Plan de la fiche sur
la scène 2 de l'Acte II de On ne badine pas avec l'amour de Alfred de Musset :
Introduction
A travers cette scène de
On ne Badine pas avec l'Amour de
Alfred de Musset, nous pouvons observer qu’autour du couple
phare gravitent des personnages amusants, voire grotesques, comme Maître
Bridaine. Dans cet extrait, il se lamente par avance de ne pas être bien
placé à la table du Baron.
Texte de la scène
ACTE DEUXIEME
SCENE II
La salle à manger. - On met le couvert.
Entre MAITRE BRIDAINE.
Cela est certain, on lui donnera encore aujourd'hui la place d'honneur.
Cette chaise que j'ai occupée si longtemps à la droite du
baron sera la proie du gouverneur. ô malheureux que je suis !
Un âne
bâté, un ivrogne sans pudeur, me relègue au bas bout
de la table ! Le majordome lui versera le premier verre de Malaga,
et lorsque les plats arriveront à moi, ils seront à moitié froids,
et les meilleurs morceaux déjà avalés ; il ne
restera plus autour des perdreaux ni choux ni carottes. ô sainte Église
catholique ! Qu'on lui ait donné cette place hier, cela se concevait ;
il venait d'arriver ; c'était la première fois, depuis
nombre d'années, qu'il s'asseyait à cette table. Dieu ! comme
il dévorait ! Non, rien ne me restera que des os et des pattes
de poulet. Je ne souffrirai pas cet affront. Adieu, vénérable
fauteuil où je me suis renversé tant de fois gorgé de
mets succulents ! Adieu, bouteilles cachetées, fumet sans pareil
de venaisons cuites à point ! Adieu, table splendide, noble
salle à manger, je ne dirai plus le bénédicité ! Je retourne à ma
cure ; on ne me verra pas confondu parmi la foule des convives, et
j'aime mieux, comme César, être le premier au village que le second dans Rome.
Il sort.
On ne Badine pas avec l’Amour - Alfred de Musset
Annonce des axes
I. La tonalité du monologue : le lyrisme
II. Le désespoir de Bridaine
III. Les effets de distorsion
Commentaire littéraire
I. La tonalité du monologue : le lyrisme
- La ponctuation reflète bien le lyrisme :
On retrouve tout d’abord de nombreuses exclamations mais également
de nombreux points-virgules et virgules qui rythment les différentes phrases.
De plus, certaines phrases s’apparentent à des vers
heptasyllabiques(« ô malheureux
que je suis ! »), des
hexasyllabes et
aussi à des
alexandrins.
Ce rythme et l’irrégularité des phrases soulignent une véritable agitation.
- Parmi les exclamations :
On retrouve la tournure anaphorique de l’interjection « Ô » accompagnant
l’apostrophe « malheureux » et « sainte église ».
On retrouve aussi une anaphore avec « Adieu ».
Enfin les expressions exclamatives soulignent l’étonnement et le refus.
- Les temps verbaux :
Le futur a ici une valeur dominante, c’est un futur catégorique
accentué par les négations exprimant soit le refus, soit le regret.
On retrouve le présent d’énonciation à valeur immédiate « je
retourne à ma cure » / « malheureux que je suis ».
Tout cela traduit une forte agitation personnelle et l’expression d’une
véritable souffrance conduisant au sacrifice du départ. Le texte
est donc fortement marqué par le registre lyrique.
II. Le désespoir de Bridaine
- Champ lexical de la place :
On a ici le champ lexical de la place très important (« la place
d’honneur »/« cette table »), il évoque ainsi
une situation hiérarchique bien mise en relief.
- Champ lexical de la nourriture et du vin :
Il est bien mis en valeur par « verre de Malaga » et « perdreaux ».
On remarque que ces termes sont souvent précédés d’une
négation soulignant la disparition de la meilleure nourriture ou son
caractère inaccessible.
Ces deux champs lexicaux sont liés car perdre une place stratégique
entraîne la perte des mets les plus succulents. Ainsi perte de toutes
ces habitudes attribuées dès lors à son rival Maître
Blazius. Cela se reflète bien sur le jeu des pronoms personnels « il » « lui »/ « je » « me » sans
oublier les expressions péjorative « âne bâté »…
Le désespoir de Bridaine est ridicule car il porte sur une préoccupation
futile : la nourriture.
On décèle cependant un contraste entre le personnage et son discours.
III. Les effets de distorsion
Décalage entre le registre lyrique et les propos de ses lamentations.
Différents registres de langue qui s’opposent (« O malheureux
/ âne bâté, ivrogne » ; « Dieu/os de poulet ») : on a donc d’un côté un langage familier évoquant
la réalité et de l’autre un registre soutenu et religieux.
On retrouve également beaucoup de termes hyperboliques et des personnalisations
(« vénérable fauteuil »…).
Le vocabulaire nous rappelle également la tragédie.
La comparaison finale avec César nous montre le ridicule du personnage
de Maître Bridaine.
On arrive ainsi à une situation burlesque et une véritable parodie
(Bridaine / bedaine).
Ce personnage peut être comparé a Brid’oison dans le Mariage de Figaro.
Conclusion
Cet extrait de
On ne Badine pas avec l’Amour montre un mélange
des registres (lyrique et burlesque). Le monologue garde sa fonction principale.
La scène porte seulement sur un thème futile : le repas. Bridaine
nous apparaît ici comme un personnage futile dont les préoccupations
ne se résument qu’à la nourriture. Cet aspect apporte une
valeur comique à ce monologue.