Introduction
- Le poème
Schinderhannes est extrait du recueil de poèmes
Alcools paru en 1913, et écrit par Guillaume Apollinaire.
-
Schinderhannes est à situer à la période où
Apollinaire est allé vivre sur les bords du Rhin.
- C’est une allusion à un bandit célèbre qui s’était opposé aux troupes de Napoléon ; c’est une légende rhénane.
- Ce thème a été repris par Apollinaire sous la forme du repos du guerrier, mais de manière caricaturale.
Lecture du poème
Schinderhannes
Dans la forêt avec sa bande
Schinderhannes s'est désarmé
Le brigand près de sa brigande
Hennit d'amour au joli mai
Benzel accroupi lit la Bible
Sans voir que son chapeau pointu
A plume d'aigle sert de cible
A Jacob Born le mal foutu
Juliette Blaesius qui rote
Fait semblant d'avoir le hoquet
Hannes pousse une fausse note
Quand Schulz vient portant un baquet
Et s'écrie en versant des larmes
Baquet plein de vin parfumé
Viennent aujourd'hui les gendarmes
Nous aurons bu le vin de mai
Allons Julia la mam'zelle
Bois avec nous ce clair bouillon
D'herbes et de vin de Moselle
Prosit Bandit en cotillon
Cette brigande est bientôt soûle
Et veut Hannes qui n'en veut pas
Pas d'amour maintenant ma poule
Sers-nous un bon petit repas
Il faut ce soir que j'assassine
Ce riche juif au bord du Rhin
Au clair des torches de résine
La fleur de mai c'est le florin
On mange alors toute la bande
Pète et rit pendant le dîner
Puis s'attendrit à l'allemande
Avant d'aller assassiner
Schinderhannese - Apollinaire, Alcools (1912)
Analyse
Versification :
- 8 quatrains -> octosyllabes.
- Rimes croisées (abab).
- Rythme léger, rapide.
1 - 1
er tableau situe le lieu et les personnages (cela fait penser à Robin des Bois -> forêt, brigands…).
- « S’est désarmé » -> il se repose, il a déposé les armes.
- Elément inhabituel : il y a une « brigande », pas très poétique / elle « hennit » -> cheval.
- « Joli mai » -> c’est le printemps, la saison des amours.
2 - La bande est horrible, laide (« mal foutu »), déformée / ils ont des attitudes peu gracieuses (« accroupi »).
- C’est un mélange de toutes ces images enfantines, légendaires qui font des contes.
- « Jacob Born le mal foutu » -> le personnage a un épithète (adjectif, ici « mal foutu »), comme les grands guerriers (Alexandre le Grand, Attila le Hun…).
3 - La demoiselle a une attitude mondaine -> elle rote mais fait semblant d’avoir le hoquet.
- « Fausse note » -> entrave à la mélodie du bonheur.
4 - Ils chantent avec le vin (de manière poétique), ils en deviennent lyriques (« baquet plein de vin parfumé », …).
5 - Apollinaire imite le style des faubourgs parisiens -> 2 strophes sur l’éloge du vin (4 & 5).
- « Prosit » = à ta santé / « bandit en cotillon » = brigande.
6 - Le ton est désormais beaucoup moins souriant et léger.
- Vulgarité, expressions populaires (« soûle », « elle veut Hannes », « ma poule »), on retrouve le ton des faubourgs parisiens une fois de plus.
7 - Retour à la réalité : « il faut que j’assassine ».
- Les poèmes d’Apollinaire du cycle rhénan ont un appel au Rhin -> « ce riche Juif au bord du Rhin ».
- Expression très poétique : « la fleur de mai c’est le florin » (« florin » = argent).
- Après la poésie sur le vin, c’est la poésie sur le meurtre.
- On ne perd pas la trace du mois de mai, évoqué précédemment, mais il est beaucoup moins heureux.
8 - « Alors » -> piège d’Apollinaire pour induire le lecteur en erreur : « on mange alors toute la bande » différent de « on mange,
alors toute la bande » !
- « Pète » -> attitudes grossières.
- « S’attendrit à l’allemande » ->
oxymore.
- « Avant d’aller assassiner » -> aucun commentaire, froideur de l’expression.
- A la fin du poème, il y a un mélange entre ce que l’auteur voit (repas) et ce qu’il ne voit pas (assassinat).
Conclusion
- Le poème
Schinderhannes est une caricature des héros romantiques (ex. : Jean Valjean).
- C'est également une caricature de cette légende rhénane.
- La poésie peut se nicher partout, mais elle ne fait pas oublier la réalité.
- Les styles de poésie se mélangent.