Le Corbeau et le Renard

Jean de la Fontaine







Plan de la fiche Le Corbeau et le Renard de Jean de la Fontaine :
Introduction
Texte de la fable
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion


Introduction

Sous le règne de Louis XIV, les écrivains dépendent du mécénat et du pouvoir royal, ils n'avaient pas de liberté pour critiquer directement les membres de la royauté ou du clergé. Jean de La Fontaine, avec les fables, réalise un équilibre entre les exigences classiques et la critique, qui est implicite dans ses fables grâce notamment au recours aux animaux.

En 1668, Jean de La Fontaine fait paraître le premier recueil de ses Fables, duquel est extrait Le Corbeau et le Renard. Cette fable est l'une des plus connues de La Fontaine.

La fable est un genre très ancien. La Fontaine renouvelle le genre au XVIIème siècle en s'inspirant du grec Ésope, né vers 620 avant J-C. Le Corbeau et le Renard est d'ailleurs tiré d'une fable d'Ésope.

        => Texte de la fable Le Corbeau et le Renard d'Esope

Le fabuliste latin Phèdre (14 av. J.-C. - 50 apr. J.-C.) proposa également une version de cette fable : Texte de la fable Le Renard et le Corbeau de Phèdre


Texte de la fable


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Le Corbeau et le Renard


Maître Corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître Renard, par l'odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage :
« Hé ! bonjour, Monsieur du Corbeau.
Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois. »
A ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie ;
Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le Renard s'en saisit, et dit : « Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l'écoute :
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute. »
Le Corbeau, honteux et confus,
Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.

Jean de la Fontaine - Les Fables


Vocabulaire :
Ramage : Chant des petits oiseaux
Phénix : ici, oiseau fabuleux, et personne supérieure aux autres
Vit aux dépens : vit aux frais de quelqu'un, au détriment de quelqu'un.





Annonce des axes

I. Une fable plaisante
1. Les caractéristiques de la fable
2. La personnification des animaux
3. Un récit plaisant

II. Deux personnages mis en scène au service de la morale
1. Parallélisme dans la présentation des personnages
2. Le corbeau et le renard : deux personnages différents
3. L'éloquence du renard
4. La morale



Commentaire littéraire

I. Une fable plaisante

1. Les caractéristiques de la fable

- Ce texte a les caractéristiques d'une fable : récit bref qui met souvent en scène des animaux, auxquels on prête les qualités et les défauts des hommes.
- Animaux = allégorie des caractères humains.
- L'histoire est simple.
- Il y a une morale.

2. La personnification des animaux

- Bien qu'ayant des attributs d'animaux (noms, "ramage", plumage"), les animaux sont personnifiés.
- Les animaux sont appelés "Maître", "Monsieur", "Mon bon Monsieur".
- Les animaux parlent.
- Le corbeau possède un fromage que le renard convoite, pourtant ces animaux ne sont pas des mangeurs de fromage, au contraire de l'homme -> les animaux sont représentent des humains.
- Le corbeau a des émotions explicites "honteux et confus".
- Les animaux ont des défauts bien humains : le corbeau est vaniteux, le renard est flatteur.

3. Un récit plaisant

- Musicalité : parallélisme de construction des vers 1-2 et 3-4.
- Le dialogue prend une grande place dans cette fable, ce qui la rend vivante et plaisante.
- Le discours du renard est rythmé : apostrophe au corbeau "Hé !", phrases courtes et exclamatives.
- Ton ironique envers le corbeau : "ne se sent pas de joie" -> humour.
- Corbeau tourné en dérision "Jura, mais un peu tard" -> humour.
- Ironie dans les paroles du renard "Sans mentir", alors qu'il est justement en train de mentir.


