Les Lettres persanes

Montesquieu

Lettre 74





Plan de la fiche sur La Lettre persane 74 (LXXIV) de Montesquieu :
Introduction
Texte de la lettre 74
Eléments de commentaire littéraire
Conclusion


Introduction

- Les Lettres persanes, de Montesquieu : parution en 1721, sans nom d'auteur et imprimé en Hollande.
    => Synthèse sur Les Lettres persanes

- Il s'agit d'un roman épistolaire.
- Deux personnages : Usbeck et Rica, deux perses qui voyagent en France et commentent la société française.


Texte de la lettre 74

RICA A USBEK
A ***.


    Il y a quelques jours qu'un homme de ma connaissance me dit : Je vous ai promis de vous produire dans les bonnes maisons de Paris ; je vous mène à présent chez un grand seigneur qui est un des hommes du royaume qui représentent le mieux.
    Que cela veut-il dire, monsieur ? est-ce qu'il est plus poli, plus affable qu'un autre ? Ce n'est pas cela, me dit-il. Ah ! J'entends ; il fait sentir à tous les instants la supériorité qu'il a sur tous ceux qui l'approchent ; si cela est, je n'ai faire d'y aller ; je prends déjà condamnation, et je la lui passe tout entière.
    Il fallut pourtant marcher ; et je vis un petit homme si fier, il prit une prise de tabac avec tant de hauteur, il se moucha si impitoyablement, il cracha avec tant de flegme, il caressa ses chiens d'une manière si offensante pour les hommes, que je ne pouvais me laisser de l'admirer. Ah ! bon Dieu ! dis-je en moi-même, si lorsque j'étais à la course de la Perse, je représentais ainsi, je représentais un grand sot ! Il aurait fallu, Usbek, que nous eussions eu un bien mauvais naturel pour aller faire cent petites insultes à des gens qui venaient tous les jours chez nous nous témoigner leur bienveillance ; ils savaient bien que nous étions au-dessus d'eux ; et s'ils l'avaient ignoré, nos bienfaits le leur auraient appris chaque jour. N'ayant rien à faire pour nous faire respecter, nous faisions tout pour nous rendre aimables : nous nous communiquions aux plus petits ; au milieu des grandeurs, qui endurcissent toujours, ils nous trouvaient sensibles ; ils ne voyaient que notre coeur au-dessus d'eux ; nous descendions jusqu'à leurs besoins. Mais lorsqu'il fallait soutenir la majesté du prince dans les cérémonies publiques ; lorsqu'il fallait faire respecter la nation aux étrangers ; lorsque enfin, dans les occasions périlleuses, il fallait animer les soldats, nous remontions cent fois plus haut que nous n'étions descendus ; nous ramenions la fierté sur notre visage ; et l'on trouvait quelquefois que nous représentions assez bien.

De Paris, le 10 de la lune de Saphar, 1715.  



Eléments de commentaire littéraire

I. La structure

- Temps des verbes : passé simple
- Pronoms : je (implication personnelle), il (=" homme de la connaissance ")
- Monologue intérieur : " nous "(=les grands seigneurs de Perse)
temps des verbes : imparfait et conditionnel passé (" il aurait fallu ") ce qui appuie sur le rejet de l'hypothèse de cette conduite à sa cour. Il condamne l'attitude du grand seigneur décrit (" si je représentais ") + verbe au conditionnel passé qui a pour but d'éloigner cette hypothèse.
- " nous " + imparfait est utilisé pour décrire l'attitude des grands seigneurs en Perse (" avec fierté "), pour appuyer sur l'opposition.
- Grand seigneur doit être un modèle de fierté, mais Usbeck le juge comme " un grand sot ".
- Les trois structures principales du texte sont construites avec le verbe " représenter "

Montesquieu utilise bien le regard étranger et propose une autre cour qui sert de contre modèle.


II. Le réseau lexical dominant

Il s'agit du champ lexical de la supériorité
- " grand seigneur " connote la supériorité sociale alors que " qui représente au mieux " connote la supériorité morale puisque il apparaît comme un modèle.
- " grand sot " marque la supériorité dans la bêtise
- " petites insultes " s'y oppose et marque bien l'opposition entre le grand seigneur français et ceux de la cour de Perse.
- " au milieu des grandeurs " insiste sur le fait que les grands seigneurs ont certains privilèges dus à leur ordre social.
- mais Usbeck oppose cette supériorité à celle du cœur qui caractérise les grands seigneurs de Perse.

Est-ce que la supériorité sociale doit apporter de l'arrogance ?
La vraie supériorité ne doit-elle pas être plus subtile ?


III. Le jeu des oppositions

Pour cette partie, il faut faire une étude linéaire.

- Côté vivant et bref dû au dialogue dans le premier paragraphe.
- Raconte uniquement l'essentiel
- Usbeck utilise un vocabulaire péjoratif pour parler de la personne qu'il connaît.
- Opposition des comportements : les grands seigneurs français savent montrer qu'ils sont supérieurs.
- Ils sont irrespectueux.
- Renvoi constant à la grandeur morale et non à celle de l'argent.





Conclusion

      En jouant de la structure et oppositions, Montesquieu condamne l'arrogance des grands seigneurs qui oublient que leur devoir est de savoir descendre au niveau des plus petits et que leur fierté ne se manifeste pas qu'avec des conditions officielles.

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Merci à Stéphanie pour cette analyse de La Lettre persane 74 de Montesquieu