Le vallon

Alphonse de Lamartine (1790 - 1869) - Méditations poétiques (1820)









Introduction

    Méditations poétiques, de Lamartine, est un recueil caractéristique du lyrisme romantique, les méditations poétiques regroupent des poèmes célébrant la nature dans ses affinités avec la sensibilité humaine.
    Le vallon marque une opposition entre la stabilité de la nature avec l’instabilité de l’homme. Nous allons étudier ce poème selon la problématique suivante :

Problématique : Comment le poète voit-il les relations de la nature avec l’homme ?


Texte étudié


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Lu par René Depasse - source : litteratureaudio.com


Le vallon   (extrait étudié)

Tes jours, sombres et courts comme les jours d'automne,
Déclinent comme l'ombre au penchant des coteaux ;
L'amitié te trahit, la pitié t'abandonne,
Et seule, tu descends le sentier des tombeaux.

Mais la nature est là qui t'invite et qui t'aime ;
Plonge-toi dans son sein qu'elle t'ouvre toujours
Quand tout change pour toi, la nature est la même,
Et le même soleil se lève sur tes jours.

De lumière et d'ombrage elle t'entoure encore :
Détache ton amour des faux biens que tu perds ;
Adore ici l'écho qu'adorait Pythagore,
Prête avec lui l'oreille aux célestes concerts.

Suis le jour dans le ciel, suis l'ombre sur la terre ;
Dans les plaines de l'air vole avec l'aquilon ;
Avec le doux rayon de l'astre du mystère
Glisse à travers les bois dans l'ombre du vallon.

Dieu, pour le concevoir, a fait l'intelligence :
Sous la nature enfin découvre son auteur !
Une voix à l'esprit parle dans son silence :
Qui n'a pas entendu cette voix dans son coeur ?

Alphonse de Lamartine, Méditations poétiques



Alphonse de Lamartine
Alphonse de Lamartine
(peinture de Henri Decaisne, musée de Mâcon)




Annonce des axes

I. L'éloge de la nature
II. Le blâme de la condition humaine
III. Le rapprochement entre la nature et Dieu



Commentaire littéraire


I. L’éloge de la nature

- Une image méliorative de la nature nous est donnée : « qui t’invite et qui t’aime ». Ce vers marque une antithèse avec le vers 3 notamment entre « invite » et « abandonne ». Cela renforce l’image accueillante de la nature qui, de plus est énoncé avec le registre laudatif.
- La nature est un refuge maternel : « Plonge toi dans son sein qu’elle t’ouvre toujours ». Une image de consolatrice, de protectrice nous est donc donnée de la nature telle une mère.
- Ces images sont d’autant plus grandes qu’il y a un caractère permanent : « toujours » ; « la nature est la même ». Répétition de « même » ; le vers 7 est le lieu d’une antithèse entre « change » et « même » et on remarque une rime entre « toujours » et « jour ». Tout cela produit une insistance sur cette permanence.
- On remarque une personnification de la nature : « Plonge toi dans son sein qu’elle t’ouvre toujours ». La nature est assimilée à une personne afin de mieux montrer sa valeur.
- La nature est décrite comme harmonieuse. Le vers 12 fait ressortir l’harmonie de l’univers avec une métaphore musicale : « Prête avec lui l’oreille aux célestes concerts ».
- On note une opposition entre l’ombre et la lumière : « De lumière et d’ombrage » ; anaphore et parallélisme de construction : « Suis le jour dans le ciel, suis l’ombre sur la terre ». Ces oppositions marquent une impression d’harmonie entre l’ombre et la lumière.
- Caractère injonctif de la poésie dans les strophes 2, 3 et 4 où l’auteur utilise la force de l’impératif d’où la présence du registre didactique qui est utilisé pour inciter le détachement de l’homme vers la nature et son adoration.


II. Le blâme de la condition humaine

- La première strophe exprime la condition humaine qui est traité avec un caractère péjoratif : « Tes jours, sombres et courts » ; « pitié » ; « l’amitié te trahit ». Il s’oppose au caractère mélioratif de la nature à la deuxième strophe.
- Par cette opposition naît un contraste entre les deux strophes qui se mettent ainsi en valeur. Le « Mais » marque cette opposition. Il y a donc une insistance sur le caractère péjoratif de la condition humaine tout comme sur le caractère mélioratif de la nature.


