Voyage au bout de la nuit

Louis-Ferdinand Céline

De "Ces Allemands accroupis sur la route..." à "...dans une croisade apocalyptique."





Plan de la fiche sur un extrait de Voyage au bout de la nuit de Céline :
Introduction
Lecture du texte
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion




Introduction

     Le texte à commenter ici est un extrait du roman Voyage au bout de la nuit de l'écrivain Céline (1894 - 1961). Cette œuvre relate le voyage d'un groupe d'hommes à travers le monde.


Lecture du texte

    Ces Allemands accroupis sur la route, têtus et tirailleurs, tiraient mal, mais ils semblaient avoir des balles à en revendre, des pleins magasins sans doute. La guerre décidément, n’était pas terminée ! Notre colonel, il faut dire ce qui est, manifestait une bravoure stupéfiante ! Il se promenait au beau milieu de la chaussée et puis de long en large parmi les trajectoires aussi simplement que s’il avait attendu un ami sur le quai de la gare, un peu impatient seulement.
    Moi d’abord la campagne, faut que je le dise tout de suite, j’ai jamais pu la sentir, je l’ai toujours trouvée triste, avec ses bourbiers qui n’en finissent pas, ses maisons où les gens n’y sont jamais et ses chemins qui ne vont nulle part. Mais quand on y ajoute la guerre en plus, c’est à pas y tenir. Le vent s’était levé, brutal, de chaque côté des talus, les peupliers mêlaient leurs rafales de feuilles aux petits bruits secs qui venaient de là-bas sur nous. Ces soldats inconnus nous rataient sans cesse, mais tout en nous entourant de mille morts, on s’en trouvait comme habillés. Je n’osais plus remuer.
    Le colonel, c’était donc un monstre ! À présent, j’en étais assuré, pire qu’un chien, il n’imaginait pas son trépas ! Je conçus en même temps qu’il devait y en avoir beaucoup des comme lui dans notre armée, des braves, et puis tout autant sans doute dans l’armée d’en face. Qui savait combien ? Un, deux, plusieurs millions peut-être en tout ? Dès lors ma frousse devint panique. Avec des êtres semblables, cette imbécillité infernale pouvait continuer indéfiniment... Pourquoi s’arrêteraient-ils ? Jamais je n’avais senti plus implacable la sentence des hommes et des choses.
    Serais-je donc le seul lâche sur la terre ? pensais-je. Et avec quel effroi !... Perdu parmi deux millions de fous héroïques et déchaînés et armés jusqu’aux cheveux ? Avec casques, sans casques, sans chevaux, sur motos, hurlants, en autos, sifflants, tirailleurs, comploteurs, volants, à genoux, creusant, se défilant, caracolant dans les sentiers, pétaradant, enfermés sur la terre, comme dans un cabanon, pour y tout détruire, Allemagne, France et Continents, tout ce qui respire, détruire, plus enragés que les chiens, adorant leur rage (ce que les chiens ne font pas), cent, mille fois plus enragés que mille chiens et tellement plus vicieux ! Nous étions jolis ! Décidément, je le concevais, je m’étais embarqué dans une croisade apocalyptique.

Voyage au bout de la nuit - Louis-Ferdinand Céline - Extrait




Annonce des axes

I. Bardamu, anti-héros et témoin principal
1. Un monologue intérieur
2. Des amitiés précaires
3. La simplicité du narrateur

II. Dénoncer la guerre
1. Une vision négative de la guerre
2. Un monde sans valeurs
3. L'humour dans l'extrait



Commentaire littéraire

I. Bardamu, anti-héros et témoin principal

1. Un monologue intérieur
- Engagement sur un coup de tête après une parade militaire -> Réflexion qui contient de nombreux modalisateurs, vision nuancée de la guerre.
- Sentiments du personnage qui est le contraire d'un héros.

2. Des amitiés précaires
- Utilisation du « nous » au début : même peur, devoir et hiérarchie.
- « Je » cependant très présent -> Témoin principal pour le lecteur.

3. La simplicité du narrateur
- Simplicité par le langage et notamment le registre familier associé à des formes emphatiques et de formules du langage parlé.
- Mais aussi registre soutenu.
- Ponctuation -> Echo au délire du front, lien entre émotions et mot.



II. Dénoncer la guerre

1. Une vision négative de la guerre
- Qualificatifs négatifs.
- Aucune explication historique (pas de raisons de se battre).
- Questions à propos de l'homme et de la peur et de la notion de héros (formule oxymorique, « et »…).
- Colonel exemple de ce contraste entre situation et réaction « se promener ».

2. Un monde sans valeurs
- Guerre, passage obligé pour être un homme.
- Une violence idiote (allitérations en [t] dans la première phrase de l'extrait).
- Déshumanisation des soldats, renforcée avec les superlatifs.

3. L'humour dans l'extrait
- Utilisation de l'ironie pour l'absurdité de la guerre et des hommes.
- Enumération qui rend la guerre comique (multiplication des verbes d'actions et des moyens de transport).





Conclusion

    Il y a une description réelle de la guerre à travers ce anti-héros simple, l'humour met à distance cette réalité.





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Merci à Thibaut pour cette analyse sur un extrait de Voyage au bout de la nuit de Céline