Plan de la fiche sur La vie rêvée -
Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau :
Introduction
Rousseau : annonciateur du Romantisme
Les Confessions de Rousseau : récit autobiographique, il y expose ses principes éthiques sur la vie publique et privée.
l'extrait étudié ici est un texte charnière, le basculement entre le livre I et le livre II des Confessions de Rousseau, marqué par le départ dramatisé de Genève.
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Lu par Clotilde - source : litteratureaudio.com
Avant de m'abandonner à la fatalité de ma destinée, qu'on
me permette de tourner un moment les yeux sur celle qui m'attendait naturellement,
si j'étais tombé dans les mains d'un meilleur maître. Rien
n'était plus convenable à mon humeur, ni plus propre à me
rendre heureux, que l'état tranquille et obscur d'un bon artisan, dans
certaines classes surtout, telle qu'est à Genève celle des graveurs.
Cet état, assez lucratif pour donner une subsistance aisée, et
pas assez pour mener à la fortune, eût borné mon ambition
pour le reste de mes jours ; et me laissant un loisir honnête pour cultiver
des goûts modérés, il m'eût contenu dans ma sphère
sans m'offrir aucun moyen d'en sortir. Ayant une imagination assez riche pour
orner de ses chimères tous les états, assez puissante pour me transporter,
pour ainsi dire, à mon gré de l'un à l'autre, il m'importait
peu dans lequel je fusse en effet. Il ne pouvait y avoir si loin du lieu où j'étais
au premier château en Espagne, qu'il ne me fût aisé de m'y établir.
De cela seul il suivait que l'état le plus simple, celui qui donnait le
moins de tracas et de soins, celui qui laissait l'esprit le plus libre, était
celui qui me convenait le mieux ; et c'était précisément
le mien. J'aurais passé dans le sein de ma religion, de ma patrie, de
ma famille et de mes amis, une vie paisible et douce, telle qu'il la fallait à mon
caractère, dans l'uniformité d'un travail de mon goût et
d'une société selon mon coeur. J'aurais été bon chrétien,
bon citoyen, bon père de famille, bon ami, bon ouvrier, bon homme en toute
chose. J'aurais aimé mon état, je l'aurais honoré peut-être ;
et, après avoir passé une vie obscure et simple, mais égale
et douce, je serais mort paisiblement dans le sein des miens. Bientôt oublié sans
doute, j'aurais été regretté du moins aussi longtemps qu'on
se serait souvenu de moi.
Au lieu de cela... Quel tableau vais-je faire ? Ah ! n'anticipons point sur
les misères de ma vie ; je n'occuperai que trop mes lecteurs de ce triste sujet.
Les Confessions - Jean-Jacques Rousseau - La vie rêvée
Annonce des axes
I. La vie rêvée, telle qu'elle aurait pu être
II. Une vie exemplaire
Commentaire littéraire
I. La vie rêvée, telle qu'elle aurait pu être
Dans la première phrase, le « si » indique que Rousseau
aurait pu être bon s'il avait eût un bon maître. Le terme « destinée » montre
que l'on ne peut plus revenir en arrière, ceci est renforcé par
le fait que les portes de Genève sont closes. Dans l'expression « qu'on
me permette » (première phrase), le pronom indéfini « on » renvoie
au lecteur, celui-ci est donc encore une fois pris à témoin.
Dans ce passage à mi-chemin entre l'autobiographie et la fiction morale,
Rousseau relate son départ de Genève comme un élément
essentiel de sa destinée, c'est donc l'occasion pour lui d'évoquer
non pas la vie réelle mais ce qu'elle aurait pu être.
La description du petit artisan souligne le côté bourgeois de
Rousseau dû à sa famille. La référence « château
en Espagne » (l. 13-14) à la fable "Perrette et le pot au lait"
de
Jean de La Fontaine traduit l'aisance de l'ascension sociale qu'aurait eu
l'auteur. Le bonheur pour Rousseau est simple : « goûts modérés ».
L'expression « Au lieu de cela... » traduit un retour à la
réalité, à la déroute, à la dépravation.
Ce retour est souligné par le passage du conditionnel au futur simple.
Il voulait être bon mais il est devenu mauvais, pernicieux, les points
de suspensions montrent la rupture, le passage du livre I au livre II.
L'auteur nous montre le décalage entre la vie possible, hypothèse,
et la réalité, la fatalité, le destin dû à un
maître injuste.
II. Une vie exemplaire
En quoi ce programme du bonheur constitue une vie exemplaire ?
Le programme de cette vie idéale se résume à un vie paisible
et simple se limitant à la sphère sociale de Rousseau qui ainsi
a sa place dans la société. Celle-ci est idéalisée,
un monde proche de la nature dans lequel chacun a une tâche désignée.
Cette société idéale se retrouve dans
La Nouvelle Héloïse
dans le passage des vendanges, il y montre la solidarité par rapport à une
collectivité.
Dans cette société idéale l'écrivain aurait été bon,
"L'Homme est naturellement bon, c'est la société qui le corrompt".
Rousseau est donc foncièrement bon « j'aurais été » (l. 24). Le philosophe serait « mort paisiblement », il n'aurait rien
eut à se reprocher devant Dieu.
Rousseau pose ici les bases de la société utopique qu'il développa
dans
Le Contrat Social.
Conclusion
C'est un texte charnière, le basculement entre le livre I et le livre
II des Confessions de Rousseau, marqué par le départ dramatisé de Genève. L'auteur
nous éclaire sur tout ce qui va suivre. La fermeture de Genève
associée au mauvais maître renforce l'exclusion subie par Rousseau.
C'est un parcours autobiographique qui essaie d'expliquer la personnalité de l'auteur.