Plan de l'analyse linéaire de
Parfum exotique de Charles Baudelaire :
Introduction
Parfum exotique est un poème de
Charles Baudelaire du recueil
Les Fleurs du Mal. C'est le premier poème de la section consacrée à Jeanne Duval dans la section
Spleen et idéal.
Jeanne Duval est la maîtresse de Baudelaire, c'est une métisse rencontrée en 1842 à Paris.
Toutefois, dans ce poème la femme s'efface rapidement en raison de la puissance de son parfum qui engendre une vision imaginaire et idéalisée (cf. titre).
Dans ce poème, nous voyons un mouvement en crescendo de la femme à l'île puis au port. C'est un jeu de correspondances entre les sensations (synesthésie).
Charles Baudelaire
Texte du poème Parfum exotique
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XXII - Parfum exotique
Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne,
Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone ;
Une île paresseuse où la nature donne
Des arbres singuliers et des fruits savoureux ;
Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,
Et des femmes dont l'œil par sa franchise étonne.
Guidé par ton odeur vers de charmants climats,
Je vois un port rempli de voiles et de mâts
Encor tout fatigués par la vague marine,
Pendant que le parfum des verts tamariniers
1,
Qui circule dans l'air et m'enfle la narine,
Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal
1 tamarinier : grand arbre exotique
Edvard MUNCH, Madonna, 1893.
Plan du texte pour l'analyse linéaire
Les 2 quatrains De "Quand, les deux yeux fermés" à "par sa franchise étonne." :
Une rêverie sensuelle provoquée par la femme
Les 2 tercets De "Guidé par ton odeur" à "au chant des mariniers." :
Le voyage imaginaire continue, jusqu'à atteindre l'âme
Analyse linéaire
I. Une rêverie sensuelle provoquée par la femme
Les 2 quatrains : de "Quand, les deux yeux fermés" à "par sa franchise étonne."
Au vers 1, c'est la relation intime amoureuse qui provoque la vision intérieure ("yeux fermés"). Les conditions sont favorables à cette rêverie : la scène se déroule "un soir chaud d'automne" :
on se trouve dans un univers chaleureux, favorable au déploiement de l'imaginaire. On est dans un monde idéalisée : les soirs chauds sont normalement associés à l'été et non à l'automne ; dans ce poème, l'été se prolonge jusqu'à l'automne.
Au vers 2, l'intimité amoureuse paraît liée à l'enfance ("sein chaleureux" : connotation érotique mais également de protection maternelle).
Ici la femme est tout : la mère et l'amante.
La femme est tutoyée (vers 2 et 9) avec le pronom possessif "ton", ce qui montre une proximité affective.
Déjà, les sensations sont très importantes, et sont liées. Par exemple, aux vers 2 et 3, lien étroit odorat-vue : "Quand" au début du poème montre que ces sensations sont simultanés, et position symétrique des verbes en début de vers ("Je respire" au début du vers 2 et "Je vois" au début du vers 3). L'adjectif "chaleureux" du vers 3 évoque la chaleur ressentie du corps de l'autre, sensation qu'on pourrait assimiler au toucher.
Cette symétrie rappelle la
toute-puissance du parfum qui engendre une vision de lumière : on passe du parfum (odorat) à la vue (vers 3-4) . Le vers 4 insiste sur la lumière, avec la redondance de 3 mots du champ lexical de la lumière dans le même vers ("éblouissent", "feux", "soleil"). L'adjectif "monotone" associé au soleil démontre une constance du soleil, ce qui peut donc être vu comme une qualité.
Au vers 1, les yeux sont fermés, donc le "Je vois" du vers 3 est bien le fruit de la rêverie du poète, déclenchée par l'odeur du "sein chaleureux".
L'imaginaire est noté par l'enjambement aux vers 3-4 qui accentue un climat d'allégresse et de chaleur (champs lexicaux de la lumière et de la chaleur : "éblouissement", "feu", "soleil").
Le tableau exotique se substitue progressivement à la figure féminine.
C'est la femme qui est à l'origine de la rêverie, comme le montre le rapport cause/conséquence des 3 premiers vers : cause = "Quand […] Je respire" / conséquence = "Je vois…".
L'hypallage "île paresseuse" du vers 5 évoque un lieu isolé, protecteur ("île"), où il fait bon vivre ("paresseuse") ; un lieu utopique, un lieu de bonheur.
L'enjambement vers 5-6 ("la nature donne / Des arbres") et les pluriels au vers 6 ("des arbres", "des fruits") insistent sur la générosité du lieu. A noter que l'hypallage "rivages heureux" du 3 évoquait déjà cette nature idéalisée.
