Zadig

Voltaire - 1747

Extrait du chapitre XX (20) - L'ermite

De "Vers le midi, l'ermite se présenta à la porte..." à "...ne put s’empêcher de le suivre."




Plan de la fiche sur un extrait du chapitre XX (L'ermite) de Zadig de Voltaire :
Introduction
Lecture du texte
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion




Introduction

    L’épisode se situe à la fin du conte philosophique Zadig de Voltaire. Au chapitre précédent, Zadig a cru devenir roi de Babylone aux côtés de la belle Astarté puisqu’il avait vaincu Otame au combat. Hélas, il ne s’est pas aperçu que, pendant son sommeil, son armure blanche a été échangée contre l’armure verte du perdant Itobad. S’il parvient, vêtu de cette dernière à échapper aux huées de la foule, le voilà errant sur les bords de l’Euphrate. Là, il échange la tenue maudite contre une robe et un bonnet long, et au cours de sa fuite rencontre un nouveau personnage, l’ermite qui lit le livre des Destinées, et commet des actes incompréhensibles. Les deux hommes sont d’abord reçus magnifiquement par un hôte, mais Zadig a pu constater que l’ermite lui a dérobé un bassin d’or.
    L’épisode qui suit éclaire les raisons de cet acte, et fonctionne comme une parabole.



Lecture du texte


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Lu par René Depasse - source : litteratureaudio.com


    Vers le midi, l’ermite se présenta à la porte d’une maison très petite, où logeait un riche avare ; il y demanda l’hospitalité pour quelques heures. Un vieux valet mal habillé le reçut d’un ton rude, et fit entrer l’ermite et Zadig dans l’écurie, où on leur donna quelques olives pourries, de mauvais pain et de la bière gâtée. L’ermite but et mangea d’un air aussi content que la veille ; puis s’adressant à ce vieux valet qui les observait tous deux pour voir s’ils ne volaient rien, et qui les pressait de partir, il lui donna les deux pièces d’or qu’il avait reçues le matin, et le remercia de toutes ses attentions. « Je vous prie, ajouta-t-il, faites-moi parler à votre maître. » Le valet étonné introduisit les deux voyageurs : « Magnifique seigneur, dit l’ermite, je ne puis que vous rendre de très humbles grâces de la manière noble dont vous nous avez reçus daignez accepter ce bassin d’or comme un faible gage de ma reconnaissance. » L’avare fut près de tomber à la renverse. L’ermite ne lui donna pas le temps de revenir de son saisissement, il partit au plus vite avec son jeune voyageur. « Mon père lui dit Zadig, qu’est-ce que tout ce que je vois ? Vous ne me paraissez ressembler en rien aux autres hommes : vous volez un bassin d’or garni de pierreries à un seigneur qui vous reçoit magnifiquement, et vous le donnez à un avare qui vous traite avec indignité. - Mon fils, répondit le vieillard, cet homme magnifique, qui ne reçoit les étrangers que par vanité, et pour faire admirer ses richesses, deviendra plus sage ; l’avare apprendra à exercer l’hospitalité ne vous étonnez de rien, et suivez-moi. » Zadig ne savait encore s’il avait affaire au plus fou ou au plus sage de tous les hommes ; mais l’ermite parlait avec tant d’ascendant, que Zadig, lié d’ailleurs par son serment, ne put s’empêcher de le suivre.

Voltaire - Zadig ou La Destinée - Extrait du chapitre XX : L'ermite



Annonce des axes

I. Un jeu de contrastes
II. Une parabole
III. Un sage fou



Commentaire littéraire

I. Un jeu de contrastes

Tout l’extrait fonctionne en opposition avec ce qui précède
- La maison est « très petite »
- Le serviteur est « vieux », « mal habillé », il adopte pour parler à Zadig et à l’ermite « un ton rude ». Il presse ses visiteurs de partir.
- La nourriture est infecte : les adjectifs péjoratifs en témoignent : olives « pourries », « mauvais » pain, bière «gâtée ».
L’attitude de l’ermite est, elle aussi, paradoxale.
- Il mange et boit avec contentement.
- Il donne au domestique désagréable deux pièces d’or.
- Il demande à voir le maître et le flatte : « magnifique seigneur », et il le remercie de façon exagérée.
- Enfin, il offre le bassin d'or qu’il avait dérobé la veille à leur riche hôte.
Zadig ne manque pas de relever les contradictions de l'ermite : « au plus fou ou au plus sage de tous les hommes ».


II. Une parabole

    On constate le caractère simplificateur de l’épisode. Les situations sont extrêmes (humble maison, mauvais accueil, nourriture infecte), les personnages sont des figures (le riche avare, le serviteur) et les réactions et actions de l’ermite sont faites pour susciter les questions de Zadig.
    Toutes les apparences sont faites pour donner tort au vieux sage : il a dérobé un bassin d’or à un homme qui le recevait bien, il montre politesse et générosité à l’égard de celui qui les comporte scandaleusement mal.
    L’explication donnée par l’ermite fonctionne comme une morale qui révèle une vérité cachée. Derrière le récit se cache un enseignement moral à caractère religieux. Le bon n’est pas celui qui fait montre de générosité. Pour guérir un avare de son vice, il vaut mieux lui montrer l’exemple.
    En fait, Voltaire insiste sur l’âge de l’ermite « le vieillard » et la façon paternelle dont il s’adresse  à Zadig « mon fils », pour lui donner une leçon née de la pratique de l’expérience. Par ses actions paradoxales, il tente d’infléchir les comportements négatifs des deux protagonistes : guérir le premier de sa vanité, rendre le second plus généreux.


III. Un sage fou

    Tout comme au chapitre XVI, Arbogad apparaît comme un seigneur brigand, le vieillard par son âge et son statut d’ermite est un sage mais son attitude interroge son état mental. Dans la tradition de beaucoup de sociétés, le fou, s’il inquiète, passe pour être détenteur de la vérité ; c’est une façon pour Voltaire de montrer la complexité des comportements humains et d’inviter son héros, lui-même victime des faux-semblants et des trahisons, à s’interroger plus profondément sur le sens de l’existence et sur les apparences.
    L’ermite est, par ailleurs, un personnage issu du folklore religieux : sa longue barbe, son livre incompréhensible, et son comportement, en font un être à part. Preuve en est qu’à la fin du chapitre, le registre merveilleux est à l’œuvre et qu’il se transforme en ange malgré une suite d’actions, qui au-delà de leur absurdité, sont pour la justice humaine, répréhensibles, mais qui se révèle en réalité être des actions bienfaitrices.





Conclusion

    Au fur et à mesure du chapitre, les actions de l’ermite sont de plus en plus absurdes et sujettes à interrogations. Pourtant, ce sont des actions bienfaitrices.
    Cet extrait invite donc le lecteur à réfléchir sur le sens des choses et de juger les personnes et leurs actes au-delà des apparences.




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Merci à celui ou celle qui m'a envoyé cette analyse sur un extrait du chapitre XX (L'ermite) de Zadig de Voltaire