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Le Rat de ville et le Rat des champs - Jean de la Fontaine :
Introduction
Jean de La Fontaine (1621 - 1695) est un poète classique du XVIIème siècle qui a publié de nombreuses fables.
Les Fables sont écrites par La Fontaine entre 1668 et 1694 et sont publiées en trois recueils. La fable
Le rat de ville et le Rat des champs est la neuvième du livre I des Fables, édité pour la première fois en 1668.
Comme à son habitude, La Fontaine reprend ici une fable de l'antiquité : une fable de Horace (-65 av. J.-C. - 8 av. J.-C.), elle-même inspirée d'une fable de Ésope (VIème siècle avant J.-C.).
La Fontaine traite ici d'un thème qui lui est cher : la comparaison entre les tracas de la ville et la quiétude de la campagne.
Texte de la fable
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Lu par René Depasse - source : litteratureaudio.com
Le Rat de ville et le Rat des champs
Autrefois le Rat de ville
Invita le Rat des champs,
D'une façon fort civile1,
A des reliefs d'Ortolans.
Sur un Tapis de Turquie
Le couvert se trouva mis.
Je laisse à penser la vie
Que firent ces deux amis.
Le régal fut fort honnête,
Rien ne manquait au festin ;
Mais quelqu'un troubla la fête
Pendant qu'ils étaient en train.
A la porte de la salle
Ils entendirent du bruit :
Le Rat de ville détale ;
Son camarade le suit.
Le bruit cesse, on se retire :
Rats en campagne aussitôt ;
Et le citadin de dire :
Achevons tout notre rôt2.
- C'est assez, dit le rustique ;
Demain vous viendrez chez moi :
Ce n'est pas que je me pique
De tous vos festins de Roi ;
Mais rien ne vient m'interrompre :
Je mange tout à loisir.
Adieu donc ; fi du plaisir3
Que la crainte peut corrompre.
Jean de la Fontaine - Les Fables
Vocabulaire :
1 fort civile : très polie
2 rôt : repas
3 fi du plaisir : tant pis pour le plaisir
Le Rat de ville et le Rat des champs - Jean de la Fontaine
Annonce des axes
I. Deux personnages opposés
1. Raffinement contre rusticité
2. Angoisse contre tranquillité
II. Un apologue plaisant
1. L'art du récit
2. Le comique
3. La morale
Commentaire littéraire
I. Deux personnages opposés
1. Raffinement contre rusticité
Jean de la Fontaine met en scène deux personnages opposés dans cette fable, le rat des villes et le rat des champs.
Ces personnages sont déjà présentés dans le titre et dans les deux premiers vers de la fable ("Autrefois le Rat de ville / Invita le Rat des champs"), construits de façon parallèle.
Le rat des villes fait preuve de politesse : il invite le rat des champs à manger, de façon très polie ("d'une façon fort civile").
Le rat des villes veut impressionner le rat des champs et fait donc preuve d'un raffinement certain : "des reliefs d'Ortolans" (l'ortolan est un oiseau à chair délicieuse), "Sur un Tapis de Turquie".
Le champ lexical de la nourriture fine montre que le repas est raffiné et abondant : "Ortolans", "régal", "festin", "festins de Roi". Le mot "fête" montre aussi une idée d'abondance, d'amusement.
Le rat des champs, au contraire est présenté comme "rustique".
Le rat des champs est plus sensible à la quantité qu'à la qualité : "Je mange tout à loisir", "fi du plaisir". S'il souligne le luxe du festin proposé par son ami, comme le montre l’hyperbole "Vos festins de roi", c'est qu'il doit être habitué à une nourriture plus simple.
Son niveau de langage peut être familier, comme le montre l'interjection "Fi" au vers 27.
Au contraire du rat des villes qui invite le rat des champs à manger, le rat des champs utilise l'impératif pour proposer un repas à son camarade : "Demain vous viendrez chez moi".
Le rat des champs a des manières plus brusques que le rat des villes.
2. Angoisse contre tranquillité
Le festin est troublé par un bruit inattendu. La rupture avec la "fête" est annoncée par conjonction de coordination "Mais" ("Mais quelqu'un troubla la fête").