III. Le rapprochement entre la nature et Dieu

- Dans la dernière strophe, on note un rapprochement entre Dieu et la nature : « Sous la nature enfin découvre son auteur ! ».
- Cela fait ressortir l’aspect mystique, divin et spirituel de la nature tout comme le vocabulaire : « l’astre du mystère » ; « l’esprit ».
- On note aussi la présence du ciel : « ciel » ; « l’air » ; « vole ».




Conclusion

    Dans cet extrait de Le Vallon, Lamartine commence à faire un blâme de la condition humaine pour ensuite, mieux faire ressortir l’éloge de la nature qu’il rapproche avec Dieu.



Texte complet du poème Le vallon

Le vallon

Mon coeur, lassé de tout, même de l'espérance,
N'ira plus de ses voeux importuner le sort ;
Prêtez-moi seulement, vallon de mon enfance,
Un asile d'un jour pour attendre la mort.

Voici l'étroit sentier de l'obscure vallée :
Du flanc de ces coteaux pendent des bois épais,
Qui, courbant sur mon front leur ombre entremêlée,
Me couvrent tout entier de silence et de paix.

Là, deux ruisseaux cachés sous des ponts de verdure
Tracent en serpentant les contours du vallon ;
Ils mêlent un moment leur onde et leur murmure,
Et non loin de leur source ils se perdent sans nom.

La source de mes jours comme eux s'est écoulée ;
Elle a passé sans bruit, sans nom et sans retour :
Mais leur onde est limpide, et mon âme troublée
N'aura pas réfléchi les clartés d'un beau jour.

La fraîcheur de leurs lits, l'ombre qui les couronne,
M'enchaînent tout le jour sur les bords des ruisseaux,
Comme un enfant bercé par un chant monotone,
Mon âme s'assoupit au murmure des eaux.

Ah ! c'est là qu'entouré d'un rempart de verdure,
D'un horizon borné qui suffit à mes yeux,
J'aime à fixer mes pas, et, seul dans la nature,
A n'entendre que l'onde, à ne voir que les cieux.

J'ai trop vu, trop senti, trop aimé dans ma vie ;
Je viens chercher vivant le calme du Léthé.
Beaux lieux, soyez pour moi ces bords où l'on oublie :
L'oubli seul désormais est ma félicité.

Mon coeur est en repos, mon âme est en silence ;
Le bruit lointain du monde expire en arrivant,
Comme un son éloigné qu'affaiblit la distance,
A l'oreille incertaine apporté par le vent.

D'ici je vois la vie, à travers un nuage,
S'évanouir pour moi dans l'ombre du passé ;
L'amour seul est resté, comme une grande image
Survit seule au réveil dans un songe effacé.

Repose-toi, mon âme, en ce dernier asile,
Ainsi qu'un voyageur qui, le coeur plein d'espoir,
S'assied, avant d'entrer, aux portes de la ville,
Et respire un moment l'air embaumé du soir.

Comme lui, de nos pieds secouons la poussière ;
L'homme par ce chemin ne repasse jamais ;
Comme lui, respirons au bout de la carrière
Ce calme avant-coureur de l'éternelle paix.

Tes jours, sombres et courts comme les jours d'automne,
Déclinent comme l'ombre au penchant des coteaux ;
L'amitié te trahit, la pitié t'abandonne,
Et seule, tu descends le sentier des tombeaux.

Mais la nature est là qui t'invite et qui t'aime ;
Plonge-toi dans son sein qu'elle t'ouvre toujours
Quand tout change pour toi, la nature est la même,
Et le même soleil se lève sur tes jours.

De lumière et d'ombrage elle t'entoure encore :
Détache ton amour des faux biens que tu perds ;
Adore ici l'écho qu'adorait Pythagore,
Prête avec lui l'oreille aux célestes concerts.

Suis le jour dans le ciel, suis l'ombre sur la terre ;
Dans les plaines de l'air vole avec l'aquilon ;
Avec le doux rayon de l'astre du mystère
Glisse à travers les bois dans l'ombre du vallon.

Dieu, pour le concevoir, a fait l'intelligence :
Sous la nature enfin découvre son auteur !
Une voix à l'esprit parle dans son silence :
Qui n'a pas entendu cette voix dans son coeur ?

Alphonse de Lamartine, Méditations poétiques






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