Plan de la fiche sur
La Lettre persane 37 (XXXVII) de Montesquieu :
Introduction
Montesquieu (1689-1755) est philosophe, moraliste et écrivain français. Il doit sa célébrité à l'une de ses œuvres :
Les Lettres persanes publiées en 1721.
Les Lettres persanes est un roman épistolaire. Cette correspondance a été créée afin d'obliger le lecteur français à regarder d'un œil neuf son propre mode de vie, sa culture, ses institutions ses dirigeants. Nous allons aujourd'hui étudier l'une de ces lettres : la lettre 37. Cette lettre fut écrite en 1713 par Usbek à Ibben. Usbek parle du roi et de ses incohérences.
Texte de la lettre 37
USBEK A IBBEN
A Smyrne.
Le roi de France est vieux. Nous n'avons point d'exemple dans nos histoires d'un monarque qui ait si longtemps régné. On dit qu'il possède à un très haut degré le talent de se faire obéir : il gouverne avec le même génie sa famille, sa cour, son état. On lui a souvent entendu dire que, de tous les gouvernements du monde, celui des Turcs, ou celui de notre auguste sultan, lui plairait le mieux : tant il fait cas de la politique orientale.
J'ai étudié son caractère, et j'y ai trouvé des contradictions qu'il m'est impossible de résoudre: par exemple, il a un ministre qui n'a que dix-huit ans, et une maîtresse qui en a quatre-vingts ; il aime sa religion, et il ne peut souffrir ceux qui disent qu'il la faut observer à la rigueur ; quoiqu'il fuie le tumulte des villes, et qu'il se communique peu, il n'est occupé depuis le matin jusqu'au soir qu'à faire parler de lui ; il aime les trophées et les victoires, mais il craint autant de voir un bon général à la tête de ses troupes qu'il aurait sujet de le craindre à la tête d'une armée ennemie. Il n'est, je crois, jamais arrivé qu'à lui d'être en même temps comblé de plus de richesses qu'un prince n'en saurait espérer, et accablé d'une pauvreté qu'un particulier ne pourrait soutenir.
Il aime à gratifier ceux qui le servent ; mais il paie aussi libéralement les assiduités, ou plutôt l'oisiveté de ses courtisans, que les campagnes laborieuses de ses capitaines : souvent il préfère un homme qui le déshabille, ou qui lui donne la serviette lorsqu'il se met à table, à un autre qui lui prend des villes ou lui gagne des batailles : il ne croit pas que la grandeur souveraine doive être gênée dans la distribution des grâces ; et, sans examiner si celui qu'il comble de biens est homme de mérite, il croit que son choix va le rendre tel ; aussi lui a-t-on vu donner une petite pension à un homme qui avait fui des lieues, et un beau gouvernement à un autre qui en avait fui quatre.
Il est magnifique, surtout dans ses bâtiments : il y a plus de statues dans les jardins de son palais que de citoyens dans une grande ville. Sa garde est aussi forte que celle du prince devant qui tous les trônes se renversent ; ses armées sont aussi nombreuses, ses ressources aussi grandes, et ses finances aussi inépuisables.
A Paris, le 7 de la lune de Maharran, 1713.
Annonce des axes
I. Une correspondance fictive
1. Indices épistolaires
2. La fiction orientale
3. Le double destinataire
II. Le jeu des contradictions
1. Les différentes formes de contradiction
2. L'incohérence d'un comportement
III. Un portrait critique
1. Les vices du pouvoir
2. Un éloge ironique
Commentaire littéraire
I. Une correspondance fictive
1. Indices épistolaires
Mise en page (date, lieu, émetteur, récepteur)
Enonciation (je/vous)
Temps utilisés (temps du discours : présent, passé composé)
2. La fiction orientale
Invention d'un calendrier
Noms choisis à consonance perse "Smyrne" ; "Ibben" ; "Usbek"
Comparaison du régime français à leur "sultan" ; "politique orientale".
3. Le double destinataire
Le 1er est Ibben (le fictif)
Le 2ème est le lecteur français du 18ème siècle, car le vrai auteur n'est pas
Usbek mais Montesquieu qui vise à faire voir d'un autre œil la société française.
II. Le jeu des contradictions
1. Les différentes formes de contradiction
Il y a les contraires formulées par des
antithèses. Les termes sont opposés.
CITER
Il y a les contraires formulées par de simples phrases. Les idées sont opposées à la
logique populaire.
2. L'incohérence d'un comportement
La 1ère phrase est : "le roi de France est vieux", or, le contenu ne parle
pas de la vieillesse du roi. Pour autant, il existe un lien entre ces deux éléments : en effet, l'incohérence des actions du roi est liée à sa vieillesse.
III. Un portrait critique
1. Les vices du pouvoir
Les incohérences du roi sont graves car il a beaucoup de pouvoir, mais il n'est
visiblement pas capable d'avoir autant de responsabilité. Il mélange tous les domaines
(état, cour, famille). Il gouverne donc selon ses caprices, son bon vouloir.
2. Un éloge ironique
C'est un éloge :
Termes mélioratifs "magnifique", "génie", "inépuisables".
Hyperboles suspectes "inépuisables"
Il est ironique.
Antiphrase employée.
Louis XIV dépense beaucoup ce qui entraîne la ruine comme à Versailles :
"il y a plus de statues dans les jardins de son palais que de citoyens dans une grande ville." : Usbek paraît impressionné lors
qu'en fait cela signifie que Louis XIV ne gouverne plus que ses statues.
"Sa famille, sa cour, son état". Cette juxtaposition montre non pas que c'est
un talent de savoir gouverner tous ces domaines de la même façon, mais en fait
que le roi mélange tous les domaines.
Conclusion
On voit donc l'habileté de Montesquieu qui joue de sa fiction de correspondance
pour faire dire innocemment à un Persan que le comportement du roi de France
est aberrant et aborder par là une réflexion sur l'exercice de son pouvoir. On
peut donc se demander quel est l'intérêt pour l'auteur de publier ce roman un
fois que le roi Louis XIV est mort ?