Ruy Blas

Victor Hugo

Acte II, scène 5





Plan de la fiche sur la scène 5 de l'Acte II de Ruy Blas de Victor Hugo :
Introduction
Lecture du texte
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion


Introduction

    Cette scène de Ruy Blas, de Victor Hugo, est dans la lignée de la scène II de l’Acte II, mais la scène V est une transition dans l’acte et va permettre le passage à l’acte III.
    La reine pense avoir sauvé la vie de Ruy Blas en écartant son ennemi : cela justifie la présence de cette scène de divertissement dans une tonalité plutôt comique, plutôt gaie pour amoindrir la pression et pour finir l’acte avec une perspective plus riante.

Ruy Blas - Victor Hugo


Lecture du texte

RUY BLAS - Victor Hugo
Acte II - Scène V - Don Guritan, la reine.


La Reine, avec un sourire.
C'est vous que je cherchais !

Don Guritan, ravi.
Qui me vaut ce bonheur ?

La Reine, posant la cassette sur le guéridon.
Oh Dieu ! Rien, ou du moins peu de chose, seigneur.
Elle rit.
Tout à l'heure on disait, parmi d'autres paroles, –
Casilda, – vous savez que les femmes sont folles,
Casilda soutenait que vous feriez pour moi
Tout ce que je voudrais.

Don Guritan.
Elle a raison !

La Reine, riant.
Ma foi,
J'ai soutenu que non.

Don Guritan.
Vous avez tort, madame !

La Reine.
Elle a dit que pour moi vous donneriez votre âme,
Votre sang...

Don Guritan.
Casilda parlait fort bien ainsi.

La Reine.
Et moi, j'ai dit que non.

Don Guritan.
Et moi, je dis que si !
Pour votre majesté, je suis prêt à tout faire.

La Reine.
Tout ?

Don Guritan.
Tout !
La Reine.
Eh bien, voyons, jurez que pour me plaire
Vous ferez à l'instant ce que je vous dirai.

Don Guritan.
Par le saint roi Gaspar, mon patron vénéré,
Je le jure ! Ordonnez. J'obéis, ou je meure !

La Reine, prenant la cassette.
Bien. Vous allez partir de Madrid tout à l'heure
Pour porter cette boîte en bois de calambour
À mon père monsieur l'électeur de Neubourg.

Don Guritan, à part.
Je suis pris !
Haut.
À Neubourg !

La Reine.
À Neubourg.

Don Guritan.
Six cents lieues !

La Reine.
Cinq cent cinquante. –
Elle montre la housse de soie qui enveloppe la cassette.
Ayez grand soin des franges bleues.
Cela peut se faner en route.

Don Guritan.
Et quand partir ?

La Reine.
Sur-le-champ.

Don Guritan.
Ah ! Demain !

La Reine.
Je n'y puis consentir.

Don Guritan, à part.
Je suis pris !
Haut.
Mais...

La Reine.
Partez !

Don Guritan.
Quoi ? ...

La Reine.
J'ai votre parole.

Don Guritan.
Une affaire...

La Reine.
Impossible.

Don Guritan.
Un objet si frivole...

La Reine.
Vite !

Don Guritan.
Un seul jour !

La Reine.
Néant.

Don Guritan.
Car...

La Reine.
Faites à mon gré.

Don Guritan.
Je...

La Reine.
Non.

Don Guritan.
Mais...

La Reine.
Partez !

Don Guritan.
Si...

La Reine.
Je vous embrasserai !
Elle lui saute au cou et l'embrasse.

Don Guritan, fâché et charmé.
Haut.
Je ne résiste plus. J'obéirai, madame.
À part.
Dieu s'est fait homme ; soit. Le diable s'est fait femme !

La Reine, montrant la fenêtre.
Une voiture en bas est là qui vous attend.

Don Guritan.
Elle avait tout prévu !
Il écrit sur un papier quelques mots à la hâte et agite une sonnette. Un page paraît.
Page, porte à l'instant
Au seigneur don César De Bazan cette lettre.
À part.
Ce duel ! À mon retour il faut bien le remettre.
Je reviendrai !
Haut.
Je vais contenter de ce pas
Votre majesté.

La Reine.
Bien.
Il prend la cassette, baise la main de la reine, salue profondément et sort. Un moment après, on entend le roulement d'une voiture qui s'éloigne.

La Reine, tombant sur un fauteuil.
Il ne le tuera pas !




