Plan de la fiche sur
Sed non satiata de Charles Baudelaire :
Introduction
Sed non satiata fait partie du cycle de Jeanne Duval. Le thème de la belle
noire reprend une tradition du poème baroque datant du XVIIème
siècle.
Baudelaire a voulu en faire un poème moderne.
Le titre « Sed non satiata » vient dun poème satirique
latin : « Juvénal ». Le contenu faisait allusion à
la débauche dune femme dempereur, Messaline. Baudelaire
lisait le latin couramment et cétait pour lui un moyen plus
apte à décrire la passion. Lutilisation de la langue
de la liturgie est provocateur. Ce titre sert à masquer le
côté scabreux et trivial dun poème.
Le premier quatrain est uniquement descriptif et sadresse à
la femme. Puis il suscite son désir. Dans le premier tercet, il fait
une supplication à la femme car il se sent dépossédé
de lui-même. Enfin dans le deuxième tercet, il a conscience
quil ne peut pas la satisfaire.
Charles Baudelaire
Texte du poème Sed non satiata
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XXVI - Sed non satiata
Bizarre déité, brune comme les nuits,
Au parfum mélangé de musc et de havane,
Oeuvre de quelque obi, le Faust de la savane,
Sorcière au flanc d'ébène, enfant des noirs minuits,
Je préfère au constance, à l'opium, au nuits,
L'élixir de ta bouche où l'amour se pavane ;
Quand vers toi mes désirs partent en caravane,
Tes yeux sont la citerne où boivent mes ennuis.
Par ces deux grands yeux noirs, soupiraux de ton âme,
O démon sans pitié ! verse-moi moins de flamme ;
Je ne suis pas le Styx pour t'embrasser neuf fois,
Hélas ! et je ne puis, Mégère libertine,
Pour briser ton courage et te mettre aux abois,
Dans l'enfer de ton lit devenir Proserpine !
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal
Edvard MUNCH, Madonna, 1893.
Vocabulaire
Déité : déesse
Musc : sécrétion odorante
Obi : sorcier noir
Faust : personnage qui a vendu son âme au diable
Constance : vin exotique du Cap (Afrique du Sud)
Nuits : vin capiteux de Bourgogne
Partir en caravane : mener une vie de débauche
Styx : fleuve qui fait neuf fois le tour des Enfers
Mégère : une des Furies, qui venge les crimes impunis
Proserpine : reine des Enfers
Annonce des axes
I. Aspect de célébration de la femme
II. Dégradation finale de la femme
Commentaire littéraire
I. Aspect de célébration de la femme
On peut décomposer ces aspects en plusieurs étapes. Il évoque
les couleurs puis le caractère divin, les yeux et enfin le parfum.
Elle est décrite dès le début du texte par un jaillissement
dadjectifs. Le premier quatrain est une accumulation de termes où
lauteur est saturé de qualificatifs. Il ne dit pas « noire
» mais « brume » qui est mis en valeur juste après
lhémistiche où il y a une coupe forte avec la virgule.
Le mot noir est comparé avec « nuits ». L«
ébène », bois noir très dur soppose à
« flanc ». Le noir apparaît aussi avec les « noirs minuits
». Il est très vite mis en relation avec « obi », sorcier
noir. Le noir symbolise ici le diable rappelé par « Faust ».
Le caractère exotique peut être associé au noir. On a
lexotisme des parfums de la femme. Le « havane » vient dun
monde éloigné et une teinte foncée, brume. Les mots
sont choisis pour évoquer quelque chose de lointain. Lauteur
cherche à nous dépayser avec « obi », « savane
».
Le caractère divin de la femme est aussi présent. Le mot «
déité » qui ouvre le poème est un premier indice.
Lauteur montre quil y a un lien avec le surnaturel :
»uvre de quelque obi » évoque ici le résultat
dun sorcier. « Faust » est aussi lidée du pacte
avec le surnaturel. La femme est donc une divinité proche de la
sorcellerie : « sorcière » qui a des pouvoirs occultes qui
peuvent être dangereux. Le pouvoir produit par cette femme montre une
soumission, un ensorcellement du poète. Il apparaît dans le
deuxième quatrain où lenvoûtement est exprimé.
La syntaxe est différente dans le deuxième quatrain, là
où apparaît le premier verbe du poème. Les constructions
permettent de retourner à des mouvements plus constants.
Le « constance », l« opium », le « nuits
» évoquent la dépendance. Ces drogues, ou paradis artificiel,
sont évoquées et montrent finalement son envoûtement envers
la femme, lors du baiser. Ce vers 6 a un rythme calme car il est
décomposé en quatre fois trois pieds. Cela renforce la
sérénité, la béatitude produite.
Le côté triomphant de la femme apparaît avec « se
pavane ». Dans le deuxième hémistiche du vers 7, on a
une image du départ qui retombe au vers 8. En fait, cette
célébration de la femme devient à double tranchant.
Le mouvement du poème sarrête lorsque les yeux accèdent
à un autre monde qui est malheureusement infernal. On a limage
dun désir infernal avec une descente vertigineuse qui aboutit
à un retournement de limage de la femme.
II. Dégradation finale de la femme
Tous les termes quon avait au début prennent un autre sens avec
des mots tels que le Styx, Proserpine dans les tercets.
Derrière les références, le poète fait allusion
à son impuissance devant la femme : « verse-moi moins de flamme
». Les tournures négatives renforcent cette idée de faiblesse,
dinfériorité. « Je ne puis », éloigné
de son complément, est mis en valeur et appuie sur cette impuissance
masculine.
La tendance homosexuelle de Jeanne Duval est suggérée lorsque
le poète navoue ne pas être une femme : « Proserpine
». Le calembour du dernier mot amplifie sa provocation.
Conclusion
Le poème
Sed non satiata a, derrière une apparence classique, des choses perverses
qui sont dévoilées. Lauteur joue avec la censure. Il
cherche à provoquer les censeurs et surtout à se montrer moderne
en modifiant les présentations classiques.
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