Aube

Arthur Rimbaud - Illuminations

Analyse linéaire






Introduction

    Arthur Rimbaud a écrit tous ses poèmes entre 16 et 21 ans. Pour lui, la poésie est un moyen d’exprimer sa révolte. Rimbaud considérait que le vrai poète est un voyant. La création poétique a été une véritable aventure. Après les poèmes en vers, il compose les Illuminations (mot anglais qui signifie enluminure mais conserve le sens du mot français : axé sur une autre réalité), qui est un recueil de poèmes en prose.
    Au niveau chronologique, « l'Aube » représente le début, le commencement, le moment de la journée donc le sens temporel et dans un sens plus large le début de la vie. « Aube » vient du mot latin « Alba » qui signifie blanche, et qui rappelle l'innocence, la pureté et l'enfance.


Texte du poème Aube


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Lu par René Depasse - source : litteratureaudio.com

Aube

1.     J'ai embrassé l'aube d'été.
2.     Rien ne bougeait encore au front des palais. L'eau était morte. Les
3.     camps d'ombre ne quittaient pas la route du bois. J'ai marché, réveillant
4.     les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes se
5.     levèrent sans bruit.
6.     La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et
7.     blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom.
8.     Je ris au wasserfall qui s'échevela à travers les sapins : à la cime
9.     argentée je reconnus la déesse.
10.    Alors je levai un à un les voiles. Dans l'allée, en agitant les bras. Par la
11.    plaine, où je l'ai dénoncée au coq. A la grand'ville elle fuyait parmi les
12.    clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de
13.    marbre, je la chassais.
14.    En haut de la route, près d'un bois de lauriers, je l'ai entourée avec
15.    ses voiles amassés, et j'ai senti un peu son immense corps. L'aube et
16.    l'enfant tombèrent au bas du bois.
17.    Au réveil il était midi.

       Arthur Rimbaud


Annonce de l'étude linéaire

I - Le silence, pas de mouvement (vers 1 à 3).
II - L’éveil du jour et des animaux par l’auteur (vers 3 à 9).
III - La course après le jour (vers 10 à 13).
IV - L’auteur attrape le jour … puis se réveille (vers 14 à 17).


Etude linéaire

I - Le silence, pas de mouvement (vers 1 à 3)

- 1ère phrase = conclusion du rêve. 1er sens d’embrasser = prendre dans ses bras. C’est une sorte de cri de victoire après l’exploit du poète.
- Le récit commence à la vers 2. La vision du poète s’ouvre à une vie somptueuse : « palais », « pierreries », mais « morte ».
- On sent un calme et un silence omniprésents dans le poème :
       • sons : beaucoup de « é », de « ié » -> sons qui se répondent, en écho
       • rythme calme
       • pas de mouvement (« rien ne bougeait », vers 2).


II - L’éveil du jour et des animaux par l’auteur (vers 3 à 9)

- L’auteur est acteur -> c’est lui qui va éveiller (vers 3) les choses et qui fait partir la nuit.
- « Haleines vives et tièdes » = animaux / « pierreries » = rosée ou yeux des animaux / « ailes » = oiseaux ou ailes de la Nuit qui s’en va -> métonymies : ailes, haleines.
- « Frais et blêmes éclats » = lumière qui se lève et qui se voit à travers les arbres (« frais » car il fait froid à l’aube). C’est un oxymore : « blêmes éclats ».
-> Tout dans la nature correspond -> seul le poète comprend ces synesthésies.
- Le poète comprend ainsi par exemple le ‘langage des fleurs’ : « une fleur qui me dit son nom ». Il parle aussi avec les animaux (« coq » à qui il dit que l’aube arrive = contraire).
- Cascade = chevelure de la déesse (personnification avec « s’échevela » qui se dit pour quelqu’un) / « cime argentée » = lumière qu’elle amène avec elle.


III - La course après le jour (vers 10 à 13)

- C’est le début de la poursuite après l’aube.
- Saisir la déesse = créer le jour (c’est son rêve).
- « Voiles » = chaque minute que le jour gagne sur la nuit. Il lève ces voiles de la nuit.
- Bribes de phrases, sans verbes principaux -> morceaux marquants du rêve.
- Gibier / chasseur -> « elle fuyait » (le poète est près de réaliser son rêve).
- Décors qui se mélangent : « allée », « plaine », « ville ».
- Aube : « clochers », « dômes », différent de lui : « quais ».
- Ville imaginaire -> « quais de marbre » + « clochers » + « dômes » = Venise très certainement.
- « Mendiant » -> il a une quête, il essaie de trouver sa fortune.
- « Chassais » = course ininterrompue.


IV - L’auteur attrape le jour … puis se réveille (vers 14 à 17)

- « Bois de lauriers » (vers 15) -> Apollon (dieu des arts -dont la poésie-, de la lumière, de la divination, de la médecine ; ˜ connaissance) avait une couronne de lauriers.
- Dans le bois de lauriers, il réussit son rêve / « immense corps » -> absolu, vérité, connaissance.
- Envie de connaissance, de tout savoir. Fin du poème : consécration / chute.
- Etre le créateur (du jour), tout savoir -> impossible, même pour le poète.
- Lorsqu’il la rattrape, c’est le jour -> sa ‘mission’ est terminée, c’est pour cela que le poète « tombe ».
- L’auteur s’est endormi dans un bois et a fait un rêve. Lors de son réveil, il est midi : le jour est donc à son paroxysme et la chaleur est très forte -> raison de son réveil ?
- Poème complexe : « enfant » (vers 16) -> il le décrit à la 3ème personne alors que tout le reste du poème est à la 1ère personne « je » -> c’est une double personnalisation de Rimbaud.
- 2 mètres fixes : 1ère et dernière phrases du poème (octosyllabes).

      Cf. « Alchimie du verbe » (-> hallucinations avec les mots).


Plan de commentaire pour Aube :

I - Le rêve
        démarche réelle
        contenu

II - L’interprétation du rêve selon la poésie
        quête de la connaissance
        envie de créer
        symboles (poème en prose).


Conclusion

    Rimbaud, dans le poème Aube, reprend le désir de Baudelaire d'étendre les pouvoirs de la poésie à l'exploration de l'inconnu et rêve comme lui d'une langue poétique nouvelle. Rimbaud bouleverse le genre de la poésie en se faisant voyant et en libérant le langage de la contrainte du sens précis. Le mot « Aube » tiré des Illuminations évoque sous la forme d'un rêve cette quête de l'absolu, au cours de laquelle le poète croit savoir se rendre maître du monde grâce à une poursuite systématique et acharnée qui se solde par une désillusion. Cette aube d'été que le poète veut posséder avec un peu trop de violence, figure la poésie nouvelle qui permettrait d'exprimer l'indicible, objectif auquel il s'est jusqu'à présent consacré.
    Si le poème s'achève sur un constat d'échec, Rimbaud affirme pourtant que dans cette entreprise, il est allé plus loin que les autres, mais finalement, incapable d'admettre les limites qu'il rencontre, il finira par renoncer à la quête (midi, métaphore de l'âge adulte, sera l'heure du départ et du silence). Une question reste en suspens : est-ce un conte ou un récit de rêve ?



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