Le rat des villes est craintif, le moindre bruit l'effraie : "Ils entendirent du bruit : / Le Rat de ville détale". Les deux points et le fait qu'il n'y ait pas de connecteurs logiques entre les deux vers expriment l'immédiateté de la réaction du rat des villes, montrant ainsi son manque de courage. Le verbe "détaler" exprime aussi la rapidité de la fuite.
Pourtant, le bruit ne semble pas une menace : "du bruit" (ce qui semble normal lorsqu'on se trouve en ville).
Un peu plus loin dans la fable, le rat des villes dit "Achevons tout notre rôt". Cela montre sa crainte de se voir voler son repas, il doit donc "tout" finir.
Au contraire, le rat des champs semble plus serein. Il s'enfuit aussi en entendant le bruit, mais il ne fait en réalité que suivre le rat des villes ("Son camarade le suit").
II. Un apologue plaisant
1. L'art du récit
Comme à son habitude, La Fontaine réalise un récit court et plaisant.
Ce texte a les caractéristiques d'une fable : récit bref qui met souvent en scène des animaux auxquels on prête les qualités et les défauts des hommes. Les animaux sont des
allégories des caractères humains.
La fable est dynamique, les actions s'enchainent rapidement.
Le récit est simple : vocabulaire simple, phrases courtes, histoire simple, deux personnages seulement.
La fable peut se découper en trois grandes parties, qui évoquent le nombre d’actes d’une comédie :
- L'invitation du rat des villes
- La péripétie : le bruit
- Le dénouement : l'invitation du rat des champs
Les paroles des animaux sont rapportées au style direct, ce qui confère de la vivacité au récit.
La fable est organisée en 7
quatrains d'
heptasyllabes, à
rimes croisées sauf dans le dernier quatrain (
rimes embrassées). La Fontaine n'utilise donc pas de variété dans le genre des vers et des rimes, ce qui est rare chez ce fabuliste.
La musicalité est présente dans la fable. Par exemple dans le deuxième quatrain, une
allitération en [t] ("Sur un Tapis de Turquie") est suivie par une allitération en [v] (Le couvert se trouva mis. / Je laisse à penser la vie"). Notons également l'allitération en [f] du troisième quatrain
2. Le comique
Le comique est présent tout au long de la fable.
Par exemple, le comique de gestes avec l'expression "D’une façon fort civile" qui laisse imaginer le rat des villes faisant de nombreuses courbettes pour inviter son ami le rat des champs, alors que cela n'est sans doute pas nécessaire pour une telle invitation.
De même, la couardise du rat des villes est comique lorsqu'il "détale" dès qu'il entend un bruit, et le rat des champs qui le "suit" docilement.
3. La morale
La Fontaine fait une apologie indirecte de la vie rurale.
La morale est donnée sur quatre vers :
Mais rien ne vient m'interrompre :
Je mange tout à loisir.
Adieu donc ; fi du plaisir
Que la crainte peut corrompre.
Cette morale est au présent de vérité générale. Notons que dans ces quatre vers,
les rimes sont riches.
Elle est énoncée par le rat des champs, ce qui prouve sa supériorité sur le rat des villes et lui donne la dimension d'un sage.
Les deux rats représentent certainement la noblesse, l’un est le noble qui s’est installé à la ville, et qui vit certainement auprès du Roi, l’autre a choisi de vivre à la campagne, loin du tumulte de la Cour.
Cette fable de La Fontaine peut donc être vue comme une comparaison de la vie mondaine à la Cour et la vie retirée en campagne, la vie tranquille en campagne emportant les faveurs de la Fontaine.
La portée de la fable est universelle : indice spatiaux et temporels vagues, époque indéterminée.
Cette fable est donc un apologue : un récit qui a pour fonction d'illustrer une leçon morale. La Fontaine veut plaire pour instruire. Les personnages représentent tous un type d’individu qui traverse les époques (le citadin et le campagnard).
Conclusion
La fable
Le rat de ville et le Rat des champs de
Jean de la Fontaine est donc l'occasion pour le fabuliste de montrer son attachement à la vie simple de la campagne. Comme à son habitude, La Fontaine fait un récit plaisant, afin de plaire pour mieux instruire.
La Fontaine traite ici d'un sujet intemporel, puisque cette thématique est encore d'actualité aujourd'hui !
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