Stella

Victor Hugo

Les Châtiments - Livre sixième - La stabilité est assurée - XV





Plan de la fiche sur Stella de Victor Hugo :
Introduction
Texte étudié
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion




Introduction

    L’étoile est personnifiée et symbolise le changement puisque c’est l’étoile du matin qui est présentée au vers 3 du poème Stella, écrit par Victor Hugo. Tous les symboles de toutes les religions et des mythologies reviennent. Il faut mettre ce poème en relation avec le premier poème du livre VII de Les Châtiments (« sonnez, sonnez toujours, clairons de la pensée »). Tous les deux mettent en scène un monde nouveau qui condamne un ancien ordre. Cet ordre là n’est pas laissé au hasard.
    Stella annonce « Lux », la lumière, que l’on retrouve dans le dernier mot du poème. C’est une marche vers la lumière, symboliquement, et architecturalement. Ce qui change entre les deux poèmes, est le décor mis en place pour la naissance de l’étoile.
    La poésie de la nature est plutôt rare dans Les Châtiments. Miracle qui est la fusion au service de la cause pour laquelle Hugo est là et de la nature. Mention de « je » qui renvoie au poète. L’étoile est présentée comme le témoin qui va assister à un spectacle. On ne sait pas très bien à qui « je » appartient, il est coupé du contexte. Ce « je » concerne n’importe qui, et c’est plus particulièrement celui qui écrit. Il n’y a aucun indice temporel pouvant se raccrocher à un événement historique. N’importe quel lieu et moment. Il y a une indétermination, il n’y a donc pas de contexte. On ne peux pas confondre ce « je » avec le « je » qui arrive au vers 27. C’est le locuteur, c’est Stella. La dernière partie est une énonciation rapportée sous forme de discours direct où l’étoile est le locuteur direct. Il y a aussi un passage descriptif où l’on note « elle » qui renvoie à Stella. Le cadre est une lumière, une clarté. Très significativement, le poète prend du recul et le « je » cède sa place à « on ». Le témoin se désengage par rapport à la description elle-même et le paysage prend une valeur de généralité. N’importe qui peut voir cette action. Cela a une valeur itérative, habituelle. La description touche à une éternité, une valeur absolue. La symbolique de l’étoile est une symbolique évangélique. L’étoile des bergers est là pour guider le peuple. L’étoile est biblique. Elle annonce une ère nouvelle.
    Stella => étoile. Transposition du mot français en latin. La sonorité y est plus riche en latin qu’en français. Ce poème repose sur une esthétique symbolique puisqu’elle annonce un changement. La note d’espoir est mise en exergue.

Victor Hugo
Victor Hugo



Texte étudié


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Lu par Romy Riaud - source : litteratureaudio.com


XV - Stella

Je m'étais endormi la nuit près de la grève.
Un vent frais m'éveilla, je sortis de mon rêve,
J'ouvris les yeux, je vis l'étoile du matin.
Elle resplendissait au fond du ciel lointain
Dans sa blancheur molle, infinie et charmante.
Aquilon s'enfuyait emportant la tourmente.
L'astre éclatant changeait la nuée en duvet.
C'était une clarté qui pensait, qui vivait
Elle apaisait l'écueil où la vague déferle
On croyait voir une âme à travers une perle.
Il faisait nuit encor, l'ombre régnait en vain,
Le ciel s'illuminait d'un sourire divin.
La lueur argentait le haut du mât qui penche ;
Le navire était noir, mais la voile était blanche
Des goëlands debout sur un escarpement,
Attentifs, contemplaient l'étoile gravement
Comme un oiseau céleste et fait d'une étincelle
L'océan, qui ressemble au peuple, allait vers elle,

Et rugissant tout bas, la regardait briller,
Et semblait avoir peur de la faire envoler.
Un ineffable amour emplissait l'étendue.
L'herbe verte à mes pieds frissonnait éperdue,
Les oiseaux se parlaient dans les nids ; une fleur
Qui s'éveillait me dit -. c'est l'étoile ma soeur.
Et pendant qu'à longs plis l'ombre levait son voile,
J'entendis une voix qui venait de l'étoile
Et qui disait : - Je suis l'astre qui vient d'abord.
Je suis celle qu'on croit dans la tombe et qui sort.
J'ai lui sur le Sina, j'ai lui sur le Taygète ;
Je suis le caillou d'or et de feu que Dieu jette,
Comme avec une fronde, au front noir de la nuit.
Je suis ce qui renaît quand un monde est détruit.
Ô nations ! je suis la poésie ardente.
J'ai brillé sur Moïse et j'ai brillé sur Dante.
Le lion océan est amoureux de moi.
J'arrive. Levez-vous, vertu, courage, foi !
Penseurs, esprits, montez sur la tour, sentinelles !
Paupières, ouvrez-vous, allumez-vous, prunelles,
Terre, émeus le sillon, vie, éveille le bruit,
Debout, vous qui dormez ! - car celui qui me suit,
Car celui qui m'envoie en avant la première,
C'est l'ange Liberté, c'est le géant Lumière !