II. Deux personnages mis en scène au service de la morale

1. Parallélisme dans la présentation des personnages

- Les deux animaux sont appelés "Maître" (vers 1 et vers 3). Le corbeau est au début "Maître" (vers 1) de la situation, mais dès que le renard entre en scène c'est bien lui qui va devenir "Maître" (vers 3) de la situation.
- Utilisation de majuscules pour le nom des animaux -> sont plus que des animaux.
- Parallélisme de construction des vers 1-2 et 3-4 qui présentent le corbeau et le renard.
- Le verbe tenir est utilisé pour les 2 personnages, l'un pour le fromage, l'autre pour le langage.

2. Le corbeau et le renard : deux personnages différents

- Le corbeau, perché et possédant un fromage, semble en meilleure position que le renard.
- Ces animaux représentent différentes catégories sociales :
* corbeau : position dominante + possession d'un bien -> noblesse
* renard : position inférieur + pas de possession -> peuple

- Le corbeau est vaniteux puisqu'il veut montrer au renard à quel point il a un beau "ramage". Le renard est menteur.

3. L'éloquence du renard

- Le renard est un bon orateur qui va obtenir ce qu'il veut uniquement grâce à la parole.
- Eloquence du renard : utilisation de métaphores "Vous êtes le Phénix", vocabulaire soutenu. Alternance entre octosyllabe et alexandrin.
- Le renard parle avec alors que le corbeau est réduit au silence dans cette fable.
- Ici, le renard tente de persuader (faire appel aux sentiments) plutôt qu'à convaincre (faire appel à la raison). Il aurait d'ailleurs bien du mal à convaincre le corbeau de lui donner son fromage.
- Pourtant à bien y regarder, les compliments du renard peuvent sembler creux : "beau" n'est qu'une rime avec "corbeau". "si votre ramage / Se rapporte à votre plumage" -> le plumage du corbeau est noir uniforme, et n'est donc pas spécialement beau.

Chercher à persuader autrui en flattant ses passions, en l'occurrence la vanité, relève de la sophistique.

Contemporains de Platon et de Socrate (IVème siècle av. J.-C.), les sophistes apprenaient aux jeunes gens, au sein d'une civilisation dominée par le discours, à bien parler, à convaincre, à persuader, alors que les "philosophes", comme Socrate, Aristote ou Platon cherchaient avant tout la vérité et la sagesse. Les Sophistes se faisaient en outre payer leurs leçons, exactement comme le fait le renard ("Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute.").

Source : http://lechatsurmonepaule.over-blog.fr/article-jean-de-la-fontaine-le-corbeau-et-le-renard-1668-101672156.html


4. La morale

- La morale est énoncée par le renard lui-même, à celui qu'il a dupé. Cela la rend encore plus cruelle envers le dupé. Cela est encore un trait d'humour dans cette fable.
- Utilisation du présent de vérité générale.
- Fierté du renard qui a réussi, alors que le corbeau est "honteux et confus".
- Le renard raille le dupe corbeau "Mon bon Monsieur" -> ironie du renard.
- "Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute." -> la morale aura coûté le fromage au corbeau. Le "sans doute" est ironique de la part du renard qui sait bien que l'échange n'était pas honnête et que le corbeau s'est fait avoir.
- La réaction de la victime, le corbeau, est le dénouement de la fable.

Le Corbeau "jura […] qu'on ne l'y prendrait plus", pourtant il renouvelle son erreur dans la fable Le Corbeau voulant imiter l'Aigle, où le corbeau perd sa liberté.

Dans cette fable, le voleur et menteur est le renard, mais c'est bien le corbeau, vaniteux, qui est raillé et le renard qui sort victorieux. Ainsi, La Fontaine montre que la supériorité sociale ne fait pas tout, et critique la vanité humaine.



Conclusion

    À l'époque de Louis XIV où la flatterie était un art, dans sa fable, Le Corbeau et le Renard, La Fontaine critique celui qui accepte ces flatteries. La Fontaine critique ainsi la vanité humaine.

    La Fontaine démontre également la force de la parole et de l'écriture, puisque le renard a obtenu ce qu'il voulait uniquement par la parole, et sans aucune violence physique.

    D'autres fables de Jean de La Fontaine dénoncent la vanité, par exemple La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf.


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