C'est à Rome, vers la fin de 1803, après la
mort de Mme de Beaumont, que Chateaubriand conçut pour la première
fois l'idée d'écrire les mémoires de sa vie. C'est un
récit autobiographique et historique, dont Chateaubriand voulait faire
un témoignage posthume, commencé en 1803, rédigé principalement
de 1811 à 1822, et achevé de 1830 à 1841. Dans cette œuvre,
il retrace les épisodes principaux de son existence aventureuse, des
landes bretonnes aux forêts du nouveau monde, de l'armée des princes
en Allemagne à l'exil en Angleterre. Les Mémoires tiennent aussi
un peu du récit autobiographique tel que l'avait pratiqué Jean-Jacques
Rousseau. Chateaubriand livre les secrets de son inexplicable cœur, se
présentant comme le véritable René, révélant
l'origine des sentiments qu'il avait prêtés aux êtres imaginaires
de sa création et expliquant comment peu à peu ces personnages
furent tirés de ses songes. Chateaubriand transforme les Mémoires
en un discours funèbre appelé à enregistrer de façon
privilégiée les changements survenus dans l'histoire : disparition
des hommes et des paysages, des croyances, des mœurs et des institutions.
Complaisamment, Chateaubriand visite les cimetières, compte les morts
et raconte les agonies, élevant ainsi le temple de la mort à la
clarté de ses souvenirs, comme il se l'était promis. Il s'agit
aussi d'un poème lyrique dont les sources d'inspiration sont nombreuses
: la nature, la mer en particulier, l'amour, la jeunesse. Un double thème
domine, la poésie du souvenir et de la mort. L'immortalité promise
par la foi chrétienne ne lui suffit pas : il veut être immortel
par sa gloire, dans la mémoire des hommes. C'est également un
poème épique car si Chateaubriand n'aime pas Napoléon,
il l'admire car il a le sens de la grandeur. Retomber de Bonaparte et de l'empire à ce
qui a suivi, c'est tomber de la réalité dans le néant.
Il s'annonce très clairvoyant lorsqu'il annonce l'avènement de
la démocratie.
François-René de Chateaubriand, peint par Girodet-Trioson, au début du XIXe siècle.