31 août. Jersey.

Victor Hugo
Les Châtiments - Livre sixième



Annonce des axes

I. La structure du poème
II. La force de l’évocation liée au poète
III. La prosopopée de l’étoile



Commentaire littéraire

I. La structure du poème

Le poème Stella est un diptyque (deux volets). Le premier est consacré à la nature (1 à 24), le second est consacré à une prosopopée de l’étoile (entité symbolique qui prend la parole). Cette prise de parole est introduite par une description de la nature. L’étoile est présentée par les éléments mêmes de la nature. Les deux parties se développent de manière progressive. Cette progression mime la levée du jour.
Progression qui tient à la présence des imparfaits. L’imparfait a une valeur imperfective et la passé simple a une valeur perfective. Progression appuyée sur une description subjective : présence d’un témoin (le poète). D’abord, on voit l’étoile de loin (« au fond », « lointain », « molle ») => lumière indéfinie. Puis le paysage va se préciser car le vent chasse les nuages. Progression portée par des verbes de mouvements => vers 10 : description indéterminée (« croyait voir »). La lumière a du mal à passer sous l’obscurité. Lutte entre l’ombre et la lumière. Cette lutte se voit au vers 14 (le navire était noir... blanche »). On ne sait pas qui va sortir vainqueur de ce combat. Tout ce qui est lumineux est en hauteur et le sombres est en bas : indice sur le vainqueur. L’idée que l’étoile elle-même va en perler (« j’arrive ») => valeur imperfective (on ne sait pas quand ça commence ni quand ça se termine). L’étoile commente sa progression. La passé composé dégage une idée d’éternité (« j’ai lui... »)
On a l’impression que tous les éléments de la nature convergent vers l’étoile (vers 18 : L’ensemble de la nature est attentif comme si l’ensemble de la nature était pris d’une pensée). Il y a 3 ordres : cosmique, humain et animal. L’ensemble de la nature est sous l’emprise de la pensée. Tout se passe comme si l’étoile avait donné son pouvoir de penser : la pensée est Lumière.


II. La force de l’évocation liée au poète

L’évocation signifie faire vivre par la voix. Le paysage ne prend vie qu’à partir de la parole de Victor Hugo et la nature dorment la nuit, et se réveillent le jour. Le témoin vit en parallèle avec la nature. Le poète est à l’origine de la vision et il se présente comme un médiateur et prophète. Au bout de 3 vers, le témoin se fait oublier au profit de sa vision. Volonté délibérée de dépersonnification. Mise au service de la généralisation. L’étoile se présente comme le signe d’une métamorphose d’un monde qui est train de naître et qui évoque la genèse et qui est empreinte de la marque du divin qui aide cette conception du monde. Cette présence divine semble répandre les bienfaits sur terre (Aquilon qui emporte la tourmente => l’Océan qui ressemble au peuple). Dimension sainte, sacrée et de paix qui semble habiter la nature (« âme... parle»).L’étoile va apporter l’harmonie, qu’elle va chasser la guerre, quelle va permettre au monde de retrouver son harmonie initiale. Principe d’amour. Il n’est pas étonnant que l’amour prenne la parole.


III. La prosopopée de l’étoile

L’étoile a un message à adresser aux hommes. Ce message n’est pas purement spirituel mais il concerne l’ensemble du monde dans ce qu’il y a de plus matériel. La voix qui prend la parole avec « je » commence par se présenter (« je suis l’astre ») est présentée sous le signe de l’éternité. Ce qui confère cette valeur est « l’astre » ce qui montre qu’il y en a qu’un seul. Le pouvoir surnaturel de cet astre est démontré. Elle a une dimension trans-historique car elle traverse les siècles en étant à la fois au même endroit. L’étoile émane de Dieu même. A partir de là se développe champ lexical de la lumière (« briller », «  feu »...). Opposition de « clair-obscur » (noir, blanc) Signification symbolique qui est celle de la renaissance (« je renais »). Importance de injonctions (impératifs (levez-vous, montez...), phrases nominales (debout). Importance des destinataires choisis, privilégiés (à la fois la Terre, la Vie, et Penseur : adéquation à trois termes). La pensée n’est pas dissociée du corps, elle est incarnée. Le penseur se mesure au monde et peut se lancer dans une action politique.
« L’astre » est comme le Poésie (« ardente » autorise le passage entre astre et poésie). Sa voix se confond avec celle du poète pour annoncer la bonne nouvelle. L’étoile délivre le sens symbolique de son message, de sa mission : parole prophétique.





Conclusion

    Au début, Hugo sort de son rêve et découvre l’étoile. Le rêve est un cauchemar représenté par l’Ancien monde et le poète s’éveille à un monde nouveau sorti des ténèbres pour marcher vers la lumière. Ce réveil mime le mouvement du recueil entier : le cheminement vers la lumière.

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Merci à celui ou celle qui a réalisé cette analyse de Stella de Victor Hugo