Plan de la fiche sur
Je veux brûler, pour m’envoler aux cieux de Ronsard :
Introduction
Ce
sonnet "
Je veux brûler, pour m’envoler aux cieux" est extrait du
premier livre des Amours de
Ronsard (1524 - 1585), publié en 1552.
La vie de Ronsard fut marquée en particulier par 3 femmes, Marie, Cassandre et Hélène, pour lesquelles il écrivit beaucoup. Ronsard composa ses poèmes surtout sur le thème de la fuite du temps, de l’expression des sentiments…
Dans ce sonnet de
décasyllabes,
Ronsard espère retrouver parmi les cieux la beauté qu'incarne Cassandre sur terre, mais pour cela il doit se débarrasser de son "écorce humaine". Ainsi, il marche sur les pas d'Hercule de la mythologie qui a accédé au domaine des dieux après s'être immolé sur le bûcher.
Pierre de Ronsard
Texte du poème
Je veux brûler, pour m’envoler aux cieux,
Tout l’imparfait de cette écorce humaine,
M’éternisant1, comme le fils d’Alcmène2,
Qui tout en feu s’assit entre les Dieux.
Jà3 mon esprit, chatouillé de son mieux,
Dedans ma chair, rebelle se promène,
Et jà3 le bois de sa victime amène
Pour s’enflammer aux rayons de tes yeux.
Ô saint brasier, ô feu chastement beau,
Las4, brûle moi d’un si chaste flambeau
Qu’abandonnant ma dépouille connue,
Net, libre, et nu5, je vole d’un plein saut,
Outre le ciel, pour adorer là-haut
L’autre beauté dont la tienne est venue6.
Ronsard - Premier livre des Amours - Amours de Cassandre, sonnet 167
1 M’éternisant = devenant immortel
2 le fils d’Alcmène = comparaison à Hercule de la mythologie romaine : Hercule est le fils du dieu Jupiter et de la mortelle Alcmène. Hercule est connu pour ses 12 travaux, sa mort l'est moins : Hercule se donna la mort sur le bûcher après avoir ressenti une grande douleur car un de ses ennemis avait mis le sang empoisonné de son amante (Iole) sur sa tunique. Dans la mythologie grecque, Héraclès (équivalent d'Hercule chez les Romains), juste avant de mourir brûlé, est emmené par un nuage divin dans l'Olympe (la demeure des dieux), où il accède à l'immortalité.
3 jà = déjà
4 las = hélas
5 Net, libre, et nu = débarrassé de son enveloppe corporelle
6 L’autre beauté dont la tienne est venue = admirer la beauté céleste d'où la mortelle Cassandre tire elle-même sa beauté, selon Ronsard
Plan du texte pour l'analyse linéaire
Première strophe : Le désir d'immortalité
Deuxième strophe : La séparation du corps et de l'esprit
Troisième et quatrième strophes : La libération
Analyse linéaire
I. Première strophe : Le désir d'immortalité
Le poème débute sur le pronom personnel "Je" suivi d'un verbe de volonté montrant une volonté forte avec "veux", suivi du verbe à l'infinitif "brûler". Le verbe "brûler" peut renvoyer au sens propre comme au sens figuré :
le feu renvoie à une métaphore de l'amour dans la tradition de la poésie lyrique.
D'emblée, ce poème s'inscrit dans la tradition de la poésie lyrique.
L'
allitération en [v] ("veux", "m'envoler") vient renforcer le mot "veux" et la notion de volonté.
La seconde partie du vers 1 "pour m’envoler aux cieux" est un
euphémisme de la mort et montre déjà que Ronsard veut accéder à l'immortalité puisque ce qui pourrait représenter la mort est décrit avec un vocabulaire très positif ("m'envoler", "cieux").
"Tout l'imparfait de cette écorce humaine" (vers 2) :
Ronsard veut se débarrasser de son enveloppe corporelle, forcément imparfaite, pour que son âme accède au royaume des dieux ("m'envoler aux cieux" au vers 1) (selon les néoplatoniciens (les relecteurs de Platon à la Renaissance, dont Ronsard fait partie), l'homme doit se détacher de son corps matériel pour que son âme puisse s'élever vers le monde des idées).
Cette
métaphore de l'écorce insiste sur la matérialité du corps et confirme donc l'opposition entre le corps et l'âme.
Le résultat de cette combustion est montré par le participe présent "éternisant" (= atteignant l'éternité, la vie éternelle).
