Plan de la fiche sur
la fin de Le Ventre de Paris de Emile Zola :
Introduction
Emile Zola, chef de file du
mouvement naturaliste, a au
cours de son existence tenté de reproduire la réalité avec
exactitude, selon tous ses aspects et dans la plus parfaite objectivité.
Dans cet extrait qui constitue le final de son roman
Le Ventre de paris écrit en 1873, le peintre Claude se retrouve isolé entre la charcutière Lisa et la Normande l'ex poissonnière.
Texte étudié
Alors, Claude leur montra le poing. Il était exaspéré par cette fête du pavé et du ciel. Il injuriait les Gras, il disait que les Gras avaient vaincu. Autour de lui, il ne voyait plus que des Gras, s'arrondissant, crevant de santé, saluant un nouveau jour de belle digestion. Comme il s'arrêtait en face de la rue Pirouette, le spectacle qu'il eut à sa droite et à sa gauche lui porta le dernier coup.
A sa droite, la belle Normande, la belle madame Lebigre, comme on la nommait maintenant, était debout sur le seuil de sa boutique. Son mari avait enfin obtenu de joindre à son commerce de vin un bureau de tabac, rêve depuis longtemps caressé, et qui s'était enfin réalisé, grâce à de grands services rendus. La belle madame Lebigre lui parut superbe, en robe de soie, les cheveux frisés, prête à s'asseoir dans son comptoir, où tous les messieurs du quartier venaient leur acheter leurs cigares et leurs paquets de tabac. Elle était devenue distinguée, tout à fait dame. Derrière elle, la salle, repeinte, avait des pampres fraîches, sur un fond tendre ; le zinc du comptoir luisait ; tandis que les fioles de liqueur allumaient dans la glace des feux plus vifs. Elle riait à la claire matinée.
A sa gauche, la belle Lisa, au seuil de la charcuterie, tenait toute la largeur de la porte. Jamais son linge n'avait eu une telle blancheur ; jamais sa chair reposée, sa face rose, ne s'était encadrée dans des bandeaux mieux lissés. Elle montrait un grand calme repu, une tranquillité énorme, que rien ne troublait, pas même un sourire. C'était l'apaisement absolu, une félicité complète, sans secousse, sans vie, baignant dans l'air chaud. Son corsage tendu digérait encore le bonheur de la veille ; ses mains potelées, perdues dans le tablier, ne se tendaient même pas pour prendre le bonheur de la journée, certaines qu'il viendrait à elles. Et, à côté, l'étalage avait une félicité pareille ; il était guéri, les langues fourrées s'allongeaient plus rouges et plus saines, les jambonneaux reprenaient leurs bonnes figures jaunes, les guirlandes de saucisses n'avaient plus cet air désespéré qui navrait Quenu. Un gros rire sonnait au fond, dans la cuisine, accompagné d'un tintamarre réjouissant de casseroles. La charcuterie suait de nouveau la santé, une santé grasse. Les bandes de lard entrevues, les moitiés de cochon pendues contre les marbres, mettaient là des rondeurs de ventre, tout un triomphe du ventre, tandis que Lisa, immobile, avec sa carrure digne, donnait aux Halles le bonjour matinal, de ses grands yeux de forte mangeuse.
Puis, toutes deux se penchèrent. La belle madame Lebigre et la belle madame Quenu échangèrent un salut d'amitié.
Et Claude, qui avait certainement oublié de dîner la veille, pris de colère à les voir si bien portantes, si comme il faut, avec leurs grosses gorges, serra sa ceinture, en grondant d'une voix fâchée :
- Quels gredins que les honnêtes gens !
Emile Zola - Le Ventre de Paris
Annonce des axes
Nous étudierons dans une première partie comment se manifeste le triomphe des gras puis étudierons de quelle manière Zola leur donne un caractère inerte.
I. Triomphe des gras
II. Absence de vie
Commentaire littéraire
I. Triomphe des gras
- Répétition des gras => redondance.
- Hyperboles => invasion des gras "crevant de santé".
- Claude pris en embuscade entre les gras.
- Eléments désignant le café de la normande sont clinquants :
champ lexical des feux.
- Opposition entre la santé des gras et la maigreur de Claude.
- Nourriture => champ lexical de la santé.
- Salut : femmes qui se sont battus pendant tout le roman s’allie => triomphe des gras.
II. Absence de vie
- Reprise anaphorique de "jamais" = renforce le caractère récurrent
de ses éléments qui le sont encore plus à la fin.
- Noms communs redondant accompagnés d’adjectifs renforçant leur idée qui marque une gradation.
- "sans secousse, sans vie" => absence de désir synonyme de mort.
- "son corsage tendu digérait" => hypallage qui renforce le sentiment d’inertie.
- Personnification des éléments de la charcuterie : tournure
pronominale qui permet de rendre le sujet actif "jambonneaux qui ont des figures, les guirlandes ragaillardis".
Zola enlève la vie à Lisa et la transpose à la charcuterie car pour eux la vie se trouve dans la mangeaille.
Conclusion
Dans cette dernière page du ventre de
Paris, Zola reprend le thème des gras et des maigres développés
tout au long du roman : ici c’est à Claude que revient le rôle
de clore ce voyage dans les Halles par cette antithèse finale résumant
la portée du livre où il stigmatise le caractère trompeur
de cette honnêteté de surface.
Ainsi Zola fustige la fausse probité des enrichis du second empire qui cèdent à l’appât du gain pour bien vivre.