Plan de la fiche sur
La Pluie de Paul Claudel :
Introduction
C'est en découvrant
Les Illuminations de
Rimbaud que
Paul Claudel (1868 - 1955) se mit à écrire plusieurs poèmes (recueil
Connaissance de l'Est).
Paul Claudel était catholique, c'est pourquoi il s'inspire de la bible
pour écrire des textes de théâtre comme
Le Soulier de Satin.
Ce premier recueil poétique sera suivi des
Cinq Grandes Odes en 1910
qui laissera s'épanouir le souffle de la poésie lyrique et chrétienne de Claudel.
Texte du poème La Pluie
La Pluie
Par les deux fenêtres qui sont en face de moi, les deux fenêtres
qui sont à ma gauche, et les deux fenêtres qui sont à ma
droite, je vois, j’entends d’une oreille et de l’autre tomber
immensément la pluie. Je pense qu’il est un quart d’heure
après midi : autour de moi, tout est lumière et eau. Je porte ma
plume à l’encrier, et jouissant de la sécurité de
mon emprisonnement, intérieur, aquatique, tel qu’un insecte dans
le milieu d’une bulle d’air, j’écris ce poème.
Ce n’est point de la bruine qui tombe, ce n’est point une pluie languissante
et douteuse. La nue attrape de près la terre et descend sur elle serré et
bourru, d’une attaque puissante et profonde. Qu’il fait frais, grenouilles, à oublier,
dans l’épaisseur de l’herbe mouillée, la mare !
Il n’est pas à craindre que la pluie cesse ; cela est copieux, cela
est satisfaisant. Altéré, mes frères, à qui cette
très merveilleuse rasade ne suffirait pas. La terre a disparu, la maison
baigne, les arbres submergés ruissellent, le fleuve lui-même qui
termine mon horizon comme une mer paraît noyé. Le temps ne me dure
pas, et, tendant l’ouïe, non pas au déclenchement d’aucune
heure, je médite le ton innombrable et neutre du psaume.
Cependant la pluie vers la fin du jour s’interrompt, et tandis que la nue
accumulée prépare un plus sombre assaut, telle qu’Iris du
sommet du ciel fondait tout droit au cœur des batailles, une noire araignée
s’arrête, la tête en bas et suspendue par le derrière
au milieu de la fenêtre que j’ai ouverte sur les feuillages et le
Nord couleur de brou. Il ne fait plus clair, voici qu’il faut allumer.
Je fais aux tempêtes la libation de cette goutte d’encre.
Paul Claudel
Annonce des axes
I. Un poème descriptif
II. Une description poétique
Commentaire littéraire
I. Un poème descriptif
Le cadre spatial est défini dès la première phrase du poème
La Pluie : la fenêtre
trace un cadre et délimite la description qu'elle annonce. On tend vers
un hyper-réalisme car la description va être précise.
• Le jeu des contraires (les antonymes)
- le grand et le petit : la nue / la goutte
- l'élémentaire et le familier : pluie, eau, terre / plume, encrier...
- le haut et le bas: terre / nue
- le vertical et l'horizontal : descend / termine mon horizon
- l'intérieur et l'extérieur : va et vient entre la fenêtre
- vue sur l'extérieur - et la pièce dans laquelle se trouve le poète.
• Le champ lexical de l'eau
• Approche de la réalité : désir d'appréhender le monde
dans sa globalité > tout a un contraire (Connaissance de l'Est - découvre
une autre partie du monde).
• Phrase descriptive juxtaposée, sauf « cependant » qui rompt
la structure uniforme. Structure binaire dans les phrases « et »,
souci de précision.
II. Une description poétique
• Richesse symbolique de l'eau : rêverie poétique
- source de vie : liquide amniotique, 80% de l'homme
- moyen de purification : ablution
- centre de régénérescence
• Image érotique/guerrière : union amoureuse ciel/terre reliée
au lexique de la guerre « attrape », « attaque
puissante »
• Références à la Genèse : eau envisagée dans
sa fonction reproductive, elle est féconde = acte de créateur du
poète que l'on voit en train d'écrire « j'écris ce
poème » achèvement dans la « goutte d'encre ».
• Figure du poète :
- intermédiaire monde-poème,
- médiateur intérieur-extérieur, enfermé « enfermement,
intérieur, bulle d'air » et hors du temps « le temps ne dure
pas », relié au monde par la fenêtre.
- relie la pluie et l'encre, métaphore qui unie le monde et le poème
réalisé.
Conclusion
Dans le poème en prose
La Pluie, nous pouvons voir la mise en
scène du poète dans son activité de créateur : dire " le poème ", c'est faire (le poème). Ainsi le poème est d'abord lu comme la description d'un univers familier
puis comme le manifeste d'un acte de création.
Tout nous invite à lire ce poème comme une mise en scène
allégorique (allégorie = expression d'une idée par une
métaphore animée ; elle permet une mise scène habile
des idées qui sous cette forme prennent vie et se personnalisent).
Création du Monde (la Genèse) à relier avec la création
poétique que le poète célèbre.