, ont été publiées en 1721 anonymement. L’éditeur présente son livre comme un recueil de lettres fictives de Persans qui l’aurait recueilli chez lui. Cela permet d’éviter la censure. Les deux personnages principaux, Rica et Usbek, sont deux riches Persans qui ont quitté Ispahan pour rejoindre Paris. Leur séjour s’étend sur une dizaine d’années de 1711 à 1720. Ils écrivent beaucoup pour raconter ce qu’ils observent à leurs proches restés en Perse et aussi à leur ami Rhédi qui voyage en Europe. Ils observent les mœurs occidentales. Montesquieu va comparer deux mondes : l’orient et l’occident. Ce thème est très répandu au 18ème siècle. Ici il s’agit de la lettre 69, dernière lettre de l’œuvre, écrite par Roxane pour Usbek. Nous étudierons d’une part le roman sentimental puis les rapports entre Roxane et Usbek et pour finir la satire.
ROXANE A USBEK
A Paris.
Oui, je t'ai trompé ; j'ai séduit tes eunuques ; je me suis jouée de ta jalousie ; et j'ai su de ton affreux sérail faire un lieu de délices et de plaisirs.
Je vais mourir ; le poison va couler dans mes veines: car que ferais-je ici, puisque le seul homme qui me retenait à la vie n'est plus? Je meurs; mais mon ombre s'envole bien accompagnée: je viens d'envoyer devant moi ces gardiens sacrilèges, qui ont répandu le plus beau sang du monde.
Comment as-tu pensé que je fusse assez crédule, pour m'imaginer que je ne fusse dans le monde que pour adorer tes caprices? que, pendant que tu te permets tout, tu eusses le droit d'affliger tous mes désirs ? Non : j'ai pu vivre dans la servitude ; mais j'ai toujours été libre: j'ai réformé tes lois sur celles de la nature; et mon esprit s'est toujours tenu dans l'indépendance.
Tu devrais me rendre grâces encore du sacrifice que je t'ai fait ; de ce que je me suis abaissée jusqu'à te paraître fidèle ; de ce que j'ai lâchement gardé dans mon coeur ce que j'aurais dû faire paraître à toute la terre ; enfin de ce que j'ai profané la vertu en souffrant qu'on appelât de ce nom ma soumission à tes fantaisies.
Tu étais étonné de ne point trouver en moi les transports de l'amour: si tu m'avais bien connue, tu y aurais trouvé toute la violence de la haine.
Mais tu as eu longtemps l'avantage de croire qu'un coeur comme le mien t'était soumis. Nous étions tous deux heureux; tu me croyais trompée, et je te trompais.
Ce langage, sans doute, te paraît nouveau. Serait-il possible qu'après t'avoir accablé de douleurs, je te forçasse encore d'admirer mon courage ? Mais c'en est fait, le poison me consume, ma force m'abandonne ; la plume me tombe des mains ; je sens affaiblir jusqu'à ma haine ; je me meurs.
Du sérail d'Ispahan, le 8 de la lune de Rebiab 1, 1720.
1. La vengeance de Roxane
2. La mort
1. Usbek
2. Roxane
1. Satire des mœurs du sérail
2. Emancipation de la femme : idée nouvelle au 18ème siècle
Dans cette dernière lettre, Roxane s’est suicidée pour retrouver sa liberté. Elle est devenue ainsi la porte-parole de Montesquieu. Tout au long de l’œuvre, il a critiqué Paris et les femmes. Ici nous nous rendons compte que ce qui est passé pour une critique (parisienne) ne l’est pas. Il est pour la liberté des femmes.