Au vers 6, nous avons un autre sens, le goût, avec les "fruits savoureux".
On remarque ici deux composantes du paradis beaudelairien : l'exotisme et la sensualité.
La régularité rythmique du vers 6 et le parallélisme de construction renforcent l'harmonie, donne l'image d'une nature équilibrée et sereine.
Au vers 7, l'accent est mis sur la beauté et la santé physique des hommes ("mince et vigoureux") à laquelle répond la vertu des femmes ("franchise" au vers 8).
Toutefois, le mot "étonne" qui termine le deuxième quatrain montre que cette innocence n'est pas naturelle, et que nous sommes donc bien dans un monde idéalisé.
Dans cette première partie,
on a une évocation quasi biblique d'un paradis originel : le "fruit savoureux" peut évoquer le fruit défendu de la bible, associé au paradis originel, les hommes et femmes des vers 7 et 8 peuvent évoquer Adam et Eve, ou tout au moins un retour à l'état originel où l'humain n'a pas été perverti par le monde (nudité de l'homme, franchise de la femme).
Ces deux premiers quatrains montrent une rêverie dans un monde exotique, doux et idéalisé.
Nous sommes dans un univers sensuel et langoureux (champ lexical de la sensualité : "chaud", "sein chaleureux", "paresseuse", "savoureux").
II. Le voyage imaginaire continue, jusqu'à atteindre l'âme
Les 2 tercets : de "Guidé par ton odeur" à "au chant des mariniers."
Le vers 9 commence par "Guidé par ton odeur" -> c'est encore la confirmation que c'est la femme, à travers l'odorat du poète, qui guide la rêverie.
Dans les premiers quatrains, nous étions en mer ("rivages" au vers 2). Maintenant, le poète se déplace vers le port (vers 10). La vision passe de l'île au port (symbolisme vision, vie, voyage, mouvement), puis du port aux bateaux -> effet de zoom visuel.
Au vers 10, les
synecdotes "de voiles et de mâts" pour désigner les bateaux donnent un aspect plus visuel au tableau dépeint par Baudelaire. Au vers 11, ces bateaux sont
personnifiés : "Encor tout fatigués".
Le port est un lieu protégé (comme l'île) mais aussi un lieu d'expansion et d'infini propre à incarner le rêve, dont l'apogée arrive dans le deuxième tercet.
Les nombreuses assonances en [oi] et [a] montrent la recherche d'harmonie et de sonorités douces (par exemple vers 9-10 " ch
armants clim
ats, / Je v
ois un port rempli de v
oiles et de m
âts").
La très grande générosité des rimes vers 12-14 fait écho aux vers 6 et 7 (générosité de l'île, lieu d'expansion et de bien-être) : "tamariniers" (vers 12) est développé au vers 6 et "mariniers" (vers 14) est développé au vers 7.
On a une correspondance entre la femme et la nature, par le jeu des odeurs (odeur du sein, et odeur des tamariniers).
Dans les deux tercets, on a une pluralité des sensations :
- vers 10 : sensation
visuelle ("Je vois")
- vers 12 et 13 : sensation
olfactive ("parfum", "narine")
- cers 13 : sensation du
toucher ("m'enfle la narine" => cette hyperbole montre que l'air est ressenti par le toucher dans la narine).
- vers 14 : sensation
auditive ("chant").
La rêverie s'épanouit en fonction de ses sensations.
Les sensations sont mises en relief par un jeu d'échos noté par les
assonances et les
allitérations (f/v, l/r, m/n).
Le poème fait écho à ce vers du poème
Correspondances de Baudelaire : "Les parfums, les couleurs et les sons se répondent".
Au dernier vers, l'
allitération en [m] ("Se
mêle dans
mon â
me au chant des
mariniers") apporte des sonorités douces, reflétant la douceur de la rêverie.
Le dernier vers du poème est le point d'apogée des sensations, et des synesthésies ; le rythme croissant 2+4+6 ("Se mêle / dans mon âme / au chant des mariniers") révèle l'extase du poète et le
passage du plan sensuel au plan spirituel -> toutes les sensations se mélangent au plus profond du poète : "Se mêle dans mon âme".
Conclusion
Dans Parfum exotique, Baudelaire met en place un jeu de correspondances entre les sensations (synesthésie) : l'odorat, la vue, le goût, le toucher se mêlent pour créer, en imaginaire, un idéal.
La recherche d'idéal se trouve au sein d'un sonnet classique par l'intermédiaire d'une vision imaginaire : pour Baudelaire, le bonheur ne peut exister que dans cette recherche d'idéal et par l'intermédiaire d'une rêverie.
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