Plan de la fiche sur
l'incipit de Zadig de Voltaire :
Introduction
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Voltaire : auteur du XVIIIème siècle, philosophe des Lumières.
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Zadig ou La Destinée est un conte philosophique qui s’organise autour de la recherche du bonheur.
Lecture du texte
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Lu par René Depasse - source : litteratureaudio.com
Du temps du roi Moabdar, il y avait à Babylone un jeune homme nommé Zadig, né avec un beau naturel fortifié par l’éducation. Quoique riche et jeune, il savait modérer ses passions ; il n’affectait rien ; il ne voulait point toujours avoir raison, et savait respecter la faiblesse des hommes. On était étonné de voir qu’avec beaucoup d’esprit il n’insultât jamais par des railleries à ces propos si vagues, si rompus, si tumultueux, à ces médisances téméraires, à ces décisions ignorantes, à ces turlupinades grossières, à ce vain bruit de paroles qu’on appelait conversation dans Babylone. Il avait appris dans le premier livre de Zoroastre, que l’amour-propre est un ballon gonflé de vent, dont il sort des tempêtes quand on lui a fait une piqûre. Zadig surtout ne se vantait pas de mépriser les femmes et de les subjuguer. Il était généreux ; il ne craignait point d’obliger des ingrats, suivant ce grand précepte de Zoroastre : Quand tu manges, donne à manger aux chiens, dussent-ils te mordre. Il était aussi sage qu’on peut l’être ; car il cherchait à vivre avec des sages. Instruit dans les sciences des anciens Chaldéens, il n’ignorait pas les principes physiques de la nature, tels qu’on les connaissait alors, et savait de la métaphysique ce qu’on en a su dans tous les âges, c’est-à-dire fort peu de chose. Il était fermement persuadé que l’année était de trois cent soixante et cinq jours et un quart, malgré la nouvelle philosophie de son temps, et que le soleil était au centre du monde ; et quand les principaux mages lui disaient, avec une hauteur insultante, qu’il avait de mauvais sentiments, et que c’était être ennemi de l’État que de croire que le soleil tournait sur lui-même, et que l’année avait douze mois, il se taisait sans colère et sans dédain.
Voltaire - Zadig ou La Destinée - Incipit (premier paragraphe du chapitre 1)
Annonce des axes
I. Un portrait élogieux du héros Zadig
II. Un Orient de conventions
Commentaire littéraire
I. Un portrait élogieux du héros Zadig
Ce premier paragraphe est un éloge, procédé rhétorique qui permet de parer un personnage ou une institution de toutes les qualités. Ce procédé date de l’Antiquité et Voltaire, comme beaucoup d’écrivains, s’amuse avec ce procédé.
Utilisation d’adjectifs mélioratifs qui posent le héros comme « né avec un beau naturel », « riche et jeune »…
Une série de
litotes (procédé qui consiste à dire le moins pour suggérer le pus) qui ne font que confirmer les qualités du modeste Zadig : « Il n’affectait rien », « Il n'[insultait] jamais par des railleries », « Il ne se vantait pas de mépriser les femmes et de les subjuguer », « Il ne craignait point d’obliger des ingrats » = il n’avait pas peur d’être généreux ou bon à l’égard de gens qui n’auront aucune reconnaissance.
Une
métaphore autour de la notion d’amour-propre : « Un ballon gonflé de vent, dont il sort des tempêtes quand on lui a fait une piqûre » : si on blesse l’orgueil, on peut s’attendre à des conséquences violentes.
Référence à un philosophe Zoroastre qui montre à la fois les connaissances de Zadig et le caractère infini de sa générosité (mise en valeur + citations = espèce de proverbe ou précepte (espèce de pensée générale qui constitue une sorte de référence)).
Il est évident que le jeune Zadig est un scientifique éclairé ce qui pour Voltaire constitue une vraie qualité (dernières lignes de l’incipit).
Voltaire met donc en scène un héros parfait pour plusieurs raisons :
- nous sommes dans un conte, genre littéraire où les héros sont jeunes et parfaits.
- Zadig va servir de miroir idéal pour mettre en relief les défauts des personnes qu'il rencontrera dans le conte.
II. Un Orient de conventions
Dès le titre avec le nom du héros Zadig et avec le sous titre
Histoire Orientale, le ton est donné : volonté de Voltaire de nous transporter dans un ailleurs (à la manière de
Les Milles et Une Nuits, ouvrage anonyme) mais caractère superficiel de cette volonté de couleur locale (pittoresque) [donner des noms propres au pays ou à la région].
Dès les premières lignes, présence de noms propres à consonance orientale « Moabdar », « Zadig », « Babylone », « Zoroastre », « chaldéens ».
Mais, dès les premières lignes, quand il s’agit d’évoquer la vie de la cour à Babylone, on s’aperçoit de troublantes similitudes avec la cour que connaît Voltaire dans la France du XVIIIème siècle : « On était étonné de voir qu'avec beaucoup d'esprit il n'insultât jamais par des railleries à ces propos si vagues, si rompus, si tumultueux, à ces médisances téméraires, à ces décisions ignorantes, à ces turlupinades grossières, à ce vain bruit de paroles, qu'on appelait conversation dans
Babylone ». Critique de la cour de France. L'Orient n’est qu'un prétexte pour éviter la censure qu'aurait subi une attaque directe à la monarchie française du roi Louis XV.
- Railleries, médisances, propos superficiels, méchancetés, méconnaissance… (cf.
Les Caractères de
La Bruyère, moraliste du XVIIème siècle qui a critiqué les mœurs de la Cour dans ses Caractères).
Les connaissances de Zadig en matière scientifique, même si Voltaire se réfère aux Chaldéens, sont très proches de celles d’un esprit éclairé du XVIIIème siècle (terre, soleil, 365 jours un quart…).
Conclusion
On constate dès le début du conte que la présence de l’Orient correspond chez Voltaire à la fois à un jeu littéraire, à la référence d’une œuvre en vogue,
Les Milles et Une Nuits, mais surtout que cet effet pittoresque va servir à cacher une critique acerbe des mœurs de son époque.