Plan de la fiche sur
Les Chats de Baudelaire :
Introduction
Les chats est un sonnet de
Baudelaire écrit en 1847 (publié en 1857 dans
Les Fleurs du mal). Ce sonnet a été l'objet d'études linguistiques modernes, notamment par Claude Lévi-Strauss.
Pour Baudelaire, l'image des chats est liée à celle de la femme comme le montrent explicitement les deux autres poèmes du recueil ayant pour thème cet animal. Cependant, dans le poème
Les Chats, le poète semble s'attacher à une description de l'animal sans aucune référence explicite à la femme.
Ce poème fait l'éloge des chats en le faisant apparaître tel un animal noble et loin du monde vulgaire.
Problématique : Peut-on se fier aux apparences ?
Charles Baudelaire
Texte du poème Les Chats
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Les Chats
Les amoureux fervents et les savants austères
Aiment également, dans leur mûre saison,
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.
Amis de la science et de la volupté,
Ils cherchent le silence et l’horreur des ténèbres ;
L’Érèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres,
S’ils pouvaient au servage incliner leur fierté.
Ils prennent en songeant les nobles attitudes
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
Qui semblent s’endormir dans un rêve sans fin ;
Leurs reins féconds sont pleins d’étincelles magiques
Et des parcelles d’or, ainsi qu’un sable fin,
Etoilent vaguement leurs prunelles mystiques.
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal
Érèbe : Mythologie grecque, fils du Chaos et de la Nuit. Désigne également la partie de l'Enfer où séjourne les morts.
Servage : obéissance à un maître
Sphinx : monstre fabuleux de la mythologie grecque et statue monumentale en Egypte représentant.
Annonce des axes
I. Les chats, animaux domestiques communs
II. Les chats, indomptables animaux mystérieux
Commentaire littéraire
I. Les chats, animaux domestiques communs
Les chats sont "l'orgueil" de la maison.
Dans cette "maison", les "amoureux" et les "savants" apparaissent comme les propriétaires de chats qu'ils "aiment". Insistance sur le verbe aimer qui est placé au début du deuxième vers.
Le premier quatrain s'articule autour des notions d'affection et de réciprocité. C'est l'idée de couple qui prédomine: couple des sujets (vers 1) avec une construction identique (nom + adjectif). Ces deux catégories humaines opposées (sensuels et intellectuels) se rejoignent dans leur amour de l'animal, et dans leurs traits communs avec le chat ("frileux" et "sédentaire").
Couple des sonorités : deux sons voyelles dominent dans le premier quatrain: "a" et "en".
Le vers 5 montre que l'amour est réciproque puisque les chats sont des "amis" de la "science" et "volupté" (reprise du vers 1 en ordre inverse : les "savants" et les "amoureux" ->
chiasme).
L'affection des hommes pour les chats est profonde et sérieuse, puisqu'ils aiment dans "leur mûre saison".
Caractère double du chat : "puissants" (suggestion du félin sauvage) et "doux" (suggestion de l'animal domestique docile et affectueux). Mais le vers 4 met l'accent sur le caractère docile des chats qui sont "frileux" et "sédentaires". La suite du poème les montre également comme des animaux calmes et intériorisés ("songeant", "allongés", "s'endormir"...).
Au premier tercet, les chats sont également montrés comme des animaux domestiques car Baudelaire les y décrits allongés et endormis, reflétant l'image tranquille d'un chat dormant dans une maison.
Mais le verbe "semblent" utilisé au vers 11 montre que les apparences peuvent être trompeuses et que les chats sont plus que de simples animaux domestiques.
II. Les chats, indomptables animaux mystérieux
L'"horreur des ténèbres" (vers 6) est la première expression du poème éloignant les chats du monde commun. Le lecteur assiste à un basculement du poème marqué plus fortement encore par le mot Érèbe, fils du Chaos et de la Nuit, placé au début du vers 7 et qui fait référence à la mythologie grecque. Cette référence met l'accent sur leur caractère nocturne des chats. Cette référence montre également le caractère indomptable des chats que même l'Érèbe ne peut asservir ("S'ils pouvaient au servage incliner leur fierté."). Ce caractère fier des chats était déjà souligné par "orgueil" au vers 3.
Les deux tercets, unis en une seule phrase, amènent par des
métaphores un élargissement, une amplification spirituelle. Champ lexical du rêve ("songeant", "endormir", "rêve"). Alors que les quatrains emprisonnent les chats dans l'espace et dans le temps ("saison, maison"), dans les tercets les limites disparaissent, l'évocation du désert ("Sphinx", "sable fin") se substitue à l'espace domestique et l'évocation de l'éternité ("un rêve sans fin") s'oppose à l'idée de saison. En outre, à pour la mythologie égyptienne ("Sphinx", "Érèbe"), le chat était animal sacré : Baudelaire reprend ici des idées communément admises au XIXème siècle.
Cette attitude semble volontaire de la part des chats ("ils prennent" vers 9).
Baudelaire utilise un vocabulaire élogieux : "nobles", "grands", "magiques"...
L'expression "au fond des solitudes" marque la distance qu'ils cherchent à établir : éloignement spatial et éloignement temporel.
Allitération sifflante en "s" du vers 11 : sonorités propices à l'évocation d'un sortilège, d'un mystère que le deuxième tercet développe.
Notion d'immortalité du chat : "rêve sans fin".
Le dernier tercet est met en exergue le caractère mystique et magique des chats, qui est apparu progressivement au cours du poème. Le dernier vers apparaît comme une apothéose.
Sentiment de fusion de ces animaux avec le cosmos, sentiment soutenu par la dimension spirituelle ("mystique") que le poète attribue aux chats.
Puisque tous les éléments décrits dans le dernier tercet sont vus à travers "leurs prunelles mystiques.", cet univers est en fait à l'intérieur du chat.
Champ lexical de la lumière dans le dernier tercet ("étincelles", "or", "Etoilent") : le chat a vaincu "l'horreur des ténèbres" du vers 6.
Les chats semblent être un lien entre le monde réel et un monde infini et atemporel. Baudelaire ferait-il des chats une
allégorie du poème ou du poète ?
Conclusion
Dans
Les Chats, Baudelaire met donc en évidence le caractère double des chats. Ces animaux domestiques et affectueux détiennent en eux une part de magie et de mystique.
Nous voyons ici tout l'art du poète : savoir faire apparaître un animal introverti et casanier comme le médiateur et l'emblème de l'ailleurs.
Le poète, pour créer doit être comme ces chats, c'est-à-dire savoir unir divers domaines rationnels et irrationnels. L'identification du poète à l'animal serait d'après cette interprétation, beaucoup plus subtile que pour
L'Albatros.
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