On ne Badine pas avec l'Amour

Alfred de Musset

Fin de l'Acte II, scène 5 : Le couple phare





Plan de la fiche sur la scène 5 de l'Acte II de On ne badine pas avec l'amour de Alfred de Musset :
Introduction
Texte de la scène
Annonce des axes
Eléments de commentaire littéraire
Conclusion


Introduction

     Cet extrait de On ne Badine pas avec l'Amour, de Alfred de Musset, clôt la longue scène finale de l’acte II durant laquelle Perdican et Camille argumentent sur l’engagement religieux et amoureux.

On ne badine pas avec l'amour



Texte de la scène

ACTE DEUXIEME

SCENE V

EXTRAIT (fin de la scène)



[...]

PERDICAN
Sais-tu ce que c'est que des nonnes, malheureuse fille ? Elles qui te représentent l'amour des hommes comme un mensonge, savent-elles qu'il y a pis encore, le mensonge de l'amour divin ? Savent-elles que c'est un crime qu'elles font, de venir chuchoter à une vierge des paroles de femme ? Ah ! comme elles t'ont fait la leçon ! Comme j'avais prévu tout cela quand tu t'ès arrêtée devant le portrait de notre vieille tante ! Tu voulais partir sans me serrer la main ; tu ne voulais revoir ni ce bois, ni cette pauvre petite fontaine qui nous regarde tout en larmes ; tu reniais les jours de ton enfance ; et le masque de plâtre que les nonnes t'ont plaqué sur les joues me refusait un baiser de frère ; mais ton coeur a battu ; il a oublié sa leçon, lui qui ne sait pas lire, et tu es revenue t'asseoir sur l'herbe où nous voilà. Eh bien ! Camille, ces femmes ont bien parlé ; elles t'ont mise dans le vrai chemin ; il pourra m'en coûter le bonheur de ma vie ; mais dis-leur cela de ma part : le ciel n'est pas pour elles.

CAMILLE
Ni pour moi, n'est-ce pas ?

PERDICAN
Adieu, Camille, retourne à ton couvent, et lorsqu'on te fera de ces récits hideux qui t'ont empoisonnée, réponds ce que je vais te dire : Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n'est qu'un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière ; et on se dit : “ J'ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui. ”
Il sort.


On ne Badine pas avec l’Amour - Alfred de Musset




Annonce des axes

La répartition de la parole
Première tirade : l’art de la persuasion
Seconde tirade : le plaidoyer de l’amour



Eléments de commentaire littéraire

La répartition de la parole :

On remarque que c’est Perdican qui monopolise la parole alors que plus haut dans la scène, c’était Camille. Ici, son intervention se résume à une simple question. Perdican lui dicte ici ce qu’elle devra dire aux religieuses, Camille se retrouve à nouveau à répéter la leçon. Ce déséquilibre donne une force considérable à l’argumentation de Perdican.
Sur le plan structurel, deux tirades ont des thèmes et des registres communs :
- Première tirade : dénonciation du mensonge de l’amour divin => réquisitoire violent.
- Seconde tirade : exaltation de l’authenticité de l’amour humain (« le masque de plâtre » = « être factice »).
Perdican cherche à faire entendre raison à Camille par la déclaration de son propre credo amoureux.
Les 2 tirades jouent donc de la polémique et du lyrisme.



Première tirade : l’art de la persuasion :

Perdican va ici essayer de persuader Camille de la mauvaise foi des nonnes, pour cela il use de la récurrence des questions oratoires dénonçant le discours des nonnes avec l’anaphore du verbe savoir « savent-elles/sais-tu » qui prend à partie Camille.
Les interpellations répétées à Camille « malheureuse fille » et « Eh bien Camille ».
De plus le chiasme dénonce l’imposture des religieuses (« l'amour des hommes comme un mensonge […] le mensonge de l'amour divin ? »).
Ici la réaction authentique a été plus forte que la froideur initiale. Le cœur est personnifié « il a oublié sa leçon… ».
Le décor est aussi important avec la personnification attendrie de la fontaine (rappel de l’enfance, nostalgie).
Le cœur s’oppose à toutes les phrases négatives : « tu voulais partir…/tu reniais les jours… » À « mais ton cœur a battu ». C’est un jeu d’antithèse qui permet à Perdican de détruire les valeurs auxquelles était attaché Camille.
On retrouve aussi l’emploi de superlatifs et d’hyperboles (« un crime », « le bonheur de ma vie »…).
C’est un réquisitoire virulent contre « le mensonge de l’amour divin ». Perdican veut ouvrir les yeux à sa cousine même avec brutalité.



Seconde tirade : le plaidoyer de l’amour :

Nous avons ici de très nombreuses figures de rhétoriques et de structures argumentatives.
L’exorde (début d’un discours pour capter l’attention) prend forme d’un adieu avec une ultime recommandation avec l’emploi de l’impératif. Perdican dicte alors les paroles que Camille pourra rétorquer comme antidote face aux « récits hideux » des nonnes (présence d’une métaphore), ce qui reflète l’emportement du personnage et de ses propos.
Puis nous observons un portrait caricatural des hommes, femmes et du monde avec une accumulation hyperbolique des défauts avec pour dominants la fausseté et la duplicité. Ici Perdican reprend le point de vue pessimiste de Camille, cependant l’adversatif « mais » va renverser l’image péjorative car il va montrer que l’union de ces deux êtres avec l’amour va sublimer leurs défauts.
Nous retrouvons alors des antithèses entre « sainte et sublime » et les accumulations précédentes.
Sur le plan de l’énonciation « je » va de Perdican à une généralisation (deux dernières phrases).
Les deux dernières phrases sont célèbres et sont celles des deux amants Sand et Musset, Perdican est en quelque sorte ici le porte-parole.
Enfin la péroraison (dernière partie d’un discours qui appel à la pitié) présente l’amour comme le seul acte capable de donner sens et vérité.
« J’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé »
Cette phrase au rythme ternaire traduit l’émotion de Perdican, des hommes et par extension de l’écrivain. C’est un « je » volontaire et conscient de la souffrance mais qui choisit d’agir.
L’Homme est fait pour aimer malgré la souffrance.





Conclusion

    Dans cet extrait de la scène 5 de l'acte II, nous avons un réquisitoire puis une plaidoirie qui se complètent. L’amour humain est sacralisé et permet de connaître sa véritable identité. A travers Perdican, Musset reflète ses propres sentiments.

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Merci à celui ou celle qui m'a envoyé cette analyse sur la scène 5 de l'Acte II de On ne badine pas avec l'amour de Alfred de Musset