Annonce des axes

I. Rapports courtisans/reine = reprise des rapports maître/valet
II. Une scène comique



Commentaire littéraire

I. Rapports courtisans/reine = reprise des rapports maître/valet

C’est un rapport maître/valet que nous constatons entre la reine et Don Guritan car la reine donne les ordres et Don Guritan obéit. La reine montre son caprice : reine arbitraire et capricieuse.
Décalage entre ce qu’elle demande - partir à l’autre bout du pays - et la manière dont elle diminue l’importance de sa demande : elle fait passer cela pour un pari avec sa suivante Casilda. Elle le fait selon une rumeur (« on disait, parmi d’autres paroles »).
C’est toujours arbitraire : elle utilise sa condition de femme et le présent de vérité général (« vous savez que les femmes sont folles »).
Elle exige de Don Guritan une obéissance absolue et ne fait que lui donner des ordres : « ce que je vous dirais », « vous allez partir », « sur le champ »,…
Il y a une gradation : elle se fait de plus en plus pressante : au début un futur proche puis un ordre dans l’immédiat : « Partez ! », « vite ! »,…
A la fin de la scène : juste manière du départ : avec son non elle refuse tout.
Don Guritan ne sait pas ce qu’il doit faire car pour lui l’ordre est ridicule.
Ainsi, Hugo montre qu’un souverain peut donner des ordres ridicules et que le peuple est soumis à lui.
Don Guritan joue le rôle du parfait courtisan : il se laisse manipuler par la reine. Il donne les réponses attendues par la reine et qu’elle a suggérées. Il se laisse porter par l’exaltation de la reine : grande exagération et individualité.
Il répond de la même manière que la reine : même construction, ce qui prouve sa soumission.
Certains clichés montrent qu’il agit en bon courtisan. Il va même jusqu'à jurer comme si la reine était bénie et est prêt à mourir pour elle.
Ces remarques montrent que c’est un jeu dans lequel il s’est laissé prendre. On a un aparté qui montre ses pensées : « Le diable s'est fait femme ! ».
Il a des mimiques de courtisan : didascalies comme « ravi », « bonheur » : et il montre l’importance de la reine pour lui. Il baise la main de la reine et sort : cela montre son obéissance. Il y a une négociation comique entre Don Guritan et la reine.


II. Une scène comique

C’est une scène comique par la situation : on a les rapports classiques entre maître et valet.
- La reine utilise sa position de maîtresse pour éloigner Don Guritan.
- Mais elle utilise aussi son charme de reine (féminin) pour atténuer l’aspect impératif de ses ordres : les didascalies « riant », « avec un sourire » (elle est gaie). Ce sont des généralités sur la frivolité des femmes « Rien, ou du moins peu de chose ». On retrouve beaucoup ces généralités dans les farces et les comédies : frivolité de ses préoccupations, frivolité de la femme. Don Guritan commente : « un objet si frivole… » (Et elle lui saute au coup et l’embrasse).
- Egalement le thème de la femme diablesse pour Don Guritan (thème de comédies et de farces).
C’est également une scène plaisante de manipulation de l’autre. « Elle a tout prévue » : Don Guritan n’avait pas de choix : il discute pour rien et est pris à son propre jeu de courtisan.
Mais il y a une exagération du courtisan et de sa fidélité. Il est prêt à jurer : « j’obéis ou je meurt ». Contraste avec l’importance de la chose.
Don Guritan répète plusieurs fois la même chose.
- Comique aussi dû au dialogue : rythme léger donné par la stichométrie.
- Marchandages (600 lieues - 550), répétitions (à Neubourg - à Neubourg), changements de ton, exclamations, gestuelles et mimiques d’étonnement.
Les personnages se coupent la parole et Don Guritan n’arrive pas à faire une phrase correcte : « je…, mais…, ne…, etc… » : Mécanique qui crée le comique.
- La scène montre des éléments contradictoires : Don Guritan est fâché et charmé. Il est désireux et gêné d’obéir, il est flatté par les compliments tout en n’étant pas dupe.
- Les apartés participent au comique de la scène. Don Guritan s’adresse au spectateur qui peut donc se rendre compte du décalage entre ce qu’il pense et ce qu’il dit à la reine.
- Parodie des aventures romanesques du héros : on demande à Don Guritan de faire quelque chose d’inutile : Don Guritan est prêt à tous les exploits mais il se rétracte au moment de partir. Don Guritan est cajolé pour qu’il parte ! Don Guritan n’est pas un héros tel qu’on les trouve dans les aventures romanesques, c’est un pseudo vieil héros tandis que la reine est une belle et jeune héroïne.





Conclusion

    On retrouve dans cette scène de Ruy Blas la virtuosité de Victor Hugo à jouer avec les personnages et, en montrant leurs faiblesses et en les rendant comique, les faire paraître sympathique aux yeux des lecteurs ou des spectateurs.

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Merci à celui ou celle qui m'a envoyé cette analyse de la scène 5 de l'Acte II de Ruy Blas de Victor Hugo