Pierre et Jean - Début du chapitre I
Annonce des axes
I. Un début in medias res
II. L'alternance récit-dialogue
III. Les différentes données du texte
Commentaire littéraire
I. Un début in medias res
Début abrupt de par l'interjection "Zut !" : ce mot accroche l'attention du lecteur.
L'aspect soudain est encore accentué par "tout à coup" et par les passées simples.
L'utilisation du dialogue rend le début plus vivant.
=> changement entre une situation passée et une situation présente, le silence et la parole, l'immobilité et la mise en action ; le champ lexical du sommeil rappelle l'état antérieur.
De même, on note chez le père Roland des expressions négatives tant dans le dialogue que dans le récit.
II. L'alternance récit-dialogue
La typographie indique une alternance régulière entre le récit et les dialogues
(alinéas, retours à la ligne et paroles rapportées au style direct).
Le dialogue actualise la scène et la rend plus vivante car les paroles sont
prononcées par les personnages, et de plus il s'agit d'interlocuteurs différents.
Le présent dans les paroles rapportées ainsi que l'utilisation du langage familier rend la scène plus authentique.
Cela correspond à l'habitude de Maupassant de placer des dialogues pour faire découvrir ses personnages.
Maupassant ajoute également des éléments narratifs qui donnent plus de richesse
car ils sont donnés par un narrateur omniscient.
Les personnages sont présentés dans la situation d'une scène familiale.
Maupassant donne des éléments du contexte spatial, ainsi que des informations
sur l'atmosphère générale par le biais des descriptions.
III. Les différentes données du texte
Les indices spatio-temporels prennent le lecteur dans une scène de pêche. Bien que donnés de manière progressive et sporadique, ils permettent de situer la scène sur la mer (champ lexical de la marine, "l'eau sous moi", allusion à des falaises). On n'a toutefois aucune précision géographique, ni temporelle ("depuis midi" ne permet aucune situation).
Maupassant insiste sur la thématique de la mer, récurrente dans Pierre et Jean, car elle joue le rôle d'une personne.
Maupassant cerne le personnage de M. Roland par le dialogue : il apparaît burlesque, égoïste et colérique. Il adore la pêche.
Mme Roland nous est succinctement présentée comme sensible et nerveuse, désireuse
d'éviter les conflits et apaisant les situations conflictuelles.
Les deux frères sont mis en parallèle ; Maupassant emploie le titre du roman,
Pierre et Jean, au cours de l'incipit. Mais une différence apparaît dans la prise de parole de Jean : Mme Rosémilly intéresse Jean.
Conclusion
Le lecteur est surpris en raison de l'originalité de l'incipit : il se trouve témoin d'une scène de famille qui le laisse perplexe en raison du peu d'indices : le lecteur se demande ce qui va suivre.
Les images réalistes des dernières lignes ainsi que le mot "mortel" sont une
indication sur la suite de l'œuvre et laissent planer une certaine inquiétude dans l'esprit du lecteur.