Lorenzaccio

Alfred de Musset - 1834

Acte IV, scène 3, monologue de Lorenzo

De "LORENZO — Seul. De quel tigre..." à "...tomber en cendres sur ma proie. (il sort.)"





Plan de la fiche sur la scène 3 de l'acte IV de Lorenzaccio de Alfred de Musset :
Introduction
Texte de l'extrait
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion


Introduction

     Cette scène de l'Acte IV de Lorenzaccio de Alfred de Musset est encore liée à la vengeance. Le spectre dont il parle peut renvoyer de manière indirecte à Hamlet ou à l'apparition de Lorenzo à sa mère.
     Il y a ici beaucoup de questions posées. Lorenzo organise l'assassinat d'Alexandre : il lui fait croire que Catherine est dans sa chambre et qu'elle l'attend.

Musset
Alfred de Musset



Texte de l'extrait

ACTE IV, SCENE 3
Extrait

LORENZO
Seul. De quel tigre a rêvé ma mère enceinte de moi ? Quand je pense que j’ai aimé les fleurs, les prairies et les sonnets de Pétrarque, le spectre de ma jeunesse se lève devant moi en frissonnant. ô Dieu ! pourquoi ce seul mot, « à ce soir », fait-il pénétrer jusque dans mes os cette joie brûlante comme un fer rouge ? De quelles entrailles fauves, de quels velus embrassements suis-je donc sorti ? Que m’avait fait cet homme ? Quand je pose ma main là, et que je réfléchis, - qui donc m’entendra dire demain : je l’ai tué, sans me répondre : Pourquoi l’as-tu tué ? Cela est étrange. Il a fait du mal aux autres, mais il m’a fait du bien, du moins à sa manière. si j’étais resté tranquille au fond de mes solitudes de Cafaggiuolo, il ne serait pas venu m’y chercher, et moi, je suis venu le chercher à Florence. Pourquoi cela ? Le spectre de mon père me conduisait-il, comme Oreste, vers un nouvel Egisthe ? M’avait-il offensé alors ? Cela est étrange, et cependant pour cette action, j’ai tout quitté ; la seule pensée de ce meurtre a fait tomber en poussière les rêves de ma vie ; je n’ai plus été qu’une ruine, dès que ce meurtre, comme un corbeau sinistre, s’est posé sur ma route et m’a appelé à lui. Que veut dire cela ? Tout à l’heure, en passant sur la place, j’ai entendu deux hommes parler d’une comète. Sont-ce bien les battements d’un cœur humain que je sens là, sous les os de ma poitrine ? Ah ! pourquoi cette idée me vient-elle si souvent depuis quelque temps ? suis-je le bras de Dieu ? Y a-t-il une nuée au-dessus de ma tête ? Quand j’entrerai dans cette chambre, et que je voudrai tirer mon épée du fourreau, j’ai peur de tirer l’épée flamboyante de l’archange, et de tomber en cendres sur ma proie. (il sort.)

Extrait de l'acte IV, scène 3 de Lorenzaccio - Alfred de Musset



Petites précisions :

Pétrarque : grand poète de la Renaissance italienne, grande influence sur les poètes de la Pléiade. Il a imposé le sonnet en France.

Oreste et Egiste : Oreste est le fils d'Agamemnon et de Clytemnestre, il dirigeait l'armée grecque. Exilé par Clytemnestre qui a tué son père et pris un amant : Egiste, il revient et, poussé par sa sœur, tue sa mère et l'amant.



Annonce des axes

I. Les interrogations sur son acte
II. Les interrogations sur sa personne



Commentaire littéraire

I. Les interrogations sur son acte

Un acte contre sa nature : le meurtre paraît incompatible avec sa nature profonde : les images du passé le montre « j'ai aimé ».
L’observation de la nature paisible « les fleurs », « les prairies » -> goût pour la solitude et l'isolement. Il également est amateur de poésie : « les sonnets de Pétrarque ».
-> Sa nature d'origine paraît incompatible avec le criminel qu'il devient.

Remise en cause de ses motivations : il n'en a pas de véritables pour tuer Alexandre : « Que m'avait fait cet homme ? », « m'avait-il offensé alors ? » -> Retour d'humanité envers Alexandre : « il a fait du mal aux autres mais il m'a fait du bien, du moins à sa manière ».

Lorenzo bénéficie d'un traitement particulier « Si j'étais resté tranquille » : c'est lui-même qui est allé le chercher.

Lorenzo est comme poussé par des forces qu'il ne contrôle pas.

Un acte qui le dépasse : beaucoup de phrases interrogatives : « Pourquoi » répété 4 fois, « que veut dire cela ? » -> Doute, hésitation.
« cette joie brûlante comme un fer rouge » Oxymore (« joie brûlante ») qui montre que le plaisir contraste avec la douleur de tuer -> masochisme caché.
« le spectre de mon père me conduisait-il ? », « j'ai tout quitté » -> Folie ?
Le meurtre d'Alexandre est associé à la propre destruction de Lorenzo : métaphore filée : « la seule pensée de ce meurtre a fait tomber en poussière les rêves de ma vie », « ruine », « corbeau sinistre » (annonce la mort des deux.)

Les interrogations de Lorenzo sur l'assassinat se doublent d'interrogations sur sa personne.


II. Les interrogations sur sa personne

Son hérédité : il se présente comme issu d'une hérédité féroce et mystérieuse : « de quel tigre... ? », « de quelles entrailles fauves, de quels velus embrassements...? »
-> images de la sexualité et de la brutalité troublantes.
La seule fois où son père est évoqué, c’est sous la forme d’un spectre.

Interrogation sur sa nature humaine « sont-ce bien les battements d'un cœur humain ? »

Illusions sur sa personne : il pense être un être d'exception, il y a une exaltation du moi : « suis-je le bras de dieu ? »
Allusion a l'archange Gabriel « épée flamboyante ».
Allusions aux mythes antiques dont il se sert pour s'expliquer lui-même.





Conclusion

    Cette scène de Lorenzaccio est très révélatrice du fait que l'acte de Lorenzo est poussé par des forces inconnues et son orgueil, malgré que le duc ne lui ait rien fait et qu'il le porte dans son estime.

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Merci à celui ou celle qui m'a envoyé cette analyse de la scène 3 de l'acte IV de Lorenzaccio de Musset