Plan de la fiche sur
Les grenouilles qui demandent un roi de Jean de la Fontaine :
Introduction
Les Grenouilles qui demandent un roi est la quatrième fable du livre III. Dans cet apologue, La Fontaine (1621-1695) imite Esope et Phèdre qui avaient écrit une fable ("Ranae Regem petierunt" = " Les Grenouilles qui demandent un Roi ") pour calmer les athéniens lassés de leur tyran. A son époque, cette forme d’argumentation à morale implicite permet à son auteur d’éviter la censure, chose courante au le XVIIème siècle. Cette fable se distingue par une évocation réaliste et fantaisiste de la nature. La portée symbolique en fait un apologue.
Genre : argumentatif,
apologue
Mouvement : humanisme
Texte de la fable
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Lu par René Depasse - source : litteratureaudio.com
Les Grenouilles qui demandent un roi
Les grenouilles se lassant
De l'état démocratique,
Par leurs clameurs firent tant
Que Jupin les soumit au pouvoir monarchique.
Il leur tomba du ciel un roi tout pacifique :
Ce roi fit toutefois un tel bruit en tombant,
Que la gent marécageuse,
Gent fort sotte et fort peureuse,
S'alla cacher sous les eaux,
Dans les joncs, les roseaux,
Dans les trous du marécage,
Sans oser de longtemps regarder au visage
Celui qu'elles croyaient être un géant nouveau.
Or c'était un soliveau,
De qui la gravité fit peur à la première
Qui, de le voir s'aventurant,
Osa bien quitter sa tanière.
Elle approcha, mais en tremblant ;
Une autre la suivit, une autre en fit autant :
Il en vint une fourmilière ;
Et leur troupe à la fin se rendit familière
Jusqu'à sauter sur l'épaule du roi.
Le bon sire le souffre et se tient toujours coi.
Jupin en a bientôt la cervelle rompue :
« Donnez-nous, dit ce peuple, un roi qui se remue. »
Le monarque des dieux leur envoie une grue,
Qui les croque, qui les tue,
Qui les gobe à son plaisir ;
Et grenouilles de se plaindre.
Et Jupin de leur dire :« Eh quoi ? votre désir
A ses lois croit-il nous astreindre ?
Vous avez dû premièrement
Garder votre gouvernement ;
Mais, ne l'ayant pas fait, il vous devait suffire
Que votre premier roi fut débonnaire et doux
De celui-ci contentez-vous,
De peur d'en rencontrer un pire.»
Jean de La Fontaine, Fables
Les Grenouilles qui demandent un roi - Jean de La Fontaine
Annonce des axes
I. Un récit pittoresque et comique
1. Un récit, une narration
2. Une peinture réaliste, pittoresque
3. Le registre comique
II. La portée symbolique
1. Psychologie des Grenouilles
2. La portée politique
3. La morale implicite
Commentaire littéraire
I. Un récit pittoresque et comique
1. Un récit, une narration
* Personnages : grenouilles misent en scène dans une situation qui évolue et qui suit le schéma narratif :
- situation initiale : les grenouilles dans l’état démocratique
- élément perturbateur : intervention de Jupin (=Jupiter) suite à une plainte
- péripéties : envoi d’un roi / découverte de la nature du roi (soliveau)
- élément de résolution : nouvelle plainte à Jupin
- situation finale : envoi de la grue qui dévore les grenouilles
* Action relatée au présent de narration et passé simple
Répétition introduite : Jupin -> la fable met en scène un narrateur
2. Une peinture réaliste, pittoresque
* Le cadre : un étang
* Les animaux : grenouille, grue
* Mouvement : rythme sautillant (
rimes croisées,
plates et
embrassées)
* Réalisme dans l’approche prudente du soliveau par les grenouilles
* La cruauté de la grue : évoquée par des actions précipitées
3. Le registre comique
* La fable instruit et divertit en même temps
* Fantaisie dans les coassements interprétés comme une revendication
* Des mots qui appartiennent aux mœurs d’autres animaux
* Usage du burlesque (traite un sujet noble avec des personnages banals et un ton familier)
Comme dans la plupart des fables, l'aspect pittoresque est toujours très présent. Le cadre mélange réalisme et fantaisie, cherchant à divertir le lecteur pour qu’il intègre mieux l’enseignement de la fable.
II. La portée symbolique
Dans cette fables, les animaux représentent les humains : ils parlent, on les regroupe en « gent », ont des lois et ils portent des majuscules « Grenouilles », « Grue » « Soliveau »
1. Psychologie des Grenouilles
Elle est assimilable à la psychologie humaine (insatisfaction, peureuse, sotte, bête, geignardes, instinct grégaire : une fait une action, toutes les autres la suivent).
A travers les défauts des grenouilles, La Fontaine dénonce les défauts humains
2. La portée politique
* La Fontaine dénonce la versatilité des peuples : analogie entre la réaction du peuple et celle des grenouilles (on le voit avec les mots qui désignent à la fois le peuple et les grenouilles : « clameur », « gent », « le peuple », « soumettre »)
* Les grenouilles insatisfaites connaissent des régimes de plus en plus opprimants : c’est une mise en garde de l’auteur par l’intermédiaire de Jupiter, orchestrateur de l’univers. La Fontaine essaie d’apaiser les protestations contre Louis XIV (il n’est pas démocrate).
3. La morale implicite
* Jupiter l’exprime
* Elle est multiple :
- il faut savoir se contenter de ce que l’on a, de peur de trouver pire
- dénonce l’absence de réflexion
- les lois ne doivent pas relever du caprice des peuples
- les peuples sont toujours insatisfaits
Par l’intermédiaire des grenouilles "humaines", La Fontaine critique la psychologie des hommes et leurs versatilités politiques.
Conclusion
Les Grenouilles qui demandent un roi, fable pittoresque et vivante, est au service d’une argumentation. C’est un apologue mettant en garde les peuples contre l’absence de réflexion et l’instinct grégaire, leur conseillant la prudence. C’est une morale qui s’applique au peuple et pas uniquement à l’individu. Ainsi, la réflexion de La Fontaine est ancrée dans le XVIIème siècle.
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