Fin de partie

Samuel Beckett

Scène des couples

De "HAMM (avec angoisse) - Mais qu'est-ce qui se passe, qu'est-ce qui se passe ?" à "HAMM - […] Un cœur, un cœur dans ma tête."





Plan de l'analyse sur la scène des couples de Fin de partie, de Beckett :
Introduction
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion


Introduction

    Après la première et la deuxième guerre mondiale, la société de la seconde moitié du XXème siècle aspire au changement dans une volonté de s'éloigner de la violence et des barbaries. Ces changements se traduisent dans le théâtre de l'absurde par un emprunt à la tradition mais l'accession à une forme de modernité.
    La pièce Fin de partie, de Samuel Beckett (1906 - 1989), a été présentée pour la première fois en 1957. Elle ne comporte qu'un seul acte. Cette pièce met en scène quatre personnages handicapés physiquement.

    Les relations entre Nagg et Nell sont radicalement différentes de celles d'Hamm et de Clov. Ceux-ci sont en effet mari et femme, et manifestent, l'un à l'égard de l'autre, une grande tendresse et une grande solidarité. On devine pourtant que la situation dans laquelle ils se trouvent (ils sont privés de leurs jambes) engendre chez eux de l'inconfort physique.


Samuel Beckett




Annonce des axes

I. Un couple solidaire
1. Situation et langage de ce couple
2. Burlesque de la situation

II. Une métaphore de l'humanité
1. Des besoins primaires
2. Des objets indésirables

III. Le temps en question
1. La richesse de la mémoire
2. Deux rapports différents au temps



Commentaire littéraire

I. Un couple solidaire

1. Situation et langage de ce couple

Le couple est dans une poubelle, ils sont très éclairés et mis en avant par rapport à Hamm. Les personnages sont rebuts à la différence de Hamm et Clov : ce n'est pas du tout une relation hiérarchique puisqu'il y a beaucoup de tendresse (« embrasse »), de souvenirs en commun : « mon gros », « guibolles », « gueuler » : utilisation du langage familier. Ils ont des réactions de bon sens et naturels à la différence de Hamm et Clov. Ils sont effectivement capables d'évoquer de vrais lieux (tel que « Sedan » dans « les Ardennes »).
Ce sont des personnages plus proches du lecteur/spectateur que Hamm et Clov puisqu'ils ont des réactions vraisemblables : tel que par exemple « être en colère ».


2. Burlesque de la situation

Cette infirmité n'est pas sans effet comique : « mon gros » « c'est pour la bagatelle (plaisir amoureux/sexuel) ? ». Nell propose ici à Nagg une partie de jambes en l'air. C'est également une situation comique puisqu'à la première réplique de Nell propose des choses impossibles ce qui est burlesque, comique de décalage, d'incongruité (accentué car ils sont infirmes)… de même pour le moment du baiser.
Ils proposent des choses qu'ils ne peuvent pas faire ce qui est burlesque. On montre ainsi l'inutilité de la vie humaine dans la pièce.


II. Une métaphore de l'humanité

1. Des besoins primaires

Les principaux besoins de Nagg et Nell sont des besoins primaires : dormir, être propre (« on a changé ta sciure ? »), manger (le biscuit), etc. Le bout de biscuit, le sable en place de la sciure, l'impossibilité de se toucher montrent que les besoins de Nagg et Nell sont insatisfaits.


2. Des objets indésirables

Nagg et Nell, dans leurs poubelles, sont rabaissés par Hamm au rang d'objets indésirables. Ils y ont été jetés probablement suite à l'accident de tandem qu'ils évoquent.
Ils ne peuvent plus se toucher, sont tenus enfermés et évoquent la situation de pénurie ou le défaut de soins auquel les soumet Hamm.
Les rapports de Hamm, Nell et Nagg montrent que Hamm demeure tout à fait insensible à l'inconfort physique dont souffrent ses parents. Au contraire, il leur intime l'ordre de se taire (« Mais taisez-vous ») et n'aspire lui-même qu'à se rendormir.
De cet extrait, une vision de l'humanité surgit, gouvernée par l'indifférence à autrui pour ce qui concerne Hamm et par l'impotence et la réduction de l'homme à ses besoins primaires pour ce qui concerne Nagg et Nell.


III. Le temps en question

1. La richesse de la mémoire

Nagg et Nell ont accès à des souvenirs, ce qui ne semble pas être le cas de Hamm et Clov.
Si Clov essaie de s'en aller depuis sa naissance, Nagg et Nell montrent, en racontant leurs souvenirs, qu'ils ont été heureux.
La didascalie « (élégiaque) » de Nell, appliquée au terme « hier », montre en effet que le temps est synonyme de perte et de déchéance : perte de la « dent », perte des « guibolles », salissure du sable.
Dépourvu de cette mémoire, le personnage d'Hamm laisse ici transparaître certains de ses désirs. Conformément à l'état qui était le sien quelques scènes auparavant, il est « angoissé », aspire toujours à dormir et demande constamment son « calmant ».
Le sommeil apparaît, pour le personnagede Hamm, comme l'unique échappatoire puisqu'il permet d'envisager enfin une vie libérée du corps et du lieu, où il devient possible de « faire l'amour, aller dans les bois, voir le ciel, la terre » et peut-être aussi, de retrouver des sensations perdues.


2. Deux rapports différents au temps

La sensation du temps qui passe est rendue perceptible grâce à Hamm et Clov, d'une part, mais aussi par Nagg et Nell.
Hamm est angoissé de sentir que « ça avance », que « quelque chose suit son cours », comme le dit aussi Clov au début de l'extrait.
Non seulement le temps fuit, mais la vie est aussi une fuite puisque Clov prétend qu'il cherche à s'en aller « depuis sa naissance ». Nagg et Nell, de leur côté, évoquent le passé, l'« hier », leur échange donne le sentiment d'un temps qui s'éternise.
Beckett, pour faire ressentir cette impression, indique à de nombreuses reprises des pauses grâce à la didascalie « (Un temps.) » qui revient souvent et fait du dialogue entre Nagg et Nell un dialogue qui n'avance pas.





Conclusion

    Ce temps qui s'écoule de façon désespérément lente montre des personnages qui n'ont aucune prise sur le temps qui passe, cela nous renvoie à l'idée d'une vie vide de sens et d'intérêts. Personnages qui sont la métaphore du tragique de la vie humaine.
    Ces personnages sont bien des métaphores de la vision très pessimistes que le théâtre contemporain renvoie = notion fondatrice du tragique contemporain.



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Merci à Iris pour cette analyse de Fin de partie de Samuel Beckett