Le résultat de cette inhumation est cette immortalité du poète renforcé par la comparaison avec Hercule ("comme le fils d'Alcmène" au vers 3, le fils d'Alcmène étant Hercule) ce qui permet d'opérer une mythification du poète. Dans la mythologie, Hercule a atteint le domaine des Dieux alors qu'il montait sur le bûcher, ce qui explique le vers 4 "Qui tout en feu s'assit entre les Dieux".
Hercule est le fils du dieu Jupiter et de la mortelle Alcmène, et on retrouve cette dualité dieux / mortel dans les rimes embrassées de la première strophe : "cieux" et "Dieux" pour la divinité et "humaine" et "Alcmène" pour les mortels.
II. Deuxième strophe : La séparation du corps et de l'esprit
Au vers 5 ("Jà mon esprit, chatouillé de son mieux"), ce n'est plus "je" mais "mon esprit" qui se trouve à la césure et dissocié des mots "ma chair" du vers 6 mais la dissociation n'est pas totale car l'esprit est encore "dedans".
L'esprit est comme emprisonné dans le corps, mais désire se libérer comme le montre le mot "rebelle", et cette libération commence à opérer puisque l'esprit "se promène" (vers 6). Le participe passé "chatouillé" au vers 5 évoque le désir, désir de l'esprit de se libérer du corps.
Le sacrifice du corps est montré avec insistance avec "jà" (= déjà) au vers 7. Ronsard file la métaphore de l'écorce (vers 2) qui se retrouve avec "le bois" au vers 7.
L'esprit est personnifié avec le verbe d'action "amener" au vers 7 => l'esprit n'a plus besoin du corps.
Nous avons au vers 8 la première mention de la femme aimée qui se fait par une métonymie avec "le rayon de tes yeux". Elle est tutoyée ("tes").
"le rayon de tes yeux" qui enflamme montre le pouvoir que Ronsard veut donner à la beauté de Cassandre. C'est aussi une référence au feu divin et donc à une lumière divine qui montre l'origine divine de la beauté de la femme.
III. Troisième et quatrième strophes : La libération
Au vers 9, Ronsard fait une
incantation au feu "Ô saint brasier, ô feu chastement beau". L'
anaphore de "ô" renforce l'incantation au feu. Ces interjections apostrophent le brasier, montrant ainsi l'exaltation du poète :
le registre est lyrique. On peut remarquer une
allitération en [m] tout au long du poème, qui lui donne des sonorités douces, douceur avec laquelle Ronsard veut s'adresser à Cassandre.
Ronsard utilise le
champ lexical de la religion ("saint", "chastement", "flambeau" au vers 10) qui évoque le rapprochement avec le divin.
Ce champ lexical de la religion est relié au champ lexical du feu ("brasier", "feu", "brûle", "flambeau") qui confirme cette impression de feu purificateur.
La rime des vers 9 et 10 avec "beau" et "flambeau"
réaffirme l'origine divine de la beauté. On a la contemplation de la femme aimée qui réjouit l'amour divin.
On a donc une intensification du désir, Ronsard s'exprime directement à la femme aimée : c'est comme une soumission du poète, cette nouvelle place du sujet lyrique, le poète en position d'objet montre une soumission à la femme.
Aux vers 9 et 10, on peut remarquer
une sorte de chiasme qui insiste sur le feu divin et sur une beauté pure, dénuée de sensualité ("chaste") : "feu chastement […] chaste flambeau".
Au vers 11, le poète quitte enfin son corps de mortel "abandonnant ma dépouille". Le mot dépouille se rapporte à un cadavre, donc le poète considère déjà son corps comme mort.
A la fin de cette troisième strophe, on a un enjambement ("connue, / Net…") qui enchaîne directement sur
la dernière strophe, la strophe de la libération.
Le vers 12 est marqué par le champ lexical de la liberté ("libre et nu", "vole"), le poète débarrassé de son corps n'est plus qu'un esprit libre.
Au vers 12 et 13, on remarque
une assonance en [o] ("vole", "saut", "adorer", "là-haut") qui renforce la rime et évoque la liberté, le mouvement de l'élévation.
Suite au feu purificateur le sujet du poème devient l'auteur. Le pronom personnel "je" est mis en exergue par sa place à la césure au vers 12.
Le vers 14 est entièrement consacré à l'origine divine de la beauté de la femme qui confirme la conception du néoplatonisme.
Conclusion
Dans ce poème "Je veux brûler…" de Ronsard, le poète se débarrasse donc des contraintes humaines pour s'élever vers le monde céleste, le monde d'où est venu la beauté de la femme aimée, Cassandre. C'est un poème d'amour qui encense la beauté de la femme, dont l'origine ne pourrait être que divine.
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