Plan de la synthèse de
Lorenzaccio de Alfred de Musset :
C'est un drame en cinq actes d’
Alfred de Musset, publié en 1834 dans le second volume de
Un spectacle dans un fauteuil regroupant les œuvres théâtrales en prose composées entre 1830 et 1834.
Alfred de Musset
La première représentation de Lorenzaccio, en 1896, au théâtre de la Renaissance, à Paris, est due à l’initiative de Sarah Bernhardt.
L’actrice s’attribue le rôle de Lorenzo et la mise en scène sacrifie une bonne part du texte. La pièce entre au répertoire de la Comédie-Française en 1917.
La célèbre mise en scène de Jean Vilar, en 1952, au festival d’Avignon, avec Gérard Philipe — l’une des toutes premières fois où le rôle principal est assumé par un homme —, ne rompt pas avec l’habitude de remanier la pièce afin de l’adapter à la scène.
I. Un drame à deux dimensions
L’action se déroule à Florence en janvier 1537. Lorenzo de Médicis, jeune débauché cynique, pourvoit aux plaisirs de son cousin, le tyran de Florence, le duc Alexandre de Médicis. Peu à peu derrière le masque de l’homme corrompu apparaît un autre Lorenzo, bien différent du méprisé Lorenzaccio, puisqu’il aspire à assassiner le duc et ainsi à offrir aux Florentins la possibilité de reconquérir leur liberté. Le drame politique se double d’un drame psychologique ; dans une longue confession (acte III, scène 3) Lorenzo avoue son impossibilité à renouer avec l’enfant idéaliste qu’il a été ; habité par l’idée du meurtre d’Alexandre, qui seul lui donne une consistance, il ne pourra lui survivre. Le dernier acte, après la mort du duc, confirme la vision pessimiste de Lorenzo : Florence se donne un nouveau maître, Cosme de Médicis, et condamne à mort celui qui aurait dû être son libérateur.
II. Un aboutissement
Inspiré à Musset par une scène historique de George Sand (Une conspiration en 1537), Lorenzaccio, chef-d’œuvre du théâtre de Musset, est aussi un aboutissement. S’y concentrent en effet les tourments d’une âme fêlée — dont les Caprices de Marianne (1833) avait déjà donné une traduction théâtrale — et la réflexion amère d’un jeune homme déçu par la politique, l’année même où le poème Rolla (1833) s’ouvrait magistralement sur la fin des mythes et de l’histoire ; enfin, la conception de Lorenzaccio est concomitante d’une réflexion sur le drame moderne qui s’esquisse dans la Coupe et les Lèvres (1832) et s’approfondit en 1833 avec Un mot sur l’art moderne.
III. Une écriture théâtrale volontairement en rupture
La dramaturgie complexe de Lorenzaccio est à considérer comme inhérente au propos de l’auteur. Ainsi, la dislocation du temps, la complexité de l’intrigue — le tyrannicide, l’adultère de la marquise Cibo et les velléités conspiratrices de Philippe Strozzi —, les changements de décor à chaque scène traduisent la nécessité de donner une vision plurielle des discours qui traversent le drame. Si le théâtre classique dans son unité de langage et de construction reflétait un ordre social, le drame romantique tel qu’il est ici conçu, en faisant table rase des canons du classicisme, ne peut que renvoyer à une société éclatée.
IV. La mélancolie critique
La dimension psychologique du drame est étroitement liée à sa dimension politique. La Florence de 1537 compte sans doute moins, ici, que la France de la monarchie de Juillet : le déchirement de Lorenzaccio, déjà perceptible dans le suffixe ignominieux du nom, reflète les contradictions sociales qui mettent en cause l’individu en tant que sujet de l’histoire. Que le meurtre de Lorenzo soit sans perspective ne tient pas seulement à une mélancolie romantique qui éloignerait un Lorenzo à jamais orphelin de son enfance, mais aussi à l’impossibilité de donner nom au futur. Lorenzaccio est en effet une formidable critique des idéologies qui cimentent une société par le